L'infirmière n° 043 du 01/04/2024

 

Pascale Benaksas

DOSSIER

LE SUIVI À DOMICILE

Le rôle des infirmières dans le champ de la prévention en cancérologie est particulièrement attendu de la part des associations de patients, qui comptent aussi sur elles pour les prises en charge. Le point avec Pascale Benaksas, présidente de France asso cancer et peau.

Dans la prise en charge et le suivi des cancers de la peau, quel rôle attendez-vous des idel ?

Pascale Benaksas : Après une intervention chirurgicale en cas de mélanome par exemple, une fois sortie d’hospitalisation, les idel interviennent quotidiennement pour nettoyer la plaie et parfois retirer les fils. Elles peuvent aussi prendre en charge la cicatrisation des lambeaux en cas de greffe. Leurs missions sont fondamentales pour cette cicatrisation. Les patients ont d’ailleurs beaucoup d’attente vis-à-vis d’elles concernant son évolution avec ou sans greffe. Ils souhaitent des conseils pour améliorer l’aspect de leur cicatrice.

Nous aimerions que les patients puissent disposer de fiches explicatives et de feuilles de route sur la conduite à tenir pour une cicatrisation optimale et des recommandations en cas d’alerte. Peut-être que ces informations pourraient venir des idel. Leur accompagnement psychologique est également majeur d’autant que les patients vont de moins en moins à l’hôpital. Leurs plaintes sont réelles et peuvent générer du stress si elles ne sont pas entendues. Tous les conseils et l’écoute apportés par les idel sont indispensables dans la prise en charge.

Leurs actions sont aussi majeures dans le domaine de la prévention…

P. B. : Nous avons bien conscience qu’elles ne sont pas rémunérées pour le faire mais peut-être qu’au détour de leur prise en charge, elles pourraient être attentives à la peau de leurs patients qu’elles voient quotidiennement ou du moins s’assurer qu’ils soient bien suivis.

Nous aimerions accroître la prévention dans ce domaine, notamment avec des affiches dans les salles d’attente pour alerter, par exemple, sur un grain de beauté qui saigne. Si les infirmières pouvaient se saisir de ce dossier, l’avancée serait réelle. Car les données font état d’une explosion du nombre de mélanomes (15 % d’évolution) alors qu’à titre de comparaison, celui du cancer du sein n’augmente “que” de 3 %. La mortalité ne se stabilise pas et la population n’a pas conscience des risques. Il est l’un des cancers les plus agressifs, car classé numéro un dans sa capacité à métastaser rapidement s’il est pris en charge tardivement. Alors que suivi précocement, le pronostic est favorable dans 90 % des cas.

Le carcinome a quant à lui la particularité d’être extrêmement sous-estimé, notamment parce qu’il ne métastase pas, sauf dans sa forme plus rare, le carcinome épidermoïde qui, en cas de prise en charge tardive, peut métastaser ou afficher le même caractère de dangerosité que le mélanome. Pour autant, dans sa forme la plus commune, le carcinome est particulièrement mutilant et son impact psychologique important, surtout lorsqu’il est présent sur le visage.

Une expérimentation est en cours concernant ce rôle d’alerte des idel. Qu’en est-il ?

P. B. : Face à la baisse du nombre de dermatologues, d’autres professionnels doivent prendre le relais. La Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du Pays d’Arles a ainsi monté un projet de prévention en ce sens, par le biais de la téléexpertise, dans le cadre duquel je suis intervenue en tant que consultante et experte. Elle a mis au point un système de téléconsultation pour la dermatologie. Trois cabinets d’idel répartis sur les trois intercommunalités du territoire ont été équipés d’un mini dermatoscope. Elles peuvent ainsi prendre des clichés de la peau d’un patient en cas de doute. Les photos sont ensuite envoyées, via une plateforme sécurisée, à des dermatologues du territoire. Cette transmission d’informations devrait devenir un réflexe pour tout professionnel en cas de doute.