BROYAGE DES MÉDICAMENTS : DES RÈGLES STRICTES À RESPECTER
EXERCICE LIBÉRAL
FICHE TECHNIQUE
*chef de projet au sein du service évaluation et outils pour la qualité et la sécurité des soins (EvOQSS) à la Haute autorité de santé (HAS).
La santé d’un patient peut nécessiter le broyage de ses médicaments pour en faciliter la prise. Cet acte technique, qui relève des compétences infirmières, repose sur une prescription médicale et requiert le respect de règles striictes.
L’administration des médicaments peut parfois être difficile en raison de l’état de santé du patient. Chez la personne âgée par exemple, les polypathologies, accompagnées de fonctions cognitives altérées, de troubles de la déglutition ou du comportement compliquent la prise du traitement. Pour faciliter celle-ci et tendre vers une meilleure observance, des alternatives existent dont le broyage des médicaments, sur décision médicale uniquement. Si elle est envisagée, des règles de bonnes pratiques sont à respecter.
La décision de broyer des médicaments pour faciliter leur prise relève de l’initiative du médecin qui peut, bien entendu, s’appuyer sur le repérage de l’infirmière libérale (idel). Elle se trouve aux premières loges pour observer les difficultés rencontrées par ses patients lors de l’administration d’un médicament, et se doit d’alerter le praticien si nécessaire. C’est d’ailleurs l’occasion pour l’équipe de soin primaire d’éventuellement se requestionner sur la pertinence de la prescription. Ainsi, avant de prescrire le broyage des médicaments, le médecin se doit :
– d’évaluer la nécessité de poursuivre le traitement par voie per os ;
– de chercher des alternatives thérapeutiques ou galéniques (formes orodispersibles, etc.) pour limiter la prescription du broyage des médicaments ;
– si le broyage est indispensable, de vérifier que les médicaments peuvent être écrasés (référentiel), car un tiers d’entre eux ont une forme galénique inadaptée au broyage. La modification d’une forme pharmaceutique est possible uniquement si cette option est écrite dans le résumé des caractéristiques produits (RCP) des médicaments. Dans les autres cas, un avis pharmaceutique est nécessaire.
– de prescrire le broyage, en renseignant le motif qui le justifie ;
– de prescrire, après la ligne de dénomination du médicament, « à écraser ».
L’idel étant habilitée à pratiquer l’acte d’administration des médicaments, soit en application d’un protocole écrit préalablement établi, daté et signé, soit en application d’une prescription médicale, elle peut donc effectuer le broyage du médicament. En effet, l’acte d’administration des médicaments inclut les actes techniques tels que la préparation des piluliers, le broyage, la préparation des gouttes, des solutions, ou suspensions buvables multidoses, etc.
Le broyage du médicament implique le fractionnement des comprimés et l’ouverture des gélules. Il doit être réalisé dans le respect de règles strictes en raison des risques liés au non-respect des conditions d’hygiène, à la modification de la posologie ou encore à la modification de la biodisponibilité du produit [sa proportion à atteindre la grande circulation sanguine de l’organisme sous forme inchangée]. Le broyage peut, par ailleurs, engendrer chez le patient une irritabilité des voies d’ingestion, des vomissements, des interactions médicamenteuses amplifiées, une altération de l’efficacité du médicament, un surdosage, un sous-dosage, ou encore une toxicité. Lors de la réalisation du broyage, les idel doivent également se protéger les voies respiratoires afin d’éviter toute inhalation des médicaments, une toxicité directe et un risque de réaction allergique.
Pour réaliser le broyage du médicament dans de bonnes conditions, l’idel doit systématiquement vérifier si le médicament est broyable, sécable, ou s’il peut être ouvert. En cas de doute, elle peut interroger le pharmacien.
