L'INFIRMIERE n° 0039 du 22/11/2023

 

JE ME CULTIVE

Il y eut, pendant l'écriture de cet ouvrage, un mystère de famille élucidé. Autour d'une tante, qu'enfant l'autrice trouvait étrange, mais dont personne ne parlait. On ne parle pas de nos proches touchés par une maladie mentale. C'est en fréquentant un endroit où « la maladie est partout », quand Ixchel Delaporte a commencé à raconter à son entourage son immersion dans cette bastide à 30 km de Bordeaux, que la parole s'est libérée. Cet endroit porte le nom d'une voiture américaine que l'on imagine rutilante et qui symbolise la liberté des années 1950-1960. Cadillac. Commune aux quelque 2 800 âmes dans laquelle fut construit un hôpital au XVIIe siècle, qui accueillit à partir de 1760 des malades mentaux et fut agréé « asile d'aliénés » en 1838 puis sectorisé avec la loi de 1970. De nos jours, plus de deux mille patients y passent chaque année. Certains d'entre eux, après des années d'enfermement, vivent au quotidien à Cadillac, à l'extérieur de l'hôpital. D'autres ont des permissions de sortie. Qu'elle se méfie de « la ville des fous », avait-on alerté Ixchel Delaporte à son arrivée dans les parages. Un surnom péjoratif et réducteur pour celle qui a assisté sur place « à la naissance d'un continent ». Elle s'y est installée plusieurs mois pour capter les pensées, les confidences, raconter les vies qui peuplent cette micro-société au sein de laquelle patients, soignants, habitants, commerçants et groupes de touristes se croisent et cohabitent. L'écrivaine, déjà à l'origine des excellents L'Affaire Vincent Lambert : enquête sur une tragédie familiale et Dame de compagnie : en immersion au pays de la vieillesse, tire de cette immersion un récit intime et poétique, dans lequel elle se livre également. Bouleversant. T. L.

Écoute les murs parler, d’Ixchel Delaporte, L'iconoclaste, 228 pages ; 21,90 €