LES ÉTAPES CLÉS POUR SE LANCER
MAISON DE SANTÉ PLURIPROFESSIONNELLE
J’EXERCE EN LIBÉRAL
ORGANISATION
Annoncé mi-juin par le ministère de la Santé, le Plan 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) d’ici 2027 marque une avancée en faveur de l’exercice coordonné. Se lancer requiert cependant de respecter quelques étapes.
D’après les chiffres de la Direction générale de l’offre de soins, 2 251 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) étaient établies en France en février, avec plus de 35 000 professionnels de santé y exerçant. Depuis 2007, ces structures sont reconnues par le code de la santé publique (CSP). Dès lors que des soignants libéraux souhaitent se lancer dans un exercice coordonné au sein d’une MSP, ils doivent dans un premier temps constituer une équipe de base qui repose, d’après la loi, sur l’engagement au minimum, de deux médecins – pas nécessairement généralistes – et d’un paramédical. « Lorsque nous accompagnons des équipes de professionnels de santé dans une structuration en MSP, la première étape consiste à les informer sur cet engagement, à s’assurer de l’implication de chacun et à veiller à leurs objectifs communs, explique Lucie Souffois, chargée de développement au sein de l’association bretonne GécoLib, qui accompagne les professionnels dans la mise en œuvre d’un exercice coordonné. Cette étape est essentielle car un projet de ce type requiert des bases saines. »
Pour être éligible « MSP », l’équipe doit nécessairement rédiger un projet de santé commun, qui « doit répondre à un cahier des charges, être adapté aux besoins du territoire et dépendre des appétences des professionnels de santé investis, indique Pascal Chauvet, infirmier libéral et trésorier national d’AVECsanté(1). De fait, d’une MSP à une autre, les projets de santé diffèrent. » Ce cahier des charges décline les quatre missions socles à remplir par la MSP : la fonction de coordination, la mise en place d’un système d’information partagé, une organisation en réponse à l’accès aux soins avec des permanences médicales et la prise en charge des soins non programmés, et la réponse aux crises sanitaires graves. S’ajoutent des critères optionnels tels que des missions de santé publique, l’implication des usagers ou encore la mise en place d’actions de prévention. Le projet de santé doit ensuite être soumis à l’Agence régionale de santé (ARS), qui statue et se prononce sur la reconnaissance de la MSP. Pour déposer leur projet de santé à l’ARS, les professionnels de santé doivent se constituer en association loi 1901. « Nous estimons qu’il faut environ un an à un an et demi entre l’idée de s’organiser en MSP et la présentation du projet de santé à l’ARS », fait savoir Pascal Chauvet.
Concernant le lieu d’exercice, deux options s’offrent aux professionnels de santé.
Tout d’abord, l’équipe peut disposer d’un projet immobilier commun. Dans ce cas, deux choix sont possibles :
→ L’équipe peut s’adresser à un bailleur privé, qui construit la structure ou en réhabilite une. Les soignants deviennent alors locataires et payent un loyer. Le bailleur privé ne peut pas disposer d’aides publiques pour ce projet. « Je conseille fortement aux professionnels de réfléchir à investir dans l’immobilier via le montage d’une Société civile immobilière (SCI), souligne Pascal Chauvet. Ils verseront ainsi les loyers à la SCI dont ils sont actionnaires, et récupéreront des dividendes. »
→ L’équipe peut également s’adresser à un bailleur public, à savoir une commune ou une communauté de communes, celle-ci pouvant bénéficier d’aides publiques pouvant aller jusqu’à 50 % du montant de l’investissement. Une commission régionale d’accréditation des aides publiques à destination des MSP, pilotée par la préfecture, avec l’ARS et la Région, se réunit pour étudier les demandes d’aides publiques, en présence d’autres instances telles que les représentants des ordres professionnels et des Unions régionales des professionnels de santé (URPS). « Aujourd’hui, les commissions examinent de plus en plus des demandes de financement pour des extensions de bâtiments, ce qui est révélateur de la bonne santé des MSP », pointe Pascal Chauvet. L’obtention de cette aide vient généralement minorer le montant des loyers demandés aux professionnels de santé.
