L'infirmière n° 042 du 01/03/2024

 

ACTUALITÉS

NOMINATION

Adrien Renaud  

Le nom du nouveau ministre de la Santé avait circulé lors des remaniements précédents pour occuper l’avenue Duquesne. Sa nomination n’est donc pas une surprise et vient clore une séquence particulièrement mouvementée.

Enfin ! » C’est ce que se sont dit beaucoup d’observateurs quand, le 8 février en début de soirée, a été annoncé le nom du nouveau ministre de la Santé. « Enfin ! », parce que la nomination de Frédéric Valletoux, député Horizons proche d’Édouard Philippe, a mis fin à la vacance relative du pouvoir qui régnait avenue Duquesne depuis la démission d’Aurélien Rousseau, en décembre dernier. « Enfin ! », également parce que ce spécialiste des questions hospitalières a été pressenti, à plusieurs reprises, pour le poste mais a toujours été doublé sur le fil par d’autres personnalités. Ce n’est pas parce qu’elle était attendue que cette nomination a le caractère d’une évidence.

Car si beaucoup d’attention a été portée par les médias, en ce début d’année, sur les tempêtes au ministère de l’Éducation nationale ou, encore, sur la tornade François Bayrou, les événements qui se sont déroulés au même moment au ministère de la Santé n’ont rien eu d’un long fleuve tranquille. Il faut se souvenir que, juste avant Noël, Aurélien Rousseau, titulaire du portefeuille depuis moins de six mois, avait quitté ses fonctions dans le cadre de la crise politique ouverte par l’adoption de la loi Immigration. Agnès Firmin Le Bodo, jusqu’alors ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, avait été chargée d’assurer l’intérim, et le moins que l’on puisse dire, est que ça n’a pas été de tout repos.

Cette pharmacienne havraise, lieutenante historique de l’ex-Premier ministre Édouard Philippe dans la métropole normande, n’était pas installée dans le fauteuil d’Aurélien Rousseau depuis 24 heures que nos confrères de Mediapart révélaient qu’une enquête judiciaire était en cours sur la gestion de son officine : elle aurait reçu (comme bon nombre de pharmaciens) de luxueux cadeaux de la firme Urgo en échange d’une renonciation aux remises commerciales habituellement pratiquées. Et ce n’est pas tout : le 4 janvier dernier, elle déclenchait une polémique, dont l’exécutif se serait bien passé, en visitant l’Institut Jérôme-Lejeune, saluant sur le réseau X un « lieu de passion et d’énergie », alors que celui-ci est rattaché à la Fondation Jérôme-Lejeune, connue notamment pour ces positions contre l’avortement.

Vautrin, Pannier-Runacher… et finalement Valletoux

Résultat : alors que beaucoup voyaient l’intérimaire poursuivre sa route en devenant ministre de plein exercice, l’option a été rapidement écartée. Et quand Catherine Vautrin a été nommée, le 11 janvier, à la tête d’un mastodonte ministériel comprenant, en plus de la santé, le travail et les solidarités, tout le monde a bien compris qu’étant donné les dimensions de son portefeuille, cette transfuge des Républicains ne serait pas non plus celle qui gérerait au plus près les dossiers brûlants concernant les soignants. Une fois digérée la déception de voir que, pour la première fois depuis des décennies, la santé ne bénéficiait pas d’un ministère de plein exercice, la seule question qui demeurait était celle de l’identité du futur ministre qui serait délégué avenue Duquesne.

Pendant plusieurs semaines, durant cette longue période d’attente, les voix autorisées étaient formelles : prédisant l’arrivée d’Agnès Pannier-Runacher, ex-ministre de la transition énergétique au CV prestigieux (cette inspectrice des Finances a occupé de nombreux postes à responsabilités dans le secteur privé et fut, dans les années 2000, directrice de cabinet de la directrice générale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris). Or, le 8 février, coup de théâtre : contre tous les pronostics émis par ceux qui croyaient avoir des antennes à l’Élysée et à Matignon, Agnès Pannier-Runacher était envoyée en renfort auprès du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, pour tenter d’éteindre la crise agricole, tandis que la santé revenait à Frédéric Valletoux.

Ce dernier est loin d’être un inconnu dans le monde de la santé. Après un début de carrière dans le journalisme, il devient, en 2005, maire de Fontainebleau (Seine-et-Marne), mais il est surtout connu des soignants comme celui qui a présidé, entre 2011 et 2022, la Fédération hospitalière de France (FHF), l’organisation qui défend les intérêts des hôpitaux publics dans le pays. Il a, à ce titre, pendant plus d’une décennie été la voix de l’hôpital dans de nombreuses instances. Initialement engagé politiquement à l’Union pour un mouvement populaire (UMP), devenue Les Républicains (LR), il s’est rapproché de la majorité présidentielle et a été élu, en 2022, député de Seine-et-Marne sous l’étiquette Horizons, le parti d’Édouard Philippe.

Une PPL à son nom

Durant sa courte vie parlementaire, le Bellifontain aura réussi à faire parler de lui, notamment en poussant une proposition de loi qui porte son nom, la « PPL Valletoux ». Celle-ci prévoyait, initialement, de réduire drastiquement la liberté d’installation des médecins libéraux pour faire face aux déserts médicaux sur le territoire français. Si le texte a été largement vidé de sa substance au cours des débats à l’Assemblée sur cette question, il reste, pour les infirmiers, l’acte qui a donné corps au statut d’infirmier référent que de nombreuses organisations représentant la profession appellent de leurs vœux, de longue date. Et même s’il reste encore à traduire cette disposition sur le terrain, via des décrets d’application qui se font attendre, la PPL Valletoux est mise, par bien des représentants infirmiers, à l’actif du nouveau ministre.

C’est probablement ce qui explique les réactions, pour l’instant, assez positives des organisations infirmières à la nomination de Frédéric Valletoux. « Sa détermination, l’écoute et le pragmatisme dont il a su faire preuve tout au long des discussions pour faire adopter la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, sont d’ores et déjà des gages de confiance notables pour l’ensemble de la profession infirmière », saluait ainsi l’Ordre national des infirmiers (Oni) dans un communiqué au lendemain du remaniement. Le nouveau ministre « connaît parfaitement les dossiers de la santé et la problématique de l’offre de soins en France », affirmait de son côté, dans un autre communiqué, la Fédération nationale des infirmiers (FNI), principal syndicat des libéraux.

Des réactions qui tranchent avec celles des médecins, notamment dans le secteur libéral, dont les syndicats identifient Frédéric Valletoux aux contraintes à l’installation : la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), principale centrale de la profession, a ainsi considéré que sa nomination constituait une « déclaration de guerre ».

Reste que pour les infirmiers, l’essentiel est désormais de se mettre au travail : en particulier, le chantier de la refondation du métier à l’arrêt depuis plusieurs semaines, va enfin pouvoir reprendre… et beaucoup pensent que ce n’est pas trop tôt !