L'infirmière n° 043 du 01/04/2024

 

DOSSIER

LE DISPOSITIF AKO@DOM

Le dispositif AKO@dom est un parcours d’accompagnement personnalisé des personnes sous traitement anticancéreux oral à domicile. Il s’appuie sur les visites régulières d’une IDE libérale rémunérée, qui utilise une plateforme numérique permettant la transmission des données de santé du patient entre les différents intervenants.

Lancé par la société Continuum+, AKO@dom est une expérimentation permettant le suivi de patients sous traitement anticancéreux oral et/ou immunothérapie, à domicile, par des infirmières libérales. Leur rôle est de les accompagner pendant les trois premiers mois du traitement ou six premiers mois en cas d’injectables (soit environ neuf à dix visites) au rythme d’une fois par semaine pendant un mois, puis tous les quinze jours. « Dans le système actuel, les patients sous thérapie orale anticancéreuse se retrouvent seuls pour gérer leur traitement, pointe Florence Ambrosino, infirmière et cofondatrice de Continuum+, start-up éditrice d’une plateforme de télésurveillance en cancérologie. Les six premières semaines, ils peuvent se trouver au pic de la manifestation des effets indésirables, certains décidant parfois d’arrêter leur traitement. »

Pour ne pas compromettre leurs chances de guérison et encourager la prise du traitement, Continuum+ propose des parcours d’accompagnement à domicile tel le dispositif AKO@dom. L’objectif étant de tendre vers une meilleure observance et une gestion anticipée des événements indésirables, dus ou non au traitement, avec une adaptation des doses si nécessaire, afin de préserver, voire d’améliorer la qualité de vie des patients. Pour permettre la mise en place de ce suivi, deux professions de ville sont mobilisées : les idel et les pharmaciens d’officine. « Cet accompagnement à domicile par les idel présente un avantage psychologique non négligeable pour le patient, qui ne se retrouve pas seul à gérer son traitement et donc sa maladie », estime Florence Ambrosino.

L’inclusion du patient

Pour bénéficier d’un accompagnement, le patient doit être intégré par l’un des membres de son équipe hospitalière (oncologue, infirmier en pratique avancée, pharmacien hospitalier ou infirmière de coordination), qui sollicite la cellule de coordination de Continuum+. Cette dernière est chargée de mettre en place l’accompagnement du patient en mobilisant ses acteurs de proximité, et d’assurer sa bonne exécution pendant toute la durée de la prise en charge.

Dès lors que le patient débute son traitement, et après avoir donné son consentement, il est contacté par l’infirmière de coordination de Continuum+. « Nous lui expliquons plus précisément les modalités de suivi qui vont être mises en œuvre par l’idel afin de sécuriser la prise de son traitement les premières semaines, période où les événements indésirables sont les plus nombreux », rapporte Flora Cherruault, l’une des coordinatrices.

Une surveillance par l’idel

L’idel du patient est sollicitée en première intention, afin de préserver son équipe de soins primaires. Pour intégrer le dispositif, elle doit suivre une formation de trois heures en ligne, idéalement avant la prise en charge du patient. « La formation porte sur les principaux cancers, les modes d’action des anticancéreux, les toxicités, les différents niveaux de conduite à tenir en fonction des grades, le travail de coordination, et l’utilisation de la plateforme Continuum+ Connect », détaille Florence Ambrosino. Dédiée au recueil de données de santé et accessible avec une connexion Internet sur smartphone ou tablette, cette plateforme contient le parcours d’accompagnement du patient et la liste des données à renseigner à chaque visite. Elle intègre également un dispositif médical de classe I, équipé d’un module d’alerte.