Deuxième option : sans projet immobilier commun, les professionnels de santé s’organisent alors en MSP hors les murs. « Le bâtiment comme lieu d’exercice commun n’est en aucun cas obligatoire, rappelle Pascal Chauvet. Certes, il s’agit d’une plus-value indéniable, notamment pour faciliter les échanges et la coordination, mais les professionnels de santé peuvent très bien exercer en MSP hors les murs. Ils doivent cependant fonctionner comme une MSP donc organiser des réunions de coordination, monter des projets communs ou encore partager un système informatique. »
Dès lors que la MSP est reconnue par l’ARS, l’équipe peut solliciter l’application de l’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI) auprès de sa Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). L’ACI accorde des financements à la MSP pour permettre la réalisation des objectifs fixés dans le projet de santé.
Pour demander l’ACI, l’équipe doit se structurer juridiquement en Société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa). « Elle peut cependant demander l’ACI sans Sisa, elle dispose ensuite de six mois pour régulariser la situation », explique Pascal Chauvet, précisant que la demande d’ACI n’est qu’une formalité dès lors que la MSP est reconnue par l’ARS. Ce sont tous les membres de la Sisa qui signent l’ACI ainsi que l’engagement de se constituer en Sisa sous six mois. Les financements de l’ACI sont ensuite versés à la Sisa. Celle-ci ne peut regrouper que les professionnels de santé reconnus par le CSP. Il est donc nécessaire de maintenir le statut associatif de la MSP, car l’équipe peut également rassembler des non-professionnels de santé, par exemple des psychologues. Par le biais de l’association, ils peuvent ainsi participer à la vie de la MSP, porter des décisions ou encore travailler pour la MSP et facturer à la Sisa. Les professionnels de santé ne doivent pas hésiter à contacter leur ARS, car c’est elle qui octroie des fonds aux équipes, versées à l’association, pour des aides au démarrage, pour recruter une coordinatrice, financer les temps d’échange pour l’élaboration du projet de santé ou encore pour se doter d’un système d’information partagé.
1. AVECsanté est un mouvement fédéré qui se donne pour mission de réorganiser les soins primaires en France, notamment en généralisant l’exercice coordonné en équipe et en MSP.
Sébastien Maréchal, Idel et cogérant d’une MSP à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne)
« Notre projet de MSP est né en 2018 avec l’organisation d’une réunion entre professionnels du territoire, pour savoir lesquels souhaitaient se regrouper au sein d’une MSP.
J’ai tout de suite adhéré au projet. Nous avons rapidement créé l’association des professionnels de santé libéraux, puis rédigé notre projet de santé. En 2020, nous l’avons déposé à l’ARS et signé l’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI) dans la foulée. Aujourd’hui, nous sommes plus d’une cinquantaine de professionnels de santé à faire partie de la MSP, soit quasiment tous ceux de la commune. À l’origine, nous n’avons pas souhaité impliquer les pouvoirs publics. Nous avons commencé par exercer selon le modèle « hors les murs », pour nous assurer de notre bonne entente. Puis, nous sommes plusieurs à avoir décidé d’exercer dans un lieu commun. Nous avons construit une structure, sur les fonds propres des kinésithérapeutes, dont nous sommes devenus les locataires. Récemment, la collectivité nous a proposé de tous devenir les locataires d’une structure intercommunale. Nous avons accepté à la condition d’être proches du local déjà construit. La commune a donc racheté le local aux kinésithérapeutes, acheté le terrain à proximité pour agrandir le bâtiment et repris les crédits des médecins pour qu’ils puissent rejoindre les locaux communs. L’ensemble devrait sortir de terre l’année prochaine. Nous doublons toutes les surfaces et construisons des studios pour accueillir des étudiants en santé et attirer les professionnels dans notre territoire. Pour les infirmiers, la MSP a considérablement modifié nos rapports. Auparavant, nous étions dans une forme de concurrence et nous nous parlions peu. Désormais, sur les 40 Idels de la commune, nous sommes 37 à faire partie de la MSP. Je ne peux que conseiller aux Idels de se lancer ou de rejoindre une MSP, car ce mode d’exercice permet à notre métier d’être reconnu. Il ne faut certes pas s’attendre à ce que tout change rapidement, mais nous pouvons au moins, par ce biais, apprendre à nous connaître et discuter. »
