PARKINSON ET LE MOUVEMENT EN MUSIQUE
JE ME FORME
PRISE EN CHARGE
Percussions et tango ont des effets bénéfiques, physiques et psychiques, pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson.
C’est un rituel hebdomadaire : Malika Abbes, percussionniste professionnelle depuis une trentaine d’années, distribue des bouts de journaux à l’assemblée. Ils sont quatre participants ce lundi, en proche banlieue parisienne, mais son atelier de percussions réunit parfois jusqu’à une petite dizaine de personnes. Chacun vient comme il peut. Autour de la musicienne, Patrick, diagnostiqué en 1997, Dominique, diagnostiquée il y a deux ans et demi, Jean-Pierre, en 2007, et Chrystelle, en 2013. Ils attrapent deux feuilles de journal « à froisser pour s’échauffer ». « C’est de la mini-kiné, justifie Malika. Cet exercice vient d’un grand batteur de jazz, Billy Coba. J’ai développé la technique. » Chacun a amené son instrument, un petit djembé, percussion africaine, à 60 euros, léger et facile à transporter. « Et qui résonne bien, complète Malika Abbes. On ressent la résonance vite. » « Mon bras droit va mieux », assure Patrick. Dominique, elle, voulait travailler la motricité fine : « Main, doigt, je voulais centrer la rééducation là-dessus. » « Certains adhérents avaient perdu l’usage de leur main, rebondit la professeure. Et c’est revenu avec les percussions. »
Lors de la séance du jour, différents exercices. Les rythmes s’étoffent, s’accélèrent. Au milieu, une pause : un temps d’échange pour savoir comment chacun se porte au jour le jour. L’atelier reprend, Malika introduit la voix. La séance, riche, s’achève, après un final intense. « Je me sens détendu, commente Jean-Pierre. La résonance et les mouvements nous permettent de fabriquer de la dopamine. » « Il m’arrive d’accompagner à la maison, avec mon djembé, un morceau que j’aime bien », témoigne Chrystelle.
Après ces escapades africaines, certains vont continuer le voyage quelques jours plus tard, dans le centre de Paris, et s’envoler vers l’Argentine, lors du cours de tango de Charlotte Millour, professeure depuis douze ans. Le tango aurait des vertus spécifiques . « Le tango te reconnecte à ta puissance, introduit la danseuse. C’est une danse libre, profonde. La pratique développe l’équilibre, améliore l’attention, redonne confiance en soi et permet une interaction sociale. Se prendre dans les bras, c’est thérapeutique, avec une énergie, ça l’est plus encore ! » Le célèbre neurologue Pierre Lemarquis (lire son interview ci-contre) souligne depuis de nombreuses années les effets de la pratique : « Dans le tango, vous entraînez l’autre. Avec Parkinson, c’est souvent l’initiation du mouvement qui manque. On a beau donner des tonnes de traitements, il y a toujours un défaut d’initiation. La musique permet de passer par d’autres circuits et de pallier ce défaut. Certains ont simplement besoin de l’imaginer dans leur tête. »
Ils sont dix, ce jeudi, dont quatre nouveaux. Parmi eux, Suzanne et Elliot, diagnostiqués en 2016. « C’est sur le site de l’hôpital de la Salpêtrière que j’ai appris que c’était efficace », se souvient Suzanne. Dans la salle de danse, les uns et les autres s’installent. Comme pour les percussions, d’abord l’échauffement. « On s’ancre dans le sol, dans son corps, on oublie les problèmes de la journée, pose Charlotte Millour. Je mets de la musique en fond pour qu’elle fasse son chemin dans l’inconscient. » Des déplacements, des jeux, « on pousse, on résiste », puis place aux binômes. « Essayez de vous faire guider par la musique, vous interprétez quelque chose qui vous est donné ! » L’atelier dure une heure et demi et le dynamisme de Charlotte ne faiblit pas. Elle insiste pour que les danseurs changent de partenaires. Le rythme est soutenu. Chrystelle l’assume à la fin : « C’était dur ! » Elliott, un peu fatigué, est convaincu : « C’est un vrai gain, on va revenir. » « La venue de nouveaux participants permet de revoir les bases », salue Charlotte. L’enseignante espère plus de visibilité, être contactée par d’autres associations, d’autres personnes, quelles que soient la situation, la pathologie. « On peut tout appréhender avec le tango : les problèmes de mouvement, de contact… assure-t-elle. Se mettre en relation les uns avec les autres est essentiel. » Comme les voyages qu’offre la musique.
Informations sur franceparkinson.fr
Pierre Lemarquis, neurologue mélomane, passionné de musique et neurologue reconnu dans le monde entier, publie depuis des années nombre d’articles et d’essais attestant du pouvoir de la musique sur le cerveau humain. Le dernier en date : Les pouvoirs de la musique sur le cerveau des enfants et des adultes*.
Comment résumer l’effet de la musique sur le cerveau humain ?
La musique sculpte et caresse le cerveau. De façon schématique, on a deux cerveaux. Le premier fonctionne comme un ordinateur : il capte les informations et nous dit ce qu’il faut faire pour rester en vie. Le second est le cerveau du plaisir et de la récompense : il nous donne envie de vivre. La musique sculpte le cerveau intellectuel et en même temps nous donne de la joie, nous donne envie de vivre. Les deux ne sont pas toujours d’accord mais la musique agit sur les deux !
Comment expliquer que la musique provoque des réactions physiques ?
Quand elle agit sur le système du plaisir et de la récompense, elle provoque un effet chimique puisque l’on secrète alors plein de bonnes substances : la dopamine, la sérotonine comme d’autres hormones que l’on retrouve dans les antidépresseurs, puis des endorphines, de la morphine endogène, pour l’aspect antalgique. On sécrète de la morphine et c’est ce qui nous donne la chair de poule quand une musique nous plaît. Si on est victime de douleurs chroniques, écouter de la musique va alors non seulement détourner notre attention mais en même temps nous permettre de sécréter de la morphine endogène, donc on aura moins besoin d’opiacés. Effets antidépresseur, anxiolytique, antalgique…
Peut-on envisager de prévenir des maladies avec de la musique ?
Pas les empêcher mais les retarder, peut-être. C’est la grande découverte sur Alzheimer : si on a une vie culturelle et sociale développée, la maladie apparaîtra plus tard. C’est une certitude, ça a été prouvé sur des milliers de personnes. Si vous faites de la musique, ça fait marcher votre cerveau et crée une réserve intellectuelle. Quand la maladie arrive, vous puisez dans cette réserve et elle se révélera plus tard. Autant avoir une longue période durant laquelle on ne voit pas la maladie puisque, de toute façon, elle est là.
Que conseiller aux soignants qui s’intéressent à la place de la musique ?
Chanter, parler musique avec les patients, en passer. Il faut encourager ces pratiques ! C’est facile à mettre en place. Maintenant, des centaines d’articles prouvent que ce ne sont pas des croyances. La musique facilite le quotidien des équipes et des patients.
* Lemarquis P., Les Pouvoirs de la musique sur le cerveau des enfants et des adultes, éditions Odile Jacob, 2021.