L'infirmière n° 037 du 01/10/2023

 

RETRAITE COMPLÉMENTAIRE

J’EXERCE EN LIBÉRAL

RÉGLEMENTATION

Laure Martin  

Le passage à la retraite entraîne parfois une baisse brutale des revenus. Pour éviter d’être prises au dépourvu, les infirmières libérales ont tout intérêt à anticiper en se constituant une retraite complémentaire.

Le plus tôt chacun commence à prévoir sa retraite complémentaire, le mieux c’est, car l’effort d’épargne mensuel sera nécessairement moins élevé », lance en guise d’introduction Boris Luneau, expert-comptable (cabinet OctoMed). Difficile de définir le montant moyen de la pension de retraite versée par le régime obligatoire à une infirmière libérale (Idel), car tout dépend du déroulement de sa carrière. Il faut cependant prévoir, en général, un versement à hauteur de 50 % du revenu d’activité. Les Idels ne doivent donc pas attendre la fin de leur carrière pour préparer leur retraite complémentaire.En termes d’anticipation, plusieurs options s’offrent à elles.

LE RACHAT DE TRIMESTRES, LE PLUS TÔT POSSIBLE

Le niveau de la pension de retraite dépend des revenus d’activité ainsi que du nombre de trimestres acquis. À ce titre, la législation française permet le rachat de trimestres pour trois types de périodes : les années d’études supérieures ; les stages en entreprise accomplis à partir du 15 mars 2015 dans le cadre d’études supérieures ; et les années incomplètes pour lesquelles la personne n’a pas atteint quatre trimestres d’assurance retraite comptabilisés par l’Assurance retraite. « Le rachat est limité à 12 trimestres », précise Boris Luneau. Quant au montant du rachat, il dépend de l’âge et des revenus au moment de la prise de décision. Par exemple, la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (Carpimko) permet aux jeunes actifs de racheter des trimestres d’études à tarif privilégié dans un délai de dix ans à compter de la fin des études. Le montant du rachat des périodes d’études est diminué d’un montant forfaitaire égal à 400 euros par trimestre pour un rachat des seuls trimestres, et à 590 euros par trimestre pour un rachat des trimestres et des points, en sachant que quatre trimestres au maximum peuvent être rachetés à prix réduit.

Pour comparaison, le rachat d’un trimestre pour un professionnel libéral âgé de 50 ans, dont les revenus annuels moyens des trois dernières années d’activité sont compris entre 37 022 euros et 39 079 euros est de 2 192 euros pour un trimestre seul et 3 249 euros pour un trimestre avec points. « Cette option est peu connue, alors que les professionnels ont tout intérêt à le faire le plus tôt possible afin de racheter les trimestres à un prix intéressant et ainsi gagner jusqu’à trois ans d’activité professionnelle, ce qui n’est pas négligeable en fin de carrière », explique Boris Luneau, conseillant le rachat de trimestres et de points. Une option d’autant plus intéressante pour les infirmières, dont la pénibilité n’est pas reconnue alors que la profession la demande de longue date.

POUR LES IDELS FAIBLEMENT IMPOSÉES : L’ASSURANCE-VIE

Les Idels peuvent, par ailleurs, se constituer une épargne sous forme de capital en effectuant des versements réguliers, sur le long terme, dans une assurance-vie, pour ainsi disposer d’une trésorerie conséquente au moment de la retraite. Ces contrats ne sont certes pas exclusivement dédiés à la retraite, mais ils permettent de gérer un patrimoine, de compléter ses revenus et de le transmettre. L’assurance-vie donne la possibilité de choisir parmi un grand nombre de supports financiers en fonction du profil de risque de l’assuré. Certains supports, complètement sécurisés, offrent un rendement peu important (3 à 4 % par an) mais assuré, tandis que d’autres, plus rentables, sont plus risqués, car ils ne disposent pas de garantie en capital.