Guillaume Fongueuse, Idel et coordinateur de la MSP de L’Avre à Trois-Rivières (Somme)
« Après avoir travaillé en clinique, j’ai souhaité m’installer en libéral. J’ai commencé par chercher un local proche de chez moi. J’ai réussi ensuite à embarquer mon beau-frère et un ami, kinésithérapeutes, ainsi qu’une ancienne collègue infirmière. À l’époque, en 2008, je m’étais déjà renseigné sur les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), mais nous ne remplissions pas les critères. Pendant cinq ans, nous avons travaillé au sein de notre maison paramédicale, jusqu’à ce que nous devions déménager pour disposer de locaux adaptés à l’accueil de personnes à mobilité réduite. Deux médecins d’une commune voisine, à dix ans de la retraite, installés dans leur maison respective, nous ont contactés pour nous proposer d’exercer ensemble. L’équipe était née, avec également une orthoptiste. J’ai alors reparlé du projet de MSP, car désormais, nous avions la configuration requise. Nous nous sommes rapprochés de l’Agence régionale de santé (ARS) et du département, puis sur leur conseil, de la communauté de communes, pour bénéficier de fonds européens. Nous avons été confrontés à des tensions politiques, à un abandon de projet par la communauté de communes puis par un maire. Mais un autre élu nous a suivis en mettant un terrain à disposition et en portant le projet immobilier. La MSP a ouvert fin 2018. Entretemps, l’équipe s’est agrandie, nous avons donc effectué une première extension et une deuxième est en cours. Avant de se lancer dans ce type d’initiative, il faut avoir la capacité d’analyser les besoins de son territoire et je conseille toujours de se rapprocher préalablement de son ARS, informée de l’ensemble des projets qui se dessinent sur son territoire. »
Par Marie-Claude Daydé, infirmière libérale
[ L’infirmière peut-elle être la personne de confiance de son patient ? ]
Solène, infirmière libérale, a fait une formation sur les droits des malades, qu’elle a beaucoup appréciée. Pour la mise en pratique, elle informe régulièrement les personnes qu’elle soigne, notamment sur la possibilité de désigner une personne de confiance. Si bien qu’une personne de 79 ans qui vit seule, convaincue de l’intérêt de cette désignation, lui demande avec insistance d’être sa personne de confiance. Solène n’y est pas très favorable, et a besoin d’un temps de réflexion, craignant dans ce cumul de fonctions de ne plus savoir à quel moment se positionner comme infirmière ou comme personne de confiance. D’autant qu’elle intervient quotidiennement chez cette personne et se dit qu’un autre regard plus distancié serait peut-être bénéfique pour assurer ce rôle. La loi du 4 mars 2002 précise que « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant […] ». La liste n’est pas limitative et la dame considère l’infirmière comme un proche. Ce qui invite la professionnelle à chercher un équilibre entre la juste distance et la proximité. À quoi s’engage la personne de confiance dans cette situation ? À rendre compte de la volonté de la personne lorsque celle-ci ne sera plus en mesure de s’exprimer. La personne de confiance ne décide pas à sa place mais selon ses instructions. Elle peut également l’accompagner « dans les entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions ». Elle peut aussi être un témoin privilégié dans les procédures décisionnelles de fin de vie, notamment lorsqu’aucune directive anticipée n’a été rédigée. Ce qui engage une responsabilité personnelle qui peut être parfois difficile à vivre.
Au cours de sa réflexion, une autre question interpelle encore l’infirmière : si différents patients formulent la même demande, sur quels critères « équitables » fonder sa réponse tout en prenant en compte la singularité de chaque situation ?