L'infirmière n° 041 du 01/02/2024

 

RECHERCHE

Yevgueny Pagorsky*   Sabrina Fournier**   Caroline Serniclay***   Alexandra Usclade****  


*infirmier en pratique avancée en équipe mobile ressource, centre hospitalier Cadillac
**chargée de projets, coordinatrice opérationnelle SO-RISP, département Santé publique/Bordeaux population health UMRS 1219/méthodes des interventions en population de recherches, université de Bordeaux
***cadre de santé, coordinatrice paramédicale de la recherche en soins, CHU de Reims, pilote de la Commission nationale de coordonnateurs paramédicaux de la recherche (CNCPR)
****infirmière puéricultrice, coordonnateur paramédicale de la recherche au CHU de Clermont-Ferrand

Les troubles externalisés des mineurs confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) sonnent bien souvent l’arrêt de leur accompagnement. Les auteurs de la présente recherche bibliographique ont pour but d’identifier les stratégies de soutien destinées aux professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) permettant d’éviter ces ruptures de prise en charge.

Parmi la population d’enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), une catégorie est décrite comme étant en grande difficulté. Se situant au carrefour des champs socio-éducatifs, judiciaires et sanitaires, ces jeunes sont qualifiés d’« adolescents difficiles », de « cas lourds », d’« incasables » ou de « patates chaudes »(1). Le recours aux services d’urgences par les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) ou par les familles d’accueil (FA) est fréquent en cas de crises clastiques, et certaines hospitalisations en pédopsychiatrie viennent parfois signifier une rupture de prise en charge.

En 2007, les auteurs d’une étude sur les effets de la stabilité du placement montraient une corrélation entre les ruptures de placement et les instabilités comportementales, conséquentes à ces ruptures(2).

Les juges des enfants (JE) se succèdent au gré des mesures de placement et, à chaque changement d’ESMS ou de FA, les informations disparaissent, ne sont pas transmises. La mémoire des événements vécus par les enfants se perd au fur et à mesure des intervenants.

En 2017, le sénateur Amiel, dans son rapport d’information n° 494 sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France, souligne l’insuffisance de liens entre les services de protection de l’enfance et la pédopsychiatrie(3).

En 2020, les politiques publiques se saisissent de ces enjeux et la coordination devient un sujet inscrit au programme de travail de la Haute autorité de santé (HAS).

FACILITATION D’ACCÈS AUX SOINS

Ainsi, dans son programme pluriannuel « Psychiatrie et santé mentale 2023 », la HAS concrétise cette recommandation, donnant lieu à la création d’équipes mobiles pédopsychiatriques à destination des professionnels qui accompagnent des enfants confiés à l’ASE.

Les objectifs poursuivis par ces équipes mobiles résident dans la facilitation de l’accès aux soins pour ces jeunes, et également dans la minimisation des ruptures de prise en charge par les équipes socio-éducatives et médico-sociales.

Une revue de littérature a été réalisée afin d’identifier l’efficacité des stratégies de soutien, destinée aux professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux concernant la limitation des ruptures de prise en charge de ces jeunes.

DISCUSSION

Caractéristiques cliniques

La majorité des études(6-9, 11) a démontré qu’il existait une prévalence des troubles mentaux plus élevée chez les enfants qui ont eu un contact avec un organisme équivalent à l’ASE. De plus, les résultats ont montré une association significative entre les troubles du langage et les garçons(11), ainsi qu’une association significativement élevée entre les garçons et les troubles externalisés(7), le retard mental et les troubles envahissants du développement (TED)(11).

Concernant le mode d’accès aux soins psychiques via les urgences, Chatagner et al.(9) ont décrit une surreprésentation des patients suivis par l’ASE, qui ont consulté davantage dans un lieu d’urgence psychiatrique que les sujets qui venaient du domicile (35,8 % vs 22,1 %, de façon statistiquement significative ; p = 0,026).

Les interventions destinées aux acteurs de la prise en charge

König et al.(10) ont évalué une formation allemande, créée en étroite collaboration avec la protection...