« LES IDEL SONT DES PASSEUSES D’INFORMATIONS »
Professeur Ivan Krakowski
DOSSIER
INTERVIEW
oncologue médical, médecin de la douleur, ancien président de l’Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos).
Face aux multiples problèmes que rencontrent les patients soignés à domicile pour leur cancer, les idel sont un maillon indispensable pour la transmissiondes informations médicales, psychologiques ou sociales. Une uniformisationde leur activité sur l’ensemble du territoire est souhaitable.
Ivan Krakowski : Leur rôle n’est pas de s’occuper des traitements spécifiques mais de gérer des symptômes liés à la maladie, au traitement, ou d’effectuer des soins de plaies ou de stomie. À domicile, les patients peuvent rencontrer tous les symptômes liés à la maladie et au traitement, à savoir les douleurs, la fatigue, les nausées, les problèmes cutanés. Nous demandons d’ailleurs des passages infirmiers plus réguliers lorsque les patients sont confrontés à des problèmes de nutrition ou lorsqu’ils sont âgés. Leur présence est nécessaire pour le maintien à domicile.
I. K. : Effectivement. Outre les soins techniques, sur le plan relationnel, les idel apportent un soutien psychologique indispensable aux patients. Elles peuvent leur prodiguer des conseils et les orienter vers les bons interlocuteurs en cas de fragilité sociale. Une idel qui se rend compte qu’un patient rencontre des problèmes financiers ou qu’il est isolé socialement se doit d’alerter l’hôpital pour faire intervenir les services sociaux. Les infirmières libérales doivent se considérer comme des passeuses d’informations. Pour autant, leur principale problématique est de se constituer un réseau pour trouver les bonnes informations, les méthodes, les référentiels, et les numéros de téléphone pour échanger avec les services hospitaliers dédiés. Ce réseau est la clef de la prise en charge. L’hôpital doit être en mesure de leur apporter la bonne réponse, surtout lorsqu’elles observent un problème chez leur patient. Chacun doit être un levier d’amélioration pour l’autre. Il ne faut pas tout demander à l’hôpital qui en retour ne doit pas tout attendre de la ville. Parfois, ce partage et la transmission des informations sont structurés, notamment dans le cadre de l’hospitalisation à domicile. Mais pour les idel un peu isolées, c’est plus compliqué. Il faudrait régulariser cette prise en charge pour un juste échange. Les cahiers de transmission peuvent suffire, mais une fois encore, leur mise en place varie selon les établissements.
I. K. : Je me bats pour que tous les établissements assurant des prises en charge en cancérologie mettent en place un numéro spécifique pour les professionnels de santé libéraux afin de leur permettre d’obtenir une réponse immédiate ou différée à court terme, face à des problématiques identifiées à domicile. Ce n’est pas le cas partout. Aujourd’hui, les liens sont noués de manière artisanale, notamment parce que l’idel connaît un soignant au sein du service hospitalier et peut construire son réseau. Mais dès lors que le patient change de service ou que le personnel hospitalier évolue, les relations se distendent. L’hôpital se doit d’aider ses malades même lorsqu’ils ne sont pas dans ses murs. L’existence de ce numéro de téléphone devrait faire partie des critères de qualité des établissements hospitaliers. Les infirmières en plaies et cicatrisation devraient, elles aussi, être facilement accessibles aux idel. Il est également important qu’elles puissent accéder à des référentiels pratiques. L’Afsos en propose environ 70 en accès libre sur son site Internet. Notre objectif est d’être facilitant pour les idel, dont l’accès à la formation est plus contraignant que pour les hospitalières. Et ce d’autant plus qu’elles ne prennent pas uniquement en charge des patients en cancérologie. Elles doivent donc maîtriser des notions de base et savoir où aller chercher l’information facilement.