L'infirmière n° 041 du 01/02/2024

 

Roman

CULTURE

Thomas Laborde  

Jean, 36 ans, exerce comme médecin généraliste dans son cabinet : une espèce en voie de disparition, le médecin de famille. Il a quitté l’hôpital pour soigner à nouveau, et ne plus passer son temps à chercher des lits disponibles. Depuis, il appelle ses patients par leur nom, non plus par leur maladie ou le diagnostic. Jean n’est pas malheureux, pas spécialement heureux. Non. Mais le trentenaire n’arrive plus à pleurer. En cause, notamment, le décès, des années plus tôt, d’un petit garçon qu’avec ses collègues, ils n’ont pas réussi à sauver. Où vont les larmes quand elles sèchent se présente, dans un premier temps, comme une introspection, celle d’un jeune homme qui questionne son rapport aux émotions. C’est le portrait sincère d’un soignant, la description touchante de son intimité et de son regard bienveillant, tendre parfois même, sur ses patients. Un tableau ponctué d’élans de franchise : « Ce que j’adore sortir des trucs du corps humain ! » Parce qu’il est plus facile de crever un abcès, de retirer un bouchon de cérumen que d’extirper une dépression ou de vidanger une fibromyalgie. Ce roman, écrit par Baptiste Beaulieu - médecin lui-même -, rassemble une étonnante galerie de personnages, les patients de Jean. Ils pourraient paraître agaçants mais l’auteur à succès sait les rendre attachants. Immerger les soignants dans des considérations, des dilemmes qu’ils ne connaissent que trop bien, partager des anecdotes qui en rappelleront d’autres et dévoiler aux patients combien le soin est un sacerdoce, c’est bien la force de ce roman.

Où vont les larmes quand elles sèchent, de Baptiste Beaulieu, L’Iconoclaste, 271 pages, 20,90 €.