L'infirmière n° 044 du 01/05/2024

 

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MANIFESTATION

Adrien Renaud  

Depuis des mois, un certain ras-le-bol se fait sentir chez les infirmières libérales. Parfois ensemble, souvent chacune de son côté, les diverses organisations qui représentent la profession se mobilisent. Reste à savoir si un mouvement unitaire est possible.

Les infirmières libérales n’en peuvent plus, elles sont épuisées. » Ce diagnostic, dressé par Alexandra Veyret, Idel près de Grenoble (Isère) et coprésidente du collectif Infirmiers libéraux en colère, résume assez bien le sentiment général au sein d’une profession qui se sent oubliée, et qui commence à le faire savoir de plus en plus vivement. Les actions de cette association gagnent en intensité depuis quelques mois, avec notamment des « opérations escargot » organisées dans tout le pays en mars, puis une manifestation qui a réuni, selon l’AFP, plusieurs centaines de personnes à Paris, le 4 avril dernier. Autant d’actions auxquelles certains syndicats se sont joints, ce qui ne les a pas empêchés d’organiser leurs propres journées de mobilisation.

« Initialement, notre collectif est parti des Bouches-du-Rhône, il y a plus d’un an, après un reportage d’Élise Lucet à charge contre les Idel à propos de la fraude, se souvient Alexandra Veyret.

Cela a beaucoup irrité les infirmières libérales, qui ont commencé à se structurer en collectif, puis en une association nationale. » Leurs revendications ? « Elles sont doubles, car deux colères se rejoignent, répond la coprésidente du collectif. Il y a d’abord une colère économique avec une absence de revalorisation face à l’inflation. D’autre part, cette réalité économique heurte nos valeurs de soignants car nous en venons à devoir choisir un patient plutôt qu’un autre pour pouvoir être à l’équilibre, ce qui touche notre intégrité. »

Chacun à sa manière

Le collectif Infirmiers libéraux en colère n’est pas le seul à tenter de faire pression sur les autorités. On peut par exemple noter que le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) et l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil) se sont joints à la manifestation parisienne du 4 avril. Convergence infirmière (CI), qui a participé à certaines opérations avec le col lectif