La formation continue offre à chaque infirmière la possibilité d’approfondir ou d’acquérir de nouvelles compétences. Certains dispositifs sont diplômants, d’autres permettent de changer de statut.
Tout au long de leur vie active, les infirmières ont l’obligation de suivre un parcours de formation continue leur permettant d’agir sur leurs perspectives professionnelles. Pour saisir la logique de formation continue déployée au sein des établissements vis-à-vis du personnel soignant, il est tout d’abord nécessaire d’en comprendre les financements.
Les établissements hospitaliers, publics comme privés, ont l’obligation de cotiser pour la formation continue.
Ainsi, les établissements publics paient :
– une cotisation pour leur plan de formation : 2,1 % de la masse salariale, prélevée et gérée par l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH), organisme collecteur pour la fonction publique hospitalière ;
– une cotisation au fonds mutualisé études promotionnelles (FMEP) : 0,6 % de la masse salariale prélevée et gérée par l’ANFH ;
– une cotisation pour le fonds congé de formation professionnelle-bilan de compétences-validation des acquis de l’expérience (CFP-BC-VAE) : 0,2 % de la masse salariale.
Les structures privées quant à elles cotisent à l’opérateur de compétences (Opco) Santé, à qui elles versent également un pourcentage en fonction de la masse salariale brute annuelle. Quant au montant investi, il dépend de la branche professionnelle, de la taille de la structure, du statut et des besoins en formation.
L’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) permet en outre la prise en charge des frais de formation pour certaines professions exerçant en salariat en centre de soins conventionné dans le cadre d’actions relevant du DPC (lire encadré « Du DPC à la certification » p. 42).
Au cours de sa carrière, l’infirmière peut tout d’abord faire le choix de suivre une formation diplômante, lui permettant de changer de statut. C’est le cas si elle souhaite par exemple devenir cadre de santé, infirmière de bloc opératoire (Ibode), infirmière anesthésiste (Iade), infirmière puéricultrice (IPDE) ou encore infirmière en pratique avancée (IPA).
Au sein du budget global de formation continue des établissements, une part est consacrée au financement de ces études promotionnelles. « Dans notre établissement, il relève de la direction des soins d’identifier les besoins et le nombre de départs en formation promotionnelle souhaités, en lien avec le suivi des effectifs, explique Morgane Jégo, responsable de la formation continue au sein du centre hospitalier Guillaume Régnier à Rennes en Ille-et-Vilaine. La demande est ensuite budgétisée par le service de formation de l’établissement et décidée par la direction des ressources humaines (DRH). Le comité social d’établissement est quant à lui sollicité pour avis sur la répartition du plan de formation. » À l’issue des études promotionnelles, l’agent est tenu à un engagement de servir soit auprès de son établissement si le financement de la formation repose sur le plan de formation, soit au sein de la fonction publique hospitalière (FPH) de la Région, si le financement est issu du FMEP.
Les infirmières peuvent également suivre des formations leur permettant d’améliorer leur expertise. Ce projet de formation émane de la direction et parfois du pôle ou du service. Outre les formations obligatoires (gestes d’urgence, par exemple), le plan de formation peut répondre à des obligations réglementaires, à des orientations de l’ANDPC permettant aux soignants de valider leur DPC, ou encore aux axes institutionnels liés au projet d’établissement et/ou aux souhaits de formation exprimés par les agents lors des entretiens individuels. « Nous achetons des formations de groupe pour l’établissement sur des thématiques globales telles que l’éducation thérapeutique du patient, l’entretien infirmier ou les formations réglementaires », cite pour illustrer Morgane Jégo.
La réflexion peut aussi être menée à l’échelle du pôle ou des services qui disposent, en fonction des établissements, d’enveloppes dédiées pour proposer des axes de formation propres à leurs équipes. « Sur la base de l’extraction des fiches d’événements indésirables, nous avons par exemple identifié, au sein de notre pôle, des objectifs de formation autour de l’hétéro-agressivité d’un patient vis-à-vis des soignants, confie Arnaud Gautier, cadre supérieur de santé au sein du même établissement. Nous avons donc décidé d’organiser des formations spécifiques sur cette thématique. »
Les infirmières peuvent par ailleurs, adresser de leur propre initiative à leur établissement, une demande de formation autre que des études promotionnelles. Elles la formulent généralement lors de l’entretien annuel de formation avec leur cadre de santé, qui la transmet au service de formation. « Lors des recrutements, il est intéressant de questionner les infirmières sur leur projet professionnel à court, moyen et long terme », conseille Arnaud Gautier.
La commission consultative de la formation professionnelle continue (CCFPC) de l’établissement examine alors les demandes individuelles reposant sur deux enveloppes : les formations qualifiantes diplômantes et/ou de longue durée (FQDLD) et le compte personnel de formation (CPF). Dans le secteur privé, les entreprises cotisent au CPF, les salariés peuvent donc acheter par eux-mêmes leur formation. Dans le secteur public, aucune cotisation n’est associée à ce dispositif. Un nombre d’heures est acquis par l’agent sans financement associé. « Dans notre établissement, la direction a fait le choix de financer le CPF en y consacrant une enveloppe, souligne Morgane Jégo. Les demandes sont toutes étudiées par la CCFPC en tenant compte d’axes prioritaires préalablement définis. »
Enfin, si les demandes des infirmières ne correspondent pas aux besoins de l’établissement, elles peuvent être orientées vers le Congé de formation professionnelle (uniquement pour les agents de la fonction publique hospitalière), géré par l’ANFH, financé par la cotisation fonds CFP-BC-VAE, notamment lorsqu’il s’agit d’une reconversion professionnelle.