Elle ne doit en aucun cas mélanger deux médicaments, sauf après avis du pharmacien ni les préparer à l’avance de la prise, pour des raisons de perte d’efficacité. Elle se doit d’utiliser des matériels sécurisés d’écraseurs-broyeurs et utiliser une substance véhicule neutre de type eau ou eau gélifiée pour le dispenser ; la compote ou le lait doivent être évités en raison du risque d’interaction avec le médicament. Après le broyage de chaque médicament, il est également indispensable de respecter des règles d’hygiène stricte avec un lavage minutieux du matériel utilisé, des mains, et des surfaces.
• Les bonnes pratiques de prescription médicamenteuse
– OMéDIT Centre
– septembre 2009.
• Outils de sécurisation et d’autoévaluation de l’administration des médicaments – HAS – mai 2013.
Les sites d’informations utiles
– Les sites des observatoires des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (Omédit).
– Le site de l’Agence nationale de sécuritédu médicament etdes produits de santé (ANSM).
– Le site de la Société française de pharmacie clinique (SFPC).
L’Observatoire des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (Omédit) Centre-Val-de-Loire a créé un outil de formation disponible gratuitement pour les infirmières : le permis de broyer. Ce kit vise à sensibiliser aux bonnes pratiques du broyage des médicaments afin d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients et de sécuriser les soignants. Il leur permet d’adopter les bons réfl exes avec les personnes ayant des troubles de la déglutition et de prévenir les eff ets indésirables liés au broyage des médicaments. Cette formation est réalisable en une heure trente aménageable, selon le principe de l’examen du permis de conduire : un apprentissage individuel en e-learning (présentiel ou distanciel), avec des quiz d’autoévaluation ; une évaluation théorique (le « code ») en groupe, portant sur 15 questions à choix multiple projetées à l’écran et en réponse interactive et individuelle sur smartphone ; une mise en situation, avec démonstration, suivie d’une évaluation pratique individuelle (la « conduite ») ; et la remise du permis en fonction des notes obtenues aux 3 étapes précédentes.
Pour plus d’information : omedit-centre@omedit-centre.fr
par Marie-Claude Daydé, infirmière libérale
Quand l’accès aux soins relève d’un « choix obligé »du soignant.
Tout soignant a pu être confronté un jour à un « choix obligé » et se sentir embarrassé de répondre par un refus, même justifi é, à une demande de prise en soin d’un patient. D’autant plus si ce patient est âgé, en perte d’autonomie, vulnérable… Un « choix obligé » dû à un « tri » en raison d’une charge en soin trop importante du cabinet. Lorsque cette charge ne permet pas de répondre positivement à une demande de soin, en l’occurrence s’il s’agit de soins minutieux à dispenser plusieurs fois par jour, le soignant peut souff rir d’une perte de sens dans l’exercice de sa profession, surtout s’il n’est pas en mesure de proposer d’alternative à cette situation. Il ne comprend pas qu’il ne puisse trouver de réponse à donner alors que la politique de santé recommande le maintien à domicile du patient !
Ce « choix obligé » pour le soignant peut devenir « un choix empêché » pour le patient dans son souhait de rester à domicile. Il peut aussi être vécu par le patient comme discriminatoire du fait de sa vulnérabilité et des soins requis. Face à ces situations de plus en plus courantes avec le vieillissement de la population, la responsabilité ne peut pas reposer uniquement sur les soignants. Cela questionne notamment les failles de notre système de santé, le zonage, et la limitation des professionnels, les cotations peu adaptées à ces soins ne permettant pas une réponse conjointe plus adaptée de deux cabinets par exemple.
Sur certains territoires, avec la création des CPTS, les infi rmières s’organisent au mieux afi n de répondre aux demandes en temps réel. Pour faciliter la mise en relation des patients avec les professionnels de santé, de nombreuses applications sont proposées. Mais il se pourrait que l’absence de lien direct entre le patient et le prestataire de soins facilite parfois le refus à certaines demandes. En effet, certaines applications les invitant à préciser les soins pratiqués, elles induisent de ce fait une notion de « tri ». Une telle pratique ne doit en aucun cas devenir la norme ! Faute de quoi, certains soins pourraient « échapper » aux infi rmières et aggraver les inégalités d’accès à ces soins pour les patients.