UN FINANCEMENT DE LA RECHERCHE PARAMÉDICALE À ÉTAGES
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RESSOURCES FINANCIÈRES
Signe de la forte demande dans ce domaine, les ressources disponibles pour financer un projet de recherche paramédicale ne cessent de se développer : appels à projets, bourses, financements internes. Il est d’ailleurs souvent nécessaire d’en solliciter plusieurs pour construire son budget.
Dans la recherche, tout commence par une interrogation, la remise en question d’une pratique. Et si on améliorait le soin en faisant autrement ? Le pas d’après consiste souvent à franchir la porte de la coordination de la recherche paramédicale ou de la Direction de la recherche clinique et de l’innovation (DRCI). Un travail de maturation permet ensuite d’aborder plus concrètement le projet, sa faisabilité et de resserrer son périmètre. La question du financement se profile assez rapidement. Les appels à projets sont le socle des ressources financières que l’on peut mobiliser pour mettre à exécution un projet de recherche. « On s’oriente en fonction de la thématique de la recherche et de son dimensionnement », témoigne Caroline Serniclay, coordinatrice de la recherche paramédicale au centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims. Une étude pilote, visant à vérifier et affiner une intuition de départ, demandera un nombre d’inclusions plus limitées et un traitement des données plus rapide. Un projet plus ambitieux, une cohorte plus large. Une recherche entrant dans le cadre de la loi Jardé, nécessitant le consentement des patients, demandera du temps et des ressources humaines importantes. Quant aux projets réalisés dans plusieurs établissements, ils exigent une coordination et des financements qui relèvent généralement d’appels à projets nationaux.
Le Programme hospitalier de la recherche infirmière et paramédicale (PHRIP) est considéré par tous les chercheurs comme le Graal. Venu en 2010 compléter la palette de dispositifs à destination du corps médical par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la Santé et de la Prévention, il est le marqueur historique du développement de la recherche paramédicale en France. Son montant peut atteindre et même dépasser les 100 000 euros. Le PHRIP a été conçu pour couvrir l’ensemble des frais d’un projet de recherche : temps paramédical, financement de l’élaboration de la méthodologie, du traitement des données et de leur interprétation, éventuelles dépenses de formation, frais incompressibles et valorisation des résultats de la recherche. Cette dotation généreuse et prestigieuse est tellement courue qu’il faut souvent aller jusqu’à trois dépôts successifs de candidature pour faire partie des heureux élus. À l’échelon territorial inférieur, les groupements interrégionaux de la recherche clinique et de l’innovation (Girci), ont désormais dégagé des financements à destination des paramédicaux. Ils se déclinent souvent en deux types, un premier niveau avec un montant plus modeste ou à destination des débutants et un second pour des projets plus conséquents. À l’échelle locale, la plupart des CHU ont à présent ouvert leurs appels d’offres internes à la recherche paramédicale. Leur organisation varie au sein des établissements, à date fixe ou au fil des projets pouvant émerger. Ils peuvent être réservés aux paramédicaux, ou communs avec les médecins.
De plus en plus d’établissements ont au moins un coordinateur de la recherche paramédicale. Des cafés recherche, des formations se mettent en place pour donner envie de se lancer à des professionnels pour lesquels la démarche scientifique n’est pas encore une évidence. Les infirmières sont à la pointe du mouvement, aux côtés des kinésithérapeutes et des manipulateurs radio. Au fur et à mesure que la recherche paramédicale s’étoffe et se structure, les places se font de plus en plus chères pour décrocher un appel à projets. Ce qui peut présenter le risque de détourner de la recherche des porteurs de projets. La rédaction d’un projet de recherche demande d’y consacrer un temps important avec le traitement des ressources bibliographiques, les corrections successives à apporter. Autant d’heures de travail le plus souvent prises sur le temps personnel. Comment garder l’envie et l’espoir quand un projet est refusé ? « Nous avons eu le cas récemment à Reims, avec un projet bien construit, qui s’est vu retoquer deux fois de suite pour l’appel à projets du Girci Grand Est, explique Caroline Serniclay. Il avait pourtant eu de bons retours et était très bien classé. J’ai pu négocier avec l’équipe de la DRCI pour qu’ils nous accompagnent, afin qu’on puisse mettre en place ce projet. Nous allons revoir notre grille budgétaire à la baisse, l’objectif est qu’on puisse recueillir les données et les analyser ensuite. » Avec l’intéressement, sommes supplémentaires qu’un pôle peut dégager dans la gestion de son budget et affecter librement, des projets peuvent être financés en interne.
