« ON PENSE QUE LA BPCO NE TOUCHE QUE LES FUMEURS DE PLUS DE 40 ANS, C’EST FAUX ! » - Ma revue n° 042 du 01/03/2024 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 042 du 01/03/2024

 

Émilie Dévio

DOSSIER

RENCONTRE

Cette patiente BPCO à Metz est présidente de l’association Souffle d’avenir qu’elle a fondée, en 2018, pour sensibiliser les jeunes et la communauté médicale à la maladie.

Quelle est votre histoire ?

Émilie Dévio : J’ai été diagnostiquée BPCO à 17 ans. J’ai d’abord connu l’errance médicale car, pour beaucoup de médecins, la BPCO touche généralement les plus de 40 ans, donc à mon jeune âge, c’était tout bonnement impensable. Les médecins misaient plus sur un cancer, mais cette hypothèse a vite été écartée. J’ai fini par voir un pneumologue qui m’a fait passer un examen de spirométrie, qui a montré une baisse de la capacité respiratoire. En complément, une radiographie des poumons a détecté un épaississement de la paroi bronchique et une horizontalisation des côtes, typique des patients qui forcent pour respirer. Le diagnostic a été posé : BPCO stade II, dyspnée stade III avec une capacité respiratoire de 64 %.

Diagnostiquée à 17 ans, c’est très jeune, comment cela s’explique-t-il ?

E. D. : J’ai fumé très jeune : à 9 ans, entre amis, je m’amusais à fumer des Post-it ou du papier pour faire comme les grands. Puis est venue la première cigarette avant que ne s’installe la consommation régulière de tabac, un peu par effet de mode, totalement insouciante du danger qui me guettait. J’ai fini par ressentir de plus en plus de difficultés pour respirer, mais ça ne m’a pas semblé anormal dans un premier temps. Quand je fournissais un effort, j’étais essoufflée. Et j’ai continué de fumer. Puis sont venues les difficultés plus grandes, quand je montais un étage ou que je marchais un peu vite, j’étais essoufflée… à ces signes, se sont ajoutées des hypersécrétions anormales et des douleurs aux poumons, comme si quelque chose les dévorait de l’intérieur. C’est ce qui m’a amenée à consulter. Aujourd’hui, j’ai 29 ans, je m’occupe de mon association pour que l’insouciance, dont j’ai fait preuve, ne fasse pas d’autres victimes de cette maladie.

Quel est le rôle de l’association ?

E. D. : J’ai créé Souffle d’avenir en 2018 quand j’ai appris que la BPCO était la troisième cause de décès dans le monde (d’après l’OMS) et que, paradoxalement, personne ne connaissait cette maladie. Elle est si méconnue que même les médecins continuent de penser qu’elle ne concerne que les fumeurs de plus de 40 ans. Ce qui est faux ! Car, comme le rappelle l’OMS, la BPCO touche les fumeurs, certes, mais la pollution de l’environnement joue aussi un rôle important dans sa survenue : j’en veux pour preuve les témoignages que mon association reçoit de personnes jeunes qui n’ont jamais fumé ou de fumeurs passifs qui en sont atteints. En fondant Souffle d’avenir, j’ai voulu me poser en organe de sensibilisation, à l’attention des jeunes et des professionnels de santé. Pour toucher la jeune génération, je passe par les réseaux sociaux (Facebook et Instagram), et j’interviens auprès des missions locales et dans les collèges, pour avertir du danger du tabac et sensibiliser aux symptômes de la maladie. Pour atteindre les professionnels de santé, je cible les médecins généralistes qui sont en première ligne face aux patients. J’aimerais mettre en place un affichage en cabinet (voir affiche p. 25) et faire un mailing avec l’aide des autorités de santé pour mieux les informer.

Aujourd’hui, comment vivez-vous avec la maladie ?

E. D. : Plutôt bien : ma BPCO a évolué dans le bon sens et j’ai récupéré un bon volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) qui avait diminué jusqu’à 59 %. J’ai des exacerbations, en moyenne deux par an, depuis le diagnostic. Certaines durent longtemps, l’une d’elle s’est étalée sur deux mois, c’était difficile ! J’ai toujours une légère dyspnée et un syndrome classique d’hyperventilation, mais je n’ai aucun traitement de fond. Malgré tout, depuis quelques mois, je suis rentrée dans une nouvelle problématique que les médecins ne comprennent pas, avec un gros essoufflement qui n’est ni cardiaque ni pulmonaire. J’ai eu un Covid long qui me fatigue encore. Je ne travaille pas, mais je suis pompier volontaire, depuis 12 ans. Mais le médecin des pompiers m’a retiré les compétences incendie ; c’est plus une précaution qu’une vraie gêne pour moi, car d’autres médecins, qui connaissent bien la maladie, n’y voient aucun problème. Sans ce Covid, j’estime que la BPCO n’est pas un frein à une activité normale. Jusqu’en décembre 2021, avant le Covid, j’étais sportive, ce qui est un véritable plus pour la maladie !