Ces deux dernières années, de nouvelles lois ont enrichi les prérogatives des infirmières libérales, notamment au sujet de la prise en charge des plaies et cicatrisation des patients. Le point sur ces évolutions.
Premier domaine dans lequel l’étendue des compétences des infirmières libérales (Idel) a évolué : la télésanté avec le déploiement de la téléexpertise et du télésoin dans le cadre de l’avenant 9 à la Convention nationale des infirmiers libéraux signé en juillet 2022. Les deux mesures sont entrées en vigueur en mars 2023.
Le télésoin donne la possibilité à l’Idel de réaliser un acte en vidéotransmission, c’est-à-dire à distance du patient. Pour cela, le patient doit être connu de l’infirmière, donner son consentement et avoir la capacité d’utiliser un système de vidéotransmission. Mais, quoi qu’il en soit, le premier soin doit être effectué en présentiel. Cet acte est valorisé TMI 1.6. À titre d’exemple, l’acte de suivi d’un pansement à distance peut avoir lieu pour un patient ayant déjà bénéficié de la réalisation d’un acte de pansement en présentiel et n’ayant pas bénéficié du même soin ce jour-là. Il est limité à quatre actes par mois et par patient. Dans le cadre du télésoin, l’Idel doit s’assurer du respect des obligations légales et des bonnes pratiques à savoir la confidentialité de l’échange, la sécurité des données, la traçabilité du consentement du patient et intégrer un compte rendu dans Mon espace santé. « Il est donc tout à fait possible d’envisager la prise en charge de soins de plaies à distance avec par exemple un acte de suivi du pansement au cours duquel nous demandons au patient son ressenti depuis la réalisation du premier pansement, explique Clarisse Goux, infirmière en pratique avancée (IPA) mention pathologies chroniques stabilisées, titulaire d’un diplôme universitaire plaies et cicatrisation. En cas de problème, nous décidons alors de nous rendre sur place. » Il est également envisageable, dans le cas d’un patient pris en charge depuis de nombreux mois, que le télésoin soit utilisé pour l’accompagner à distance dans la réalisation de son pansement, notamment en fin de cicatrisation. « Le télésoin doit être planifié comme un tout autre soin pris en compte dans la tournée », précise-t-elle.
Autre nouveauté entrée en vigueur en mars 2023 : la téléexpertise. Jusqu’à présent seuls des médecins pouvaient demander l’avis de confrères. Désormais, les Idel peuvent solliciter un professionnel médical, afin d’obtenir un avis sur une problématique. Pour ce faire, « l’Idel doit transmettre des éléments exhaustifs au spécialiste afin qu’il puisse instruire et analyser le dossier, puis rendre son avis », rapporte Clarisse Goux. Les infirmières sont valorisées à hauteur de dix euros par demande et limitées à quatre actes par an et par patients. « Pour mettre en œuvre cette nouvelle compétence, les Idel doivent se renseigner sur les dispositifs existants dans leur territoire, ajoute l’IPA. Certains centres hospitaliers ont par exemple mis en place des plates-formes accessibles en ligne permettant une sollicitation des professionnels de santé. »
Enfin, pour rappel, depuis le 1er janvier 2020 (avenant 6 à la Convention nationale), les Idel ont la possibilité de réaliser un acte d’assistance à la téléconsultation, qui peut tout à fait être utilisé dans le domaine des plaies et cicatrisation. « De nombreuses régions se sont dotées de solutions de téléconsultation régionale, que les infirmières peuvent contacter pour des conseils et/ou être accompagnées dans la réalisation d’un pansement complexe », rappelle Clarisse Goux. La condition sine qua non à la téléconsultation repose sur la présence d’une Idel au côté du patient. Dans ce domaine, des expérimentations « article 51 » sont déployées telles que Cica’Corse ou encore Domoplaies du réseau Cicat-Occitanie avec, pour originalité, de permettre à des infirmières de solliciter une assistance à la téléconsultation et d’obtenir une réponse de la part d’infirmières expertes en plaies et cicatrisation, et non uniquement de médecins.
Au-delà de ces nouvelles compétences infirmières, de nouvelles modalités de financement ont été introduites au sein de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) avec la création d’une lettre clé pour le traitement des plaies par pression négative (TPN) par les Idel, parues au Journal officiel en mars 2022. Son usage en libéral implique une prescription hospitalière pour trente jours, qui peut être renouvelée une seule fois ; le suivi hebdomadaire devant être effectué par le prescripteur initial. Les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) prévoient que ce traitement s’applique uniquement aux ulcères de jambes veineux, ou mixte à tendance veineuse, stagnants et de taille inférieure à 10 cm2 ou aux plaies du pied diabétique stagnantes et de taille inférieure à 10 cm2. Malgré cette évolution de la NGAP, les Idel ont été bloquées jusqu’en février 2023 pour l’usage des TPN, faute de prise en charge, en ville, du dispositif médical (DM). Depuis février 2023, un seul DM est inscrit au sein de la liste des produits et prestations remboursables (LPPR).
Enfin, les derniers avenants à la convention nationale ont permis des valorisations d’actes au sein de la NGAP, jusqu’alors réalisés par les Idel mais non rémunérés. C’est le cas par exemple de la pré-analgésie topique pour un pansement d’escarre ou d’ulcère ou encore de la pose de compressions après réfection du pansement en cas de greffe cutanée ou d’ulcère.
La loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist, prévoit que les Idel peuvent prendre directement en charge la prévention et le traitement de plaies, et prescrire des examens complémentaires et des produits de santé. Les décrets sont en attente de publication.