« QUAND ON EST MAL SOIGNÉ, ON N’ACCEPTE JAMAIS LA MALADIE »
Claude Finkelstein
DOSSIER
INTERVIEW
La Fédération nationale des patients en psychiatrie a rédigé, en 2000, une édifiante charte de l’usager en santé mentale et participé aux lois de 2002 et 2005 pour l’accès aux dossiers médicaux, la création de groupes mutuels d’entraide et la reconnaissance du handicap psychique. Sa présidente, Claude Finkelstein, continue d’interpeller professionnels et pouvoirs publics.
Claude Finkelstein : J’ai 76 ans. Et je peux dire que j’ai 76 ans de confrontation avec la psychiatrie. Je suis née dans une famille « un peu touchée ». J’ai été élevée par une tante diagnostiquée schizophrène, internée assez longtemps. Ma maman, fantasque, travaillait, puis elle a été diagnostiquée bipolaire. Je me sentais bien en forme, très active, j’étais le plus jeune agent immobilier de France, à l’époque. Puis sont arrivés des problèmes dans ma vie qui m’ont fait tomber vers 40 ans.
C. F. : De l’humain. 50 % de médicaments, je peux l’accepter, mais il me faut 50 % d’humain. En tant qu’usager, on passe dix ans de vie à attendre un diagnostic. Ensuite, il faut comprendre qu’on est malade, puis l’accepter. Quand on est bien soigné, c’est cinq ans. Quand on n’est pas très bien soigné, dix ans. Quand on est mal soigné, on ne l’accepte jamais. Le seul soin qu’on peut recevoir, dans ces cas-là, ce sont des médicaments. Ça aide, je ne suis absolument pas contre. Mais il faut obligatoirement un accompagnement humain. Or, depuis vingt ans, je vois grignoter l’humain, au fur et à mesure. Les professionnels ont choisi la psychiatrie parce qu’ils ont une sensibilité, un amour de l’autre. Parce qu’ils veulent faire quelque chose de leur vie. La gagner, bien sûr, mais avec une reconnaissance et une raison de travailler. On la leur enlève, chaque jour. Et s’ils perdent le sens de leur travail, nous sommes mal soignés. Dans une journée, il peut y avoir sept heures...