JE DIALOGUE
JE DIALOGUE
Infirmière libérale en Essonne au sein d’une Maison de santé pluriprofessionnelle, et présidente de la Fédération des maisons et des pôles de santé en Île-de-France (FémasIF), Fatima Said-Dauvergne défend coûte que coûte l’exercice coordonné afin d’asseoir les compétences des infirmières.
Je suis infirmière libérale (Idel) depuis vingt-trois ans. Avant mon installation, j’ai exercé pendant quinze ans en réanimation, à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). J’ai souhaité quitter les urgences, la technique, afin de découvrir une prise en charge davantage relationnelle des patients. Mais l’AP-HP traversait à l’époque des difficultés pour recruter des infirmières en réanimation. Faute de pouvoir changer de service, j’ai choisi de quitter l’hôpital pour m’installer en libéral, en Essonne. Les premiers temps, ce mode d’exercice m’a séduite car j’étais autonome, je pouvais assurer une prise en charge complète du patient, en mettant l’accent sur le relationnel et le médico-social. Un volet de ma profession que je n’avais jusqu’alors jamais exploré. Cependant, après quelques années d’exercice, j’ai commencé à me trouver particulièrement isolée. Le travail en équipe, le rapport avec les autres professionnels s’occupant des mêmes patients, la réflexion commune… toute cette approche, je ne l’avais plus. En libéral, lorsqu’on exerce de manière isolée, on ne travaille que sur un seul volet de la prise en charge, le nôtre.
Dans le cadre de la rénovation de son dispositif de quartiers prioritaires de la politique de la ville, la municipalité d’Athis-Mons, où je suis installée, a travaillé avec un cabinet de conseil à la mise en place d’une MSP. La ville a donc convié l’ensemble des professionnels de santé à une réunion afin de les informer du projet et recueillir des candidatures potentielles pour intégrer la MSP. Je m’y suis rendue avec mon associée de l’époque et nous nous sommes inscrites sur la liste des professionnels intéressés, tout comme deux médecins généralistes et une sage-femme. Très vite, le projet a pris forme. Un diagnostic territorial a été effectué. Nous avons également bénéficié d’aides financières au démarrage versées par l’agence régionale de santé (ARS) tandis que la municipalité a acquis la partie du bâtiment vouée à accueillir la MSP. J’ai participé à l’ensemble des travaux, notamment à la rédaction du projet de santé, à son dépôt à l’ARS, à l’aménagement intérieur de la structure, qui a ouvert ses portes en 2015.
D’emblée lorsqu’on m’a présenté le projet de MSP, j’ai été conquise car cette structure représentait pour moi l’opportunité de poursuivre mon activité libérale en travaillant au sein d’une équipe, sans pour autant subir l’aspect « hiérarchique » que l’on peut trouver à l’hôpital. En étant tous libéraux, nous sommes sur un pied d’égalité. C’est un facteur très important pour moi, car je tiens à garder mon indépendance professionnelle. Avec le recul, j’estime avoir fait un très bon choix. L’exercice coordonné m’a permis d’acquérir une grande autonomie tout en développant mes compétences. J’ai aussi davantage de proximité avec mes patients car le travail en MSP permet de leur offrir une prise en charge globale. En tant qu’idel, nous sommes au plus près de la personne en intervenant à son domicile. Mais en tant que membre d’une MSP, nous avons une vision complète de sa pathologie, de son lieu de vie, de son environnement social, de ses difficultés, tout en gérant la coordination avec l’ensemble des professionnels de santé impliqués. Cette coordination entre les professionnels et la possibilité de traiter des prises en charge en Réunion de concertation pluriprofessionnelle (RCP) m'a permis d'optimiser mes interventions auprès de ma patientèle et de bénéficier de l'apport et des compétences des acteurs de santé de ville. De plus, en exerçant au sein d’une MSP, l’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI) permet de bénéficier de modes de rémunération sur la base de réponses à des indicateurs (notamment la fréquence des RCP) ; une valorisation d'actes et de compétences non-inscrits dans notre nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), alors qu’ils sont pourtant essentiels dans la prise en charge des patients.