Les hôpitaux se montrent de plus en plus ouverts à financer des projets de recherche portés par des paramédicaux. Cela a été le cas pour Alexandra Danguiral, coordinatrice du développement des projets hypnose et médecine complémentaire à l’hôpital Saint-Joseph à Marseille (Bouches-du-Rhône). Le projet HyA-Com est né de l’envie de l’infirmière de tester l’efficacité de l’hypnose pour des patientes devant subir une macrobiopsie mammaire, un examen très anxiogène. « Mon but était de chercher à améliorer le confort des patientes et des soignants, tout en testant deux approches d’une pratique dont on parle beaucoup actuellement. » L’étude effectuée sur quatre groupes de patientes permettra de comparer l’efficacité de l’autohypnose à l’hypnose conversationnelle pratiquée par les professionnels de l’imagerie médicale. « C’est une étude qu’on a priorisée, dans le sens où elle renforçait la stratégie de l’établissement par rapport aux médecines complémentaires et à la prise en charge de la douleur, précise Murielle Touboul, directrice de la recherche clinique pour l’établissement. Nous traitons ce projet en promotion interne : nous le conceptualisons et le mettons en œuvre. » HyA-Com est financé aux trois quarts par la Fondation liée à l’hôpital. Les fonds de dotation représentent une perspective importante pour les projets de recherche infirmiers. On peut citer le fonds Aliénor, adossé au CHU de Poitiers. L’un des cinq derniers projets soutenus par ce fonds est porté par un chercheur paramédical et a obtenu une somme conséquente, de plus de 90 000 euros. Son investigateur principal, Guillaume Davy, également coordonnateur de la recherche au sein de l’établissement, va tester l’efficacité de l’échoguidage et de l’illumination infrarouge pour améliorer la pose de voie veineuse.
À côté des appels à projets « classiques », les sources de financement de la recherche paramédicale ne cessent de se diversifier. Le panachage est souvent de mise pour boucler le budget d’un projet. De plus en plus de sociétés savantes offrent des financements pour la recherche paramédicale. C’est ainsi le cas de la Société de réanimation de langue française (SRLF) ou de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), qui depuis 2012 dispensent une bourse à destination des infirmiers en soins critiques. La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) offre deux prix ouverts aux paramédicaux aux côtés des médecins. Un de ces prix, destiné aux jeunes chercheurs, est conjoint avec la fondation du groupe de santé prévoyance Apicil. Des bourses spécifiques peuvent être accordées par des associations, comme l’Association française des infirmiers de cancérologie (Afic).
Les agences régionales de santé (ARS) proposent également des appels à projets, modelés en fonction des priorités territoriales décelées. Damien Galtier dirige la Cellule de recherche en soin et prévention du centre hospitalier Manhès, à Fleury-Mérogis (Essonne). Il a initié des études de santé publique, orientées vers la ville et la prévention. L’ARS est devenue un partenaire apportant des financements modestes, mais suffisants pour mesurer l’impact d’initiatives comme la mise en place d’ateliers cuisine, d’activités physiques ou de mise en place d’indicateurs nutritionnels dans les rayonnages d’épiceries sociales (voir aussi « Les ateliers cuisine sont-ils aussi efficaces ? » L’Infirmièr.e n° 30, mars 2023, p. 43).
