L'infirmière n° 041 du 01/02/2024

 

ACTUALITÉS

STATUT

Adrien Renaud  

Des travaux menés par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) des masseurs-kinésithérapeutes d’Île-de-France prônent la création d’une filière de pratique avancée pour leur profession. Une évolution que les IPA voient plutôt d’un bon œil.

Petit retour en arrière. Nous sommes en janvier 2016, la loi de modernisation de notre système de santé dite « loi Touraine » vient d’être promulguée. En son sein, se loge un article d’une importance capitale pour la profession infirmière : l’article 119, qui ouvre la voie à l’exercice en pratique avancée. Or cet article s’applique en réalité à l’ensemble des auxiliaires médicaux : les infirmiers, certes, mais aussi les masseurs-kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les orthophonistes… Jusqu’ici, seuls les infirmiers avaient franchi le pas, mais ils pourraient bientôt ne plus être seuls sur la planète « pratique avancée ».

L’URPS francilienne des masseurs-kinésithérapeutes, qui réfléchit depuis 2020 à la question, vient en effet de rendre public un rapport(1) faisant état des travaux qu’elle a menés jusqu’ici. Signé par Yvan Tourjansky, président de l’URPS d’Île-de-France, et Anthony Demont, kiné et docteur en santé publique, ce document a mis à contribution une vingtaine de lieux de soins (maisons de santé, centres de rééducation, hôpitaux) et de formation. Son verdict est sans appel : les consultations réalisées ont « mis en évidence la nécessité de la création d’un nouveau titre d’exercice pouvant être obtenu par le suivi d’une formation universitaire après plusieurs années d’expérience professionnelle en kinésithérapie », écrivent les auteurs.

Ces derniers en appellent donc à passer aux travaux pratiques, avec une expérimentation « concrète en pratique clinique ». Les domaines d’activité des futurs kinésithérapeutes en pratique avancée pourraient, selon eux, s’étendre de l’évaluation (primodiagnostic, prescription et interprétation d’examens…) à l’orientation vers le médecin, en passant par la coordination ou l’expertise, le tout dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire coordonnée. À ces fins, une dizaine de parcours ont été conçus et assortis de référentiels d’activités et de compétences dans des domaines aussi divers que les pathologies de l’appareil locomoteur, la neurologie, la gériatrie, la pneumologie…

Ne pas singer les médecins

« C’est une évolution prévue par la loi et j’y suis favorable, à titre personnel », commente Julie Devictor, présidente du Conseil national professionnel des infirmiers en pratique avancée (CNP IPA), précisant qu’il s’agit là d’une réflexion individuelle n’engageant pas son institution. La soignante met toutefois en garde ses probables futurs homologues contre une vision qui voudrait rapprocher la kinésithérapie en pratique avancée de la médecine. « Nous aurions la même appellation, il faut donc que nous puissions nous aligner sur les définitions, les concepts, souligne-t-elle. La pratique avancée a une signification précise, il ne faut pas qu’ils se trompent. »

Reste que la réflexion sur la pratique avancée semble appelée à devenir un passage obligé pour l’ensemble des auxiliaires médicaux. C’est ainsi qu’un article(2) de la revue Cancer Radiothérapie s’interrogeait, en septembre dernier, sur « les prémices de la pratique avancée pour le manipulateur en radiothérapie ». Quant aux diététiciens, ils préconisaient dès 2020, via la contribution de l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN) au Ségur de la santé, la création d’un « cursus universitaire dédié selon le schéma européen type LMD » comprenant notamment « des masters de pratiques avancées pour des domaines d’activités spécifiques (cancérologie, pédiatrie, pathologies métaboliques, diabète, qualités de l’offre alimentaire, nutrition artificielle, etc.) ». Seule certitude : quelle que soit la suite des évènements, ce sont les infirmiers qui auront montré la voie !

Références

  • 1. Tourjansky Y., Demont A. (2023, août). Expérimentation de la kinésithérapie en pratique avancée en région Île-de-France, dans le cadre d’une convention avec l’ARS Île-de-France, URPS Kiné Île-de-France.
  • 2. Boisbouvier S. et al. (2023, septembre). Les prémices de la pratique avancée pour le manipulateur en radiothérapie. Cancer Radiothérapie, 27 (6-7).