L'infirmière n° 034 du 01/07/2023

 

JE ME FORME

PHARMACO

Florence Bontemps  

Dr en pharmacie, Défimédoc

1 DE QUOI PARLE-T-ON ?

Les agents antiplaquettaires sont utilisés essentiellement en prévention primaire ou secondaire des thromboses artérielles (AVC ischémiques, infarctus du myocarde, etc.).

Le traitement antiagrégant plaquettaire ne doit jamais être interrompu sans avis médical, même pour un temps bref.

Spécialités

• Le premier antiplaquettaire utilisé dans les années 1970 a été l’acide acétylsalicylique (aspirine). Sont actuellement commercialisés des comprimés gastrorésistants (aspirine Protect, Resitune, etc.) et des sachets (Kardegic).

• Les autres antiplaquettaires commercialisés en ville sont des antagonistes du récepteur P2Y12 :

- clopidogrel (Plavix ), prasugrel (Efient) et ticlopidine (Ticlid). Duoplavin associe clopidogrel et aspirine ;

- ticagrélor per os (Brilique), cangrélor (Kengrexal) par voie IV à l’hôpital, qui sont des antiplaquettaires à fixation réversible.

• La ticlopidine (Ticlid) présente un risque accru de neutropénie, de thrombocytopénie et de purpura thrombotique thrombopénique et ne devrait plus être prescrite.

• Les anti (GP) IIb/IIIa (abciximab, tirofiban, eptifibatide) ne sont utilisés qu’à l’hôpital en cardiologie interventionnelle.

Indications

• Les antiplaquettaires sont indiqués dans la prévention et le traitement des maladies thrombotiques artérielles (infarctus du myocarde, angioplastie coronaire, accident vasculaire cérébral, etc.) ; en effet, les plaquettes jouent un rôle prépondérant dans la thrombose artérielle. Les thromboses veineuses sont, quant à elles, traitées par les anticoagulants oraux (AVK, anti-Xa, etc.).

• Le but du traitement est d’établir un équilibre favorable entre la prévention des événements ischémiques et le risque de saignement.

• Les indications des antiplaquettaires diffèrent selon les molécules mais elles concernent toujours les patients à haut risque vasculaire ayant une pathologie artérielle ischémique confirmée.

• Chez les patients bénéficiant d’une pose de stent, le clopidogrel est indiqué en association à l’aspirine. De même, le prasugrel et le ticagrélor sont indiqués uniquement en association avec l’aspirine, en prévention des événements athérothrombotiques chez les patients avec un syndrome coronarien aigu traité par intervention coronaire percutanée (ou angioplastie coronaire avec pose de stent).

• Les lignes directrices européennes recommandent d’associer deux antiplaquettaires pour une durée minimale de 6 mois à 1 an après un syndrome coronarien aigu et de 1 à 6 mois après la pose d’un stent, selon le risque thrombotique et le risque de saignement. Le traitement peut être poursuivi au-delà de 6 mois ou 1 an en cas de risque thrombotique modéré ou élevé chez les patients qui ne sont pas à haut risque de saignement.

Mode d’action

• L’aspirine à faible dose possède uniquement une action antiplaquettaire, sans effet antipyrétique et anti-inflammatoire, en raison de l’effet de premier passage hépatique. L’effet anti-agrégant est dû à l’inhibition de la cyclo-oxygénase de type 1 qui réduit la production de thromboxane A2, un puissant activateur de l’agrégation plaquettaire. L’effet antiplaquettaire est maximal au bout de 72 heures sauf si une dose de charge est donnée en cas d’urgence cardiologique.

• Les antagonistes du récepteur P2Y12 permettent de réduire l’effet de l’ADP libéré par les plaquettes et donc de réduire l’agrégation de celles-ci, induisant une réduction de la formation du caillot plaquettaire.

• Clopidogrel et prasugrel se fixent de manière irréversible au récepteur : ils ont un effet pendant au moins 5 jours.

2 QUE FAUT-IL SAVOIR/SURVEILLER ?

Posologies

• L’aspirine est préconisée à la dose de 75 mg à 325 mg par jour selon le contexte. La plus faible dose (75 à 100 mg) est préférable pour minimiser le risque hémorragique.

• Le clopidogrel est recommandé à la dose de 75 mg par jour. Dans certains cas, une dose de charge de 300 à 600 mg est administrée le premier jour.

• Le prasugrel est recommandé à la dose de 10 mg par jour, après, dans certains cas, une dose de charge le premier jour de 60 mg.

• Le ticagrélor est administré matin et soir à la dose de 90 mg, après une dose de charge de 180 mg.

• Aucun ajustement des posologies n’est nécessaire par rapport à la fonction rénale du patient.

• À ce jour, aucun test biologique n’est recommandé en routine pour adapter les posologies.

Effets indésirables

• Accidents hémorragiques

• Tous les antiplaquettaires augmentent le risque de saignement ; un suivi de la formule sanguine ou tout examen approprié est recommandé en cas de signes évocateurs de saignement durant le traitement.

• Les signes hémorragiques (saignement visible

- épistaxis, hématomes - ou occulte) doivent être surveillés.

• Par son effet sur la COX-1, l’aspirine augmente significativement le risque de saignement gastro-intestinal. La coprescription d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) n’est toutefois pas systématique car les traitements au long cours par IPP ont des effets indésirables à long terme.

• Effets spécifiques du ticagrélor.

