L'infirmière n° 043 du 01/04/2024

 

DOSSIER

LE SUIVI À DOMICILE

Les infirmières libérales peuvent être directement impliquées dans la dispensation et la surveillance des chimiothérapies à domicile. En fonction des territoires, elles sont associées à l’hospitalisation à domicile (HAD) ou interviennent en qualité de prestataires de santé à domicile (PSAD).

Depuis le diplôme infirmier de 1992, les infirmières peuvent dispenser des chimiothérapies à domicile. Toutefois, la pose d’une perfusion ou l’injection de la chimiothérapie en sous cutanée ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD), en raison notamment de la préparation des traitements en unité centralisée.

La mise en place de la chimiothérapie varie en fonction du patient et des territoires. Certains patients la reçoivent en hôpital de jour avant de rentrer chez eux avec un diffuseur, qui va, comme son nom l’indique, diffuser la chimiothérapie pendant généralement 48heures. « À J+1, notre rôle est de veiller à ce que la chimiothérapie soit correctement diffusée et d’assurer la surveillance notamment des constantes du patient », explique Johanna Pané, idel en MSP à Roquemaure (Occitanie). « L’objectif est de nous assurer de l’absence de toute extravasation de la chimiothérapie, poursuit Lise Vinçot, idel dans une maison médicale à Heyrieux (Isère). La chimiothérapie étant un produit cytotoxique, s’il se diffuse sous la peau, il peut la nécroser, ce qui impliquerait une prise en charge immédiate aux urgences. » À l’issue de la diffusion de la chimiothérapie, les idel sont sollicitées pour le retrait du diffuseur. « Il faut alors déconnecter les dispositifs, rincer la chambre implantable en injectant du sérum physiologique dans la tubulure pour éviter son obstruction, puis enlever l’aiguille », énumère Johanna Pané. Selon les territoires, ce type de prise en charge peut être effectué dans le cadre d’une HAD ou d’un PSAD. « Sur mon territoire, lorsque le patient sort de l’hôpital avec son diffuseur, il nous contacte directement pour que nous venions lui débrancher, souligne Johanna Pané. Parfois, le prestataire fournit le matériel nécessaire, mais souvent le service hospitalier donne au patient un kit de piquage. »

Des idel encadrées

À Lyon, Thomas Finociety, idel dans le 7e arrondissement, travaille uniquement avec les HAD ou en qualité de PSAD lorsqu’il est question de prise en charge en cancérologie. « Dans le cadre d’une HAD, nous exerçons davantage sur protocoles avec des ordonnances anticipées nous permettant de connaître la conduite à tenir en cas de problèmes hémorragiques, respiratoires ou encore infectieux. » Une démarche, selon lui, rassurante, « car un médecin référent est immédiatement joignable », fait-il savoir.

Le patient dispose également d’un classeur expliquant sa pathologie, les protocoles, les traitements en cours, les points à surveiller et les fiches de traçabilité. Lorsqu’il sort d’une hospitalisation avec un PSAD, ce dernier fournit l’intégralité du matériel nécessaire à la surveillance et assure une astreinte technique et médicale, ainsi que la coordination des intervenants. « En cas de problème, nous pouvons également les appeler pour connaître la conduite à tenir. » Ancien infirmier du Centre de lutte contre le cancer (CLCC) Léon Bérard, Thomas Finociety apprécie le rapport au patient en cancérologie, car « l’investissement n’est pas le même, confie-t-il. La technicité des soins est également plus complexe puisque nous sommes amenés à manipuler des voies centrales ou des perfusions. » Et de poursuivre : « Nous faisons davantage appel à nos capacités de réflexion, car lorsque nous sollicitons un médecin, nous devons argumenter sur l’état de santé du patient. Comme nous avons une connaissance plus approfondie, les médecins sont plus à l’écoute. »

Un suivi en pédiatrie

Pour organiser les soins à domicile, l’HAD de l’Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique (IHOPe) du CLCC Léon Bérard, travaille directement avec des idel. « Les patients habitant sur l’ensemble de la région, l’organisation des soins serait trop compliquée si nous n’étions qu’une équipe interne à l’HAD », explique Marie Cervos, infirmière puéricultrice, coordinatrice HAD/SAD IHOPe. De fait, à chaque prise en charge, l’HAD recherche des idel acceptant d’assurer le suivi des enfants. « Nous prenons ensuite le temps d’expliquer aux infirmières le suivi à mettre en place, et nous leur envoyons les protocoles afin qu’elles soient à jour sur les connaissances nécessaires », indique-t-elle, précisant que pour la première chimiothérapie sur une chambre implantable, le service d’HAD se déplace pour une intervention en binôme. Lorsque l’HAD ne connaît pas d’idel sur un territoire, l’équipe contacte les cabinets libéraux un par un afin de trouver un professionnel qui soit disponible. « Nous essuyons rarement des refus et puis nous insistons si besoin », reconnaît Marie Cervos.

Laëtitia Pescher et Alexandra Tati, idel à Feyzin (Rhône-Alpes) ont été sollicitées par l’HAD IHOPe pour la prise en charge d’un adolescent sous chimiothérapie. « À l’origine, nous ne voulions pas nécessairement intervenir en cancérologie, et encore moins en pédiatrie, d’autant plus que le pronostic de l’enfant n’est pas très bon, reconnaissent les deux infirmières. Mais la maman de l’adolescent nous connaît et elle souhaitait que nous nous occupions de son fils. »

Depuis deux ans maintenant, elles assurent son suivi. « Nous nous rendons à son domicile pour poser l’aiguille de Huber sur le PAC, passer l’antiémétique et la chimiothérapie », expliquent-elles. Elles prennent également les paramètres vitaux du jeune patient et son poids afin de surveiller son évolution en lien avec ses alimentations artificielles. Cette prise en charge avec l’HAD « est davantage technique que les soins que nous sommes amenées à effectuer dans le cadre de notre tournée, assurent les infirmières. Nous disposons aussi d’une coordination médicale avec l’HAD pour la prise en charge du patient, en cas d’aggravation de son état de santé, ce qui nous permet de réagir vite. » Un réel avantage pour les idel épaulées dans la prise en charge.

La chimiothérapie per os

Certains patients reçoivent leur chimiothérapie par voie orale. Dans ce cas de figure, aucun suivi infirmier n’est programmé, sauf éventuellement une surveillance de traitement pour les personnes dépendantes uniquement. « Dans ce cadre, le rôle infirmier est limité, explique Johanna Pané. Généralement, le patient gère seul la prise des médicaments et nous passons deux à trois fois par semaine pour prendre ses constantes et effectuer des prises de sang régulières. »

« Je prends en charge une patiente atteinte d’un cancer du sein et des os, sous chimiothérapie orale, rapporte Rémi Fabre, idel à Marseille. J’interviens pour administrer le traitement et veiller à ce qu’elle effectue son bilan sanguin. Après l’envoi des résultats à l’institut de cancérologie, les équipes nous rappellent pour nous prévenir de la poursuite du traitement. Notre accompagnement est très important, nous assurons la coordination ville-hôpital. Si nous n’étions pas là, elle devrait être hospitalisée. »