Dans le cadre de l’accompagnement AKO@dom, l’idel ne dispense aucun soin technique. Lors des visites, elle assure le relevé des constantes, des données d’observance et de qualité de vie, ainsi que des différents symptômes. Elle doit également remplir un questionnaire préétabli permettant de mesurer les effets du traitement sur le patient. « Ce formulaire est à compléter via la plateforme de télésurveillance Continuum+ Connect, précise Flora Cherruault. Elle permet une surveillance très rigoureuse du patient, puisque l’ensemble des événements indésirables est listé et gradué. » En fonction des réponses, une fiche informe l’idel de la conduite à tenir. Par exemple, au grade 1 d’un certain type d’événements indésirables, elle peut conseiller le patient, au grade 2, il lui est recommandé de contacter le médecin généraliste, et au grade 3, le spécialiste. L’idel sert aussi d’interface entre le patient et ses médecins. « Le relevé des données qu’elle effectue à chaque visite est stocké dans un espace sécurisé accessible à l’ensemble des professionnels de santé du patient et permet d’assurer le lien ville-hôpital », souligne Florence Ambrosino, précisant que les différents acteurs des soins peuvent échanger en temps réel via un fil de discussion sécurisé sur la plateforme.

« D’un rendez-vous à l’autre, le questionnaire peut sembler répétitif, mais il permet une surveillance rapprochée des effets secondaires probables », témoigne Véronique Jouve, infirmière libérale dans le Grand Est, qui participe à Ako@dom. Lorsque les informations sont validées, dans l’heure qui suit, les idel peuvent recevoir un retour du spécialiste, si nécessaire. Celui-ci peut aussi lui demander des informations complémentaires, contacter le patient ou sa famille pour leur conseiller d’aller consulter le médecin traitant ou encore envoyer une ordonnance au pharmacien pour un traitement permettant d’agir sur les effets secondaires. « Au fil de nos visites, les patients sont rassurés et intègrent les événements indésirables probables de leur traitement, leur permettant de devenir autonomes dans leur gestion, ajoute Véronique Jouve. Ce suivi leur évite également des déplacements à l’hôpital donc de la fatigue et du stress. » Certains patients demandent d’ailleurs de le poursuivre, mais ce parcours a été mis en place justement parce qu’aucun acte dédié n’existe actuellement au sein de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) infirmiers.

La rémunération spécifique

Aujourd’hui, « le modèle économique repose sur les fonds propres des cinq cofondateurs de la plateforme, ceux des investisseurs et des laboratoires pharmaceutiques acceptant de financer des parcours patients, sur des molécules qui ne sont pas nécessairement les leurs », se félicite Florence Ambrosino. Continuum+ assure ainsi la rémunération des idel, sur une base de 25 euros par visite. La start-up a par ailleurs décidé de participer à une expérimentation1 “article 51”2 dans la région Grand Est, « car pour entrer dans le droit commun, il faut passer par une étude d’impact ou une expérimentation », ajoute-t-elle. Elle a débuté en décembre 2021 et se termine fin 2024. Le modèle de financement proposé par l’expérimentation AKO@dom-PICTO [le programme PICTO étant celui adressé aux pharmaciens] permet de rémunérer les temps consacrés à la coordination et au suivi par les professionnels de ville et des établissements de santé. L’expérimentation permet ainsi de tester de nouvelles organisations de parcours et de financement, qui feront l’objet d’une évaluation avant d’envisager un possible déploiement au niveau national. Dans ce cadre exclusivement, les visites sont rémunérées 20,50 euros. Depuis 2018, 3 700 idel ont participé à AKO@dom, dont 900 dans le cadre de l’expérimentation “article 51”.

Au total, 4 850 patients ont bénéficié de ce suivi, dont 1 000 dans le cadre de l’article 51. À l’issue de cette expérimentation, et selon les résultats d’impact, un remboursement de ce type d’accompagnement pourrait être envisagé par l’Assurance maladie. Verdict début 2025 !

1. L’expérimentation se déroule avec le réseau de cancérologie Grand Est NEON et les hôpitaux universitaires de Strasbourg.

2. L’article 51 est un cadre expérimental introduit par la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2018 qui vise à encourager, accompagner et accélérer le déploiement de nouvelles organisations en santé et à expérimenter de nouveaux modes de financement afin de prendre en compte l’évolution de notre système de soins.