• Une dyspnée est possible, pouvant être légère à modérée, d’où une précaution d’emploi en cas d’asthme ou de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).

• Le ticagrélor peut bloquer la sécrétion rénale de créatinine et provoquer une augmentation anormale de la valeur, ce qui peut compliquer le suivi d’un patient atteint d’une insuffisance rénale chronique.

• Enfin, le ticagrélor peut augmenter le risque de bradycardie, notamment chez les patients à risque ; une surveillance est recommandée, notamment en association avec d’autres médicaments bradycardisants.

• Effet spécifique du prasugrel.

• Le prasugrel augmente fortement le risque de saignement chez certains patients : âge. 75 ans, poids < 60 kg ou tendance aux saignements ; le médicament devrait être évité chez ces patients.

• Effet spécifique de l’aspirine.

• L’aspirine à faible dose peut entraîner une hyperuricémie. En l’absence de crises de goutte, le traitement de cette hyeruricémie n’est pas toujours pertinent.

Interactions médicamenteuses

• Clopidogrel et IPP.

• Le clopidogrel nécessite un métabolisme hépatique notamment via le CYP450 2C19 pour former le métabolique actif du médicament.

En cas d’association à un inhibiteur du CYP2C19, l’effet antiplaquettaire pourrait être réduit. Par exemple, parmi les IPP, l’oméprazole et l’ésoméprazole (IPP inhibiteurs du CYP450 2C19) pourraient réduire l’efficacité du clopidogrel ; leur association n’est pas recommandée.

• Clopidogrel et répaglinide.

• L’association du clopidogrel avec le répaglinide augmente le risque d’hypoglycémie par inhibition du CYP2C8. Surveiller l’apparition d’hypoglycémie.

• Ticagrélor et inhibiteurs ou inducteurs enzymatiques.

• Le ticagrélor est un substrat du CYP450 3 A4 et de la P-glycoprotéine (PGP). De ce fait l’association du ticagrélor avec certains macrolides, dont la clarithromycine, certains antifongiques azolés… est déconseillée ou contre-indiquée (augmentation des concentrations plasmatiques de ticagrelor).

• L’association à des inducteurs du CYP3A4 (millepertuis, carbamazépine, etc.) est contre-indiquée (risque de diminution importante des concentrations plasmatiques de ticagrelor avec risque de récidive de la thrombose artérielle).

• Antiplaquettaires et AINS.

• Pour tous les antiplaquettaires, l’association aux AINS est à prendre en compte en raison du risque hémorragique, notamment gastro-intestinal ; un IPP est recommandé (ou réévaluer l’indication de l’AINS). Le risque hémorragique est également augmenté avec les anticoagulants oraux, les héparines, et les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.

Ne jamais interrompre le traitement sans avis médical !

• Le traitement antiagrégant plaquettaire ne doit jamais être interrompu sans l’avis du médecin prescripteur (risque de récidive de la thrombose artérielle).

• En cas de chirurgie avec un risque hémorragique intermédiaire ou élevé, un arrêt de l’antiplaquettaire P2Y12 peut être envisagé avant l’intervention pour réduire le risque de saignement ; le site www.thromboclic.fr (voir Références) permet de valider le risque selon le type de chirurgie.

• Si l’arrêt est nécessaire, il faut arrêter l’aspirine 3 jours avant le geste, 5 jours pour le clopidogrel ou le ticagrélor, et 7 jours pour le prasugrel.

• Si le risque thrombotique est élevé (pose de stent récent, infarctus du myocarde récent), le report du geste chirurgical pourrait être recommandé selon les cas.

RÉFÉRENCES

1. HAS-ANSM, « Recommandations de bonne pratique. Bon usage des agents antiplaquettaires », juin 2012. Lien pour télécharger le pdf : https://urlz.fr/mjiG.

2. Juhani Knuuti, William Wijns, Antti Saraste, Davide Capodanno, Emanuele Barbato, Christian Funck-Brentano, et al., “2019 ESC Guidelines for the diagnosis and management of chronic coronary syndromes: The Task Force for the diagnosis and management of chronic coronary syndromes of the European Society of Cardiology (ESC)”, European Heart Journal, 2020;41 (3):407-77. Lien pour le consulter : https://urlz.fr/mjiK.

3. Collège national de pharmacologie médicale, fiche sur les Inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire consultable sur le site pharmacomedicale.org. Lien pour y accéder : https://urlz.fr/mjjP.

4. Thromboclic, fiches sur les gestes sous antithrombotiques sur le site thromboclic.fr. Lien pour les consulter : https://urlz.fr/mjjh.

L’autrice déclare ne pas avoir de liens d’intérêt

Variabilité de la réponse au clopidogrel

Le clopidogrel n’est actif qu’après transformation hépatique en un métabolite actif. La conversion en métabolite actif est en partie associée à des variants génétiques. Des tests biologiques permettent de détecter les patients peu ou non répondeurs au clopidogrel, de façon à éviter le risque d’événements ischémiques sous traitement

Association antiplaquettaire et anticoagulant oral

Certains patients peuvent nécessiter un traitement antiplaquettaire et un traitement anticoagulant oral : dans ce cas, la préférence va au clopidogrel associé à un anticoagulant oral direct (AOD : apixaban, rivaroxaban ou dabigatran).

Une triple thérapie (aspirine, clopidogrel et AOD) est possible pour un maximum de 6 mois si les bénéfices surpassent le risque de saignement.