J'EXERCE EN LIBÉRAL
Laure Martin avec l’aimable collaboration de Céline Poulain
Responsables des déchets produits lorsqu’elles dispensent des soins, les infirmières libérales se doivent de respecter les filières de traitements afin de permettre une élimination optimale. Dans ce domaine, les règles sont strictes.
Le Code de la santé publique (R1335-2) et le Code de l’environnement (L541-10) prévoient que les producteurs de Déchets d’activité de soins (DAS), comme les infirmières libérales (Idel), en sont responsables jusqu’à leur élimination, qu’ils aient été produits au cabinet ou au domicile du patient. Elles ont l’obligation de ne laisser aucun déchet à risque chez leurs patients, d’apprécier l’évaluation du risque infectieux, de conditionner les déchets dans des emballages dédiés et de choisir la filière d’élimination appropriée, afin d’assurer leur propre sécurité, celle de la population, et de minimiser l’impact environnemental.
En libéral, les Idel sont principalement productrices de trois types de DAS.
Cette filière concerne les emballages de matériels, les couches, les alèses, les ustensiles à usage unique non utilisés, les déchets issus du nettoyage, les dispositifs médicaux à condition qu’ils n’aient été ni utilisés, ni contaminés, ou encore les matériels de protection.
Ils sont répartis en deux catégories :
- les déchets souillés de médicaments anticancéreux ou des médicaments non utilisés. Ils doivent suivre la filière d’incinération des déchets d’activité de soins à risque infectieux et assimilés (DASRIA) et non un traitement par banalisation, ce dernier étant un procédé de prétraitement par désinfection non utilisable pour ce type de déchets ;
- les médicaments anticancéreux, le matériel utilisé en lien avec ce traitement, et les médicaments anticancéreux non utilisés mais présentant des résidus purs de cytotoxiques. Ils sont à déposer dans des conteneurs rigides spécifiques et clairement identifiés. Ils seront éliminés par une filière spécifique aux déchets dangereux et incinérés à 1200 °C. Ils ne peuvent en aucun cas être dirigés vers une filière DASRIA par « prétraitement » par des appareils de désinfection. L’élimination des déchets de médicaments anticancéreux peut aussi être assurée par l’établissement de santé qui a rétrocédé le médicament mais elle reste à la charge du producteur des soins. Il faudra alors signer une convention déterminant les modalités de facturation.
Ils sont de plusieurs types :
- les déchets d’activité de soins présentant un risque de contact avec des micro-organismes viables ou des toxines, ou à défaut un risque infectieux ;
- les matériels et matériaux piquants, coupants ou tranchants telles que les aiguilles, les ampoules d’injection et les lames de bistouri ;
- les déchets anatomiques humains ;
- les poches sanguines à usage thérapeutique.
L’article L. 541-46 du Code de l’environnement pose les sanctions pour les producteurs de DASRIA qui méconnaissent leurs obligations à savoir une peine de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende car ces déchets mal triés ou mal évacués peuvent faire courir un risque de maladie infectieuse ou virale par contact direct ou par effraction cutanée. Il est donc impératif de respecter les règles de conditionnement, d’autant plus que cela permet également de garantir la sécurité des personnes manipulant les dispositifs médicaux ou les déchets et ainsi d’éviter les accidents d’exposition.
Les DASRIA doivent être stockés dans des containers jaunes, à usage unique, munis de deux types de fermeture : l’une temporaire, en cours d’utilisation, et l’autre définitive, avant leur enlèvement pour entreposage. Ces conteneurs, dotés d’un repère horizontal indiquant la limite de remplissage, comportent aussi un pictogramme de danger biologique, ainsi que l’identification du producteur. Il en existe plusieurs types :
- sacs en plastique ou en papier doublés intérieurement de matière plastique pour les DASRIA solides et mous ;
- caisses en carton avec sac intérieur pour les DASRIA solides et mous ;
- fûts et jerricans en plastique pour les DASRIA solides, mous et perforants ;
- mini -collecteurs et boîtes pour les DASRIA perforants ;
- fûts et jerricans pour les DASRIA liquides.
Le stockage des DASRIA dépend de la quantité de déchets produits.
- Si la quantité produite est de moins de 5 kg par mois, l’élimination doit être faite dans les trois mois. Pendant cette période, les DASRIA doivent être stockés à l’abri de la chaleur dans les emballages prévus à cet effet.
- Entre 5 kg et 15 kg par mois, le délai d’élimination est d’un mois. Le stockage doit se faire dans un local spécifique aux DASRIA, à l’abri de la chaleur et du public, dans des emballages spécifiques fermés définitivement et dans un local correctement ventilé.
- Entre 15 kg par mois et 100 kg par semaine, le délai d’élimination est de sept jours et l’entreposage doit se faire dans les mêmes conditions.
- Pour une quantité supérieure à 100 kg par semaine, l’élimination doit avoir lieu dans les 72 heures, et le stockage doit aussi se faire dans les mêmes conditions.
Le local spécifique doit être clairement indiqué par affichage.
Pour éliminer ses DASRIA, l’Idel a plusieurs possibilités. Elle peut les apporter elle-même sur un site de regroupement déclaré auprès de l’Agence régionale de santé (ARS). Néanmoins, le transport dans son véhicule personnel se limite à 15 kg.
Sinon, elle peut recourir à un prestataire de collecte, qui assurera la prise en charge et le transport. Dans tous les cas, il lui appartient de prouver l’élimination des déchets par la signature d’une convention avec le prestataire assurant la collecte ou le regroupement, et elle se doit de garder ces documents pendant trois ans en cas de contrôle. En fonction du nombre de kilos de déchets à traiter, l’Idel peut disposer uniquement d’un bon de prise en charge avec le prestataire assurant la collecte ou auprès de celui à qui elle dépose ses déchets.
En libéral, les idels peuvent parfois décider de jeter tous les déchets aux ordures ménagères, ou à l’inverse, de remplir les conteneurs à DASRIA - ce qui fut particulièrement le cas pendant la crise sanitaire. Ces deux extrêmes ne sont, bien entendu, pas la bonne option, pour des raisons environnementales et pour des questions de coût ; le tarif de traitement des déchets, notamment des DASRIA, étant plus élevé que celui des ordures ordinaires.
Certains déchets bénéficient de filières particulières. C’est le cas des amalgames dentaires, des dispositifs implantables, des radiographies, des piles et batteries, des pièces anatomiques ou encore des médicaments non utilisés, qui doivent être rapportés en pharmacie pour être recyclés via l’association Cyclamed, pour ces derniers.
La collecte et l’élimination des DASRIA ont fait l’objet d’un guide publié en 2009 par le ministère de la Santé, sur lequel s’appuient les établissements de santé et médico-sociaux pour élaborer leurs protocoles de gestion de ces déchets, les professionnels libéraux ainsi que les Agences régionales de santé (ARS) pour réaliser leurs contrôles dans ce domaine. Un second guide relatif à la gestion des déchets issus de médicaments et de déchets liquides à l’attention des établissements de santé et médico-sociaux a été également publié par le ministère de la Santé en 2016. Cependant, ces dernières années, des établissements de santé ont mis en place, avec l’appui de certaines ARS, de nouvelles recommandations de tri des déchets d’activités de soins (DAS) pouvant diverger de celles contenues dans les guides nationaux précités. Dans ce contexte, une actualisation du guide de 2009 a été lancée en juillet 2022 par le ministère de la Santé et de la Prévention. Un groupe de travail national piloté par la Direction générale de la Santé (DGS) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a été constitué en ce sens avec l’ensemble des parties prenantes.