Les entreprises privées peuvent offrir une source complémentaire de financement pour un projet de recherche. Avec le développement des technologies numériques, les casques de réalité virtuelle ou les dispositifs permettant de mesurer la glycémie sont intégrés à nombre de projets de recherche. Leurs fabricants sont naturellement sollicités. Un des projets de recherche que mène Damien Galtier vise à évaluer l’efficacité d’une gaine adaptée pour faciliter l’activité physique de personnes en situation d’obésité. Ce projet s’est monté avec le concours d’un fabricant qui mettra à disposition des chercheurs des gaines adaptées aux besoins du projet de recherche. Pour Damien Galtier, les collaborations représentent de vraies perspectives, avec des contraintes à maîtriser « Faire appel à des industriels est intéressant surtout pour des premières évaluations, des études pilotes. Quand il s’agit ensuite de réaliser une recherche de plus grande ampleur, il vaut mieux les écarter. » La participation financière de laboratoires se pratique également, à condition bien sûr d’éviter tout conflit d’intérêts. Le financement de l’étude pilotée par Alexandra Danguiral à l’hôpital Saint-Joseph a été en partie complété par les dons d’un laboratoire. « Ce financement s’est opéré grâce à l’intermédiaire d’un oncologue de l’hôpital, précise l’infirmière. De même qu’il est important d’être entourée et de travailler en groupe pour mener un projet de recherche, cela peut être également pertinent de mobiliser les gens qui nous entourent pour trouver des financements complémentaires. » Il arrive que des laboratoires cofinancent des projets de PHRIP. Pascale Beloni, coordinatrice de la recherche paramédicale au CHU de Limoges (Haute-Vienne) reconnaît l’intérêt que peut représenter la participation d’un laboratoire au financement d’une étude, avec cette recommandation : « Il faut bien faire attention aux clauses que l’on va signer. Les laboratoires peuvent exiger d’être responsables de la communication sur la recherche et dans ce cas on ne peut plus faire part librement de ses résultats. »
Les personnes en charge de la recherche paramédicale dans les établissements s’accordent à dire que le plus important reste la publication, quelle que soit l’origine des fonds récoltés pour y parvenir.
Un projet de recherche a pour but d’enrichir les connaissances scientifiques et de faire évoluer les pratiques. Rappelons qu’un certain nombre de travaux peut s’effectuer sans financement, en prenant sur du temps de travail ou du temps personnel. Ils sont dans ce cas réalisés par des soignants s’étant déjà formés à la recherche. Delphine Hugenschmitt, infirmière au Samu de l’hôpital Edouard Herriot de Lyon a réalisé une première étude observationnelle sur l’effet de la mort sur les soignants, qui a ensuite débouché sur la rédaction d’un ouvrage plus large sur le sujet. Avec sa collègue de la cellule recherche en soin et prévention, Damien Galtier a utilisé les données disponibles pour réaliser une étude permettant d’évaluer ce que peut apporter l’intégration de déficients intellectuels à des ateliers d’éducation thérapeutique du patient (ETP) pour patients obèses hospitalisés. Les résultats obtenus ont fait l’objet d’une présentation et il a obtenu un prix lors du congrès de l’Association des diététiciens nutritionnistes, en 2017. « Le fait que l’on soit présent dans un congrès, que l’on publie et que l’on communique, fait parler de son hôpital, commente-t-il. C’est important pour les petites structures comme la mienne, qui peuvent ainsi montrer aux financeurs qu’ils réalisent des choses à côté des prises en charge. » Et bien sûr, la dotation au titre des Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (Migac) dont le montant varie en fonction du score Sigaps (Système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques) de la revue, représente une forme de retour sur investissement pour chaque établissement. De plus en plus d’infirmières publient dans des revues internationales et reconnues, ce qui augmente ce montant et la visibilité de la recherche paramédicale. Pour sa part, Murielle Touboul, directrice de la recherche clinique à l’hôpital Saint-Joseph rappelle l’attrait que peut représenter le soutien interne à cette recherche : « Dans un contexte de difficultés de recrutement, cela ouvre des possibilités d’évolution et de modification de nos organisations. » Pour conforter cette attractivité, une réflexion institutionnelle reste à mener sur la manière de dégager des heures d’activité pour les chercheurs paramédicaux.
• Les paramédicaux peuvent répondre aux appels à projets de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) :
– Le Programme hospitalier de la recherche infirmière et paramédicale (PHRIP) créé pour développer la recherche paramédicale. Depuis deux ans, les médecins peuvent également y postuler. Il privilégie les projets de grande ampleur, avec méthodologie approfondie et approche multicentrique. La dotation peut atteindre 100 000 euros.
– Les paramédicaux peuvent déposer un projet au titre du Programme de recherche sur la performance du système de soins (Preps), encore majoritairement attribué à des porteurs de projets médicaux. Son montant atteint plusieurs centaines de milliers d’euros.
– Il leur est également possible de candidater au Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).
• Au niveau national, il est également possible de participer aux appels à projets proposés par des structures comme l’Agence nationale de la recherche (ANR), ou l’Institut national du cancer (Inca).
• À l’échelle interrégionale, les groupements interrégionaux de la recherche clinique et de l’innovation (Girci) proposent des appels à projets. Par exemple, en Île-de-France : Emergence et Convergence. Leur montant peut s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros.
• Au niveau des établissements, les appels à projets internes représentent des montants plus proches des 20 000 euros.