La nuit, et pour longtemps encore, les infirmières font partie des personnels incontournables. Certaines prises en charge, certains soins se pratiquant de jour comme de nuit, les patients et les résidents ont et auront toujours besoin de personnels infirmiers compétents dans ce passage d’une journée à l'autre, en semaine comme pendant les weekends. Et, si certains secteurs d’activité permettent aux infirmières de « ne pas faire de nuits », la présence 24 h/24 de celles et ceux qui exercent en milieu institutionnel reste le plus souvent inévitable. Constituant l’une des spécificités de la profession, elle est parfois vécue comme une contrainte.
Cette modalité d’exercice incombe souvent aux jeunes diplômés, même si on retrouve dans les services des professionnels ayant de l’expérience et qui, pour de multiples raisons, font le choix de travailler la nuit. Travailler la nuit est une question que se pose toute infirmière dès l’entrée en Institut de formation en soins infirmiers. Les étudiants se demandent alors s’ils seront capables de s’y adapter, considèrent parfois que « la nuit, ce n’est pas pour eux, qu’ils ne s’y feront jamais », sans même avoir eu l’occasion d’expérimenter le travail de nuit, d’ailleurs peu abordé au cours des trois années menant au diplôme, et ne faisant l’objet d’aucune expérimentation obligatoire. Fruit de multiples représentations, le travail de nuit est un sujet de discussion et de préoccupations qui traverse toutes les générations d’infirmiers. Il est source de tensions, générant de multiples controverses et émotions au sein des équipes entre les inconditionnels de la nuit, qui y développent un savoir-faire spécifique et celles et ceux qui évitent le plus possible ce mode d’exercice. Le pire étant de ne pas avoir de volontaires au sein d’un service. Les infirmiers ne sont pourtant pas seuls à exercer 24h/24. En France, plus de 41 % des salariés travaillent en horaires dits atypiques. Les soignants en font partie, et parmi eux une majorité de femmes. Ce chiffre important a permis ces dernières années, grâce au développement de travaux de recherche et d’études, de mieux connaître les conséquences de ces modes d’exercice sur la santé des salariés et d’en dégager des recommandations tant pour les responsables des ressources humaines que pour les salariés eux-mêmes.
Aussi s’il n’est pas envisageable d’éviter le travail de nuit, il est indispensable d’en identifier les contraintes, les limites, les risques, tout autant que les intérêts et les avantages. Et plus encore de savoir comment, en fonction des connaissances dont on dispose aujourd’hui, prévenir les risques en accompagnant au mieux les personnels pour qu’ils puissent assurer leur mission dans les meilleures conditions, sans nuire à leur santé physique et émotionnelle.
La durée du travail de nuit s’aborde sous deux angles :
→ La durée hebdomadaire
→ La durée quotidienne
Ces deux éléments ne cessent d'évoluer depuis 1936. La durée hebdomadaire du travail est en diminution constante depuis 1982 :
- En 1936, le Front populaire fait passer la durée légale du temps de travail à 40 heures par semaine. Mais dans les faits, un salarié travaillait entre 44 à 46 heures.
- En 1968, les horaires s’harmonisent et un salarié effectue désormais les 40 heures hebdomadaires légales.
- Le 16 janvier 1982, le temps de travail hebdomadaire passe à 39 heures et la 5e semaine de congés payés est instaurée.
- Le 1er janvier 2000, les entreprises de plus de 20 salariés passent aux 35 heures hebdomadaires.
Cette mesure a deux objectifs : accorder plus de temps libre aux salariés et favoriser le marché de l’emploi. Elle introduit dans la fonction publique hospitalière une particularité supplémentaire concernant le travail de nuit, puisqu’à partir du 1er janvier 2004, ses salariés travaillent moins quand ils exercent de nuit que de jour : 1 476 heures par an pour un agent officiant exclusivement de nuit, quand le personnel de jour effectue 1 607 heures par an. Lorsqu’un agent collabore ponctuellement de nuit, la réduction horaire se fait au prorata de son temps d’exercice de nuit. Concernant la durée quotidienne, il est considéré que le travail de nuit s’échelonne de 21 h à 6 h : cette période génère le paiement d’heures de nuit. La durée quotidienne de la nuit varie selon les établissements et parfois selon les services entre 10 et 12 heures, ce qui permet aux soignants de faire un nombre de nuits par semaine moins important que lorsque cette durée était de 8 heures. C’était effectivement le cas dans les hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris jusque dans les années 1970/1980, ce qui entraînait une semaine sur deux la réalisation de sept nuits d’affilée, modalité de travail inconcevable aujourd’hui. P. T.