Soumission idéologique ou physique, abandon ou abstention de soins… La santé et le bien-être sont de plus en plus touchés par les dérives sectaires. Pour les combattre, les pouvoirs publics défendent une stratégie nationale, doublée d’un projet de loi.
En mars 2023 se sont tenues les premières Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires qui, après diagnostic, ont fait émerger les préoccupations actuelles et, par-là même des propositions d’actions concrètes. C’est sur cette base que la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a élaboré une stratégie nationale de lutte pluriannuelle (2024-2027) qui compte treize objectifs articulés autour de trois axes.
Le premier axe concerne la prévention des risques de dérives sectaires. Six objectifs forts ont été définis pour éviter à chacun de « tomber sous la coupe d’une structure sectaire ou d’un gourou », expose la Miviludes. D’abord, il convient de mieux connaître le phénomène sectaire et de mesurer l’efficacité de la politique publique, notamment en évaluant la proportion des actes délictuels et criminels à caractère sectaire dans des enquêtes de victimation et dans les plaintes aux services d’enquêtes. Ensuite, il faut apprendre au grand public comme aux élus à repérer ces pratiques, notamment sur Internet et les réseaux sociaux. À cet égard, la Miviludes souhaite favoriser la signature de conventions avec les grandes plateformes numériques, en lien avec l’Arcom, et les inciter à limiter la diffusion massive de contenus susceptibles de s’apparenter à des dérives. Elle veut encourager les actions ciblées de vérification des contenus et développer l’éducation à l’esprit critique. En direction des enfants, l’idée est de faire émerger une stratégie nationale de protection en étudiant le phénomène auprès des populations les plus jeunes et en permettant une intervention précoce des services de protection de l’enfance, le cas échéant. Ces objectifs de prévention ne peuvent être effectifs qu’avec des professionnels formés et sensibilisés, associés à une action à l’échelon européen.
Le deuxième axe d’action vise l’accueil, le soutien et l’accompagnement des victimes, notamment en tissant un réseau prompt à les prendre en charge plus efficacement ; cette mesure se complète d’une volonté de mieux les indemniser, notamment par l’extension de l’indemnisation par le fonds de garantie des actes de terrorisme.
Troisième axe de cette stratégie nationale, « une nouvelle loi qui apparaît nécessaire pour renforcer les moyens de cette politique publique » et l’identification de pratiques non conventionnelles de soins à caractère sectaire. Sur ce point, la Miviludes pourra s’adosser aux travaux du Comité d’appui pour l’encadrement des pratiques de soins dites non conventionnelles mis en place et piloté par le ministère de la Santé et sur un dialogue avec les ordres professionnels pour mieux lutter contre ces dérives : rappelons, à cet égard, que la Miviludes a signé, en juin 2023 avec l’Ordre national infirmier, une convention pour mieux accompagner les infirmiers dans la détection et la prise en charge de patients victimes de dérives sectaires.
Concernant l’aspect législatif de la lutte contre les dérives sectaires, le Sénat a adopté le projet de loi les encadrant. Ce texte vise à adapter le cadre juridique applicable aux dérives sectaires en fonction de l’évolution de ces dernières. Les dérives sectaires s’invitent, en effet, de plus en plus dans les domaines de la santé, du bien-être, de l’alimentation, du développement personnel et du coaching. La crise sanitaire, avec la naissance d’une certaine défiance et la propagation de thèses complotistes, a accentué le phénomène et, ce, d’autant plus avec l’utilisation des réseaux sociaux.
Ainsi, le Sénat a approuvé la création de deux nouveaux délits : le délit de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique ou physique et le délit de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins, alors que cet abandon peut être susceptible d’être préjudiciable à l’individu. L’article 4 de la loi modifie le Code de la santé publique en précisant que : « Lorsqu’une infraction a été commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, les peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. » Des amendes sont également prévues pour les fournisseurs d’accès s’ils ne procèdent pas au blocage des comptes faisant l’objet de suspension. Le texte consacre aussi la Miviludes en lui donnant un statut reconnu conforme aux missions qu’elle exerçait déjà.