L’exercice coordonné est un schéma encore méconnu du très grand nombre. Certes, les tutelles diffusent de l’information, mais pas suffisamment pour que les idel connaissent ce mode d’exercice et s’y inscrivent. En revanche, il est vrai que tout le monde n’est pas fait pour l’exercice coordonné. Certains infirmiers préfèrent disposer de leur propre cabinet et simplement « collaborer » avec les autres professionnels du secteur. Ce mode d’organisation est moins lourd qu’une MSP. Exercer au sein d’une structure coordonnée implique, en plus des tournées, de participer à des réunions, à des projets, à des protocoles à destination de la population. Tout le monde ne le souhaite pas. Ce choix doit être délibéré et personnel car il faut pouvoir y consacrer du temps. Cette notion est la principale contrainte. Car en parallèle, la dynamique d’équipe, elle, se façonne, se crée, se peaufine, s’entretient… Elle doit cependant commencer par l’apprentissage de la sphère d’intervention de l’ensemble des professionnels de santé. À titre d’exemple, de nombreux médecins généralistes ne connaissent pas notre décret de compétences. La FémasIF travaille à la mise en place de formations pluriprofessionnelles sur des thématiques de prise en charge communes, notamment de pathologies, d’éducation thérapeutique du patient ou encore de vaccination.
Personnellement, le plus grand avantage que j’y vois est d’être incluse dans une équipe traitante. Au lieu que nous soyons chacun sur un aspect de la prise en charge, nous réalisons une approche conjointe permettant à chaque acteur d’être valorisé. En tant qu’Idel, je ne suis plus la simple exécutante d’une prescription médicale. Je construis, avec les autres, l’accompagnement du patient. Il serait intéressant que cet exercice coordonné se fasse également en lien avec l’hôpital afin d’offrir une prise en charge complète aux patients. Pour les Idel, la MSP est aussi une façon de faire valoir nos compétences. Je me bats d’ailleurs contre l’usage des termes « paramédical » ou « auxiliaire ». Je leur préfère celui de « professionnels de santé à compétences médicales limitées ». Car « paramédical » sous-entend que nous sommes « à côté de ». Cela veut dire quoi ? Que nous sommes les petites mains des médecins ? Absolument pas ! Nous possédons une expertise qui nous est propre, notamment en plaies et cicatrisation. Certes, nous ne pouvons pas effectuer de diagnostic, mais nous participons à son élaboration. La réflexion est identique avec les délégations de tâches. Ce sont en réalité des délégations de compétences et l’intérêt d’exercer en MSP est justement de pouvoir les inclure dans un protocole afin de reconnaître notre rôle. La place des Idel doit changer et si nous ne les informons pas de l’intégralité du panel qu’elles ont à explorer, nous allons les perdre.
Présidente de la FémasIF, vice-présidente de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) infirmiers Île-de-France, présidente de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) 91, Fatima Said-Dauvergne est fortement engagée dans la représentativité de sa profession. Elle défend plus que tout l’exercice coordonné des professionnels de santé, notamment au sein des MSP ; un mode d’exercice qui lui permet une prise en charge optimale et globale des patients, ce qui contribue à son épanouissement professionnel.
1999 : installation en libéral à Athis-Mons (Essonne)
2015 : intégration de la Maison de santé pluriprofessionnelle (cogérante)
2016 : adhésion à la Fédération des maisons et pôles de santé en Île-de-France (FémasIF), dont elle est la trésorière de 2017 à 2022
2017 : présidente de la fédération nationale des infirmiers du 91 (FNI 91)
2021 : Trésorière adjointe de l’union régionale des professionnels de santé (URPS) infirmiers de l’Île-de-France
2022 : présidente de la FémasIF
2022 : présidente de l’Association inter-URPS francilienne (AIUF)
2022 : vice-présidente de l’URPS infirmier IDF