« Il est recommandé d’investir sur plusieurs supports d’épargne disponibles sur les marchés financiers, de répartir les risques en fonction de la courbe de la Bourse et, de fait, de verser un montant moyen tous les mois plutôt qu’un montant important en fin d’année », conseille Boris Luneau. Avant de souscrire le contrat, il faut penser à vérifier le montant des frais prélevés par l’assureur et le taux d’imposition sur les intérêts et sur le capital. L’Idel peut mettre un terme à son contrat à tout moment. Néanmoins, pour que les recettes soient exonérées de taxation, une durée minimale de huit ans de détention est nécessaire. « Avant ces huit années, elle ne bénéficiera pas de l’avantage fiscal escompté », informe l’expert-comptable. Après huit ans, les recettes sont toujours taxées mais, en parallèle, le souscripteur bénéficie d’un abattement fiscal suffisamment important conduisant, dans la majorité des cas, à ne pas avoir à payer d’impôt.

À l’issue du contrat, la somme est versée au titulaire, soit sous forme de capital, soit sous forme de rente ou encore de rachat programmé. L’assurance-vie peut aussi être envisagée dans un objectif successoral, car « à hauteur de 152 500 euros [par bénéficiaire, NdlR], les capitaux versés par l’assuré avant ses 70 ans échappent à l’impôt sur la succession », précise Boris Luneau.

LE PLAN ÉPARGNE RETRAITE EN CAS DE TMI ÉLEVÉE

Les Idels peuvent aussi faire le choix de souscrire un plan épargne retraite (PER) qui, contrairement à l’assurance-vie, offre l’avantage de pouvoir déduire les sommes versées du revenu imposable, dans la limite du plafond mentionné sur la fiche d’imposition et proportionnellement à la tranche marginale d’imposition (TMI). Attention toutefois, la limite inscrite sur l’avis d’imposition concerne la déductibilité au niveau du revenu global. Celle concernant la seule déductibilité au niveau du revenu catégoriel (bénéfice non commercial ou revenu libéral) est à calculer en fonction du bénéfice de l’année des versements (le plafond minimal étant 10 % du PASS(*) N, soit 4 399 euros en 2023). Les Idels doivent également s’assurer auprès de leur assureur ou banquier, de la possibilité de flécher les sommes pour une déductibilité sur leurs bénéfices non commerciaux (BNC) ou sur les revenus globaux du ménage, en fonction de leur choix.

« Ce type de contrat est donc conseillé aux personnes étant fiscalement, pendant leur vie active, dans la TMI de 30 % minimum, afin de réduire leur imposition, précise Boris Luneau. Car au moment de la retraite, la somme accumulée, qui sera versée sous forme de rente ou de capital, s’ajoutera à la pension de retraite, et sera donc imposable. » Pour bénéficier de l’avantage fiscal, un versement doit être effectué chaque année avant le 31 décembre. Généralement, les sommes sont bloquées sur le PER jusqu’à la retraite. Il est cependant possible de demander le déblocage anticipé dans plusieurs situations : l’expiration des droits aux allocations-chômage ; la cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire ou lorsque la situation justifie ce rachat ; une invalidité de 2e ou 3e catégories ; le décès du conjoint ou du partenaire de PACS ; une situation de surendettement ; enfin l’acquisition de sa résidence principale.

L’INVESTISSEMENT IMMOBILIER

Après avoir acheté leur logement principal, les Idels peuvent aussi privilégier l’investissement immobilier. « L’argent va être bloqué pour une longue période, ce qui offre l’avantage de limiter la tentation de le dépenser, note l’expert-comptable. Il s’agit d’une forme d’épargne forcée avec l’espoir d’une plus-value plus importante. » Boris Luneau ne recommande pas nécessairement d’investir dans le cadre de la loi Pinel, qui certes apporte un avantage fiscal, mais souvent « le prix d’achat du bien immobilier s’avère plus élevé que le prix du marché, et si l’État procure un avantage fiscal, c’est parce que naturellement, le marché n’irait pas se créer à cet endroit », explique-t-il. C’est donc révélateur d’une prise de risque, à laquelle s’ajoute l’obligation de respecter un loyer plafonné selon la zone géographique du bien et les revenus du locataire, ainsi qu’un engagement de durée de mise en location incompressible – il est toutefois possible de vendre avant le terme de cet engagement à condition de rembourser le montant des réductions d’impôt. De fait, souvent au moment de la revente, l’ensemble des biens achetés la même année, dans le même bâtiment, sont potentiellement en concurrence. Boris Luneau recommande davantage la location meublée non professionnelle (LMNP) qui permet, dans le cadre d’une niche fiscale, de ne quasiment pas payer d’impôts sur les loyers encaissés. »

* PASS : plafond annuel de la Sécurité sociale.

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