Lorsque les agents prennent l’initiative de demander une formation, l’acceptation n’est pas de droit. Cependant, si la demande émane d’un agent n’ayant pas bénéficié, depuis au moins trois ans, d’une action relevant du plan de formation, elle ne peut pas être rejetée, seulement différée d’un an éventuellement.
Les formations, plus ou moins courtes, peuvent être dispensées par des organismes professionnels de formation, certains étant accrédités par l’ANDPC. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit d’ailleurs une obligation de certification par un organisme tiers des organismes réalisant des actions concourant au développement des compétences, sur la base d’un référentiel national unique, s’ils veulent bénéficier de fonds publics ou mutualisés. La certification Qualiopi vise à attester de cette qualité du processus mis en œuvre par les prestataires d’actions concourant au développement des compétences.
Outre les organismes de formation, les infirmières peuvent se tourner vers des diplômes universitaires ou interuniversitaires (DU/DIU), suivre des masters ou encore demander à participer à des sessions de formations certifiantes dans le cadre de congrès organisés par des sociétés savantes.
Le dispositif de développement professionnel continu (DPC) mis en place en juillet 2009 a été réformé par la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016. Cette réforme recentre le DPC sur le cœur de métier des professionnels de santé et sur le processus de prise en charge du patient dans un objectif d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Le DPC a pour objectif le maintien et l’actualisation des connaissances et des compétences ainsi que l’amélioration des pratiques. Il constitue une obligation pour tout professionnel de santé, quel que soit son mode ou secteur d’activité. Chaque professionnel de santé doit justifier, sur une période de trois ans, de son engagement dans une démarche de DPC comportant des actions d’analyse, d’évaluation et d’amélioration de ses pratiques et de gestion des risques. Sur le site Internet de l’ANDPC, agencedpc.fr, le professionnel de santé peut trouver une description des actions s’inscrivant dans le cadre des orientations prioritaires arrêtées sur une période de trois ans par le ministre de la Santé. Ces orientations prioritaires sont de trois ordres : priorités définies par profession et/ou discipline, priorités nationales de santé et priorités conventionnelles avec l’Assurance maladie.
En parallèle, depuis janvier 2023, les infirmières doivent respecter une obligation de certification tous les six ans. La certification reprend les deux axes du DPC, complétés par deux autres objectifs : améliorer la relation avec ses patients ; mieux prendre en compte sa santé personnelle afin de prévenir les risques liés aux activités professionnelles et exercer dans la plénitude de ses capacités (pour en savoir plus, lire notre article page 36).
Arnaud Gautier, cadre supérieur de santé, centre hospitalier Guillaume Régnier à Rennes (Ille-et-Vilaine).
Quel est l’intérêt pour les infirmiers de se former ?
L’intérêt de se former repose tout d’abord sur l’acquisition de nouvelles compétences, notamment dans les domaines où les infirmiers peuvent en manquer à la suite de leur formation initiale. C’est le cas notamment pour certaines spécialités, telles que la psychiatrie, la pédiatrie ou pour des nouvelles techniques de soins. La formation continue va ainsi leur permettre d’élargir leurs compétences, pas suffisamment solides, et de s’adapter aux évolutions. Néanmoins, dans un contexte de tensions en termes de ressources humaines, ce n’est pas toujours facile, pour les services, de parvenir à détacher des professionnels sur des temps courts, moyens ou longs. Pourtant, ils peuvent en tirer des bénéfices secondaires, notamment le partage d’expérience et du réseautage avec des professionnels issus d’autres établissements.
Il s’agit aussi d’un moyen d’agir sur leur bien-être…
Le deuxième intérêt est en effet d’inscrire les professionnels de santé, dès le début de leur cursus professionnel, dans une dynamique de formation, leur permettant de s’extraire du quotidien, de prendre de la hauteur et d’être dans une démarche réflexive pour la résolution de problèmes, ce qui suscite la créativité. Il y a un delta entre la formation initiale, le travail prescrit et le travail réel. Pour que le travail réel fasse sens, les soignants doivent être compétents afin de disposer de la marge de manœuvre nécessaire à l’initiative. Cela participe à la satisfaction professionnelle, à la reconnaissance des autres, à l’estime de soi et à un renforcement de la confiance en soi. La formation est l’un des leviers managériaux les plus importants pour l’attractivité et la fidélisation des infirmiers. Ces derniers se sentent ensuite plus enclins à prendre des initiatives.
Comment les convaincre de suivre des formations ?
L’accès à la formation continue est parfois plus aisé pour les plus expérimentés, qui connaissent le circuit et osent demander. Les établissements doivent élaborer des plans de formation solides et communiquer sur le sujet afin que chacun en ait connaissance, au risque que les jeunes soignants n’osent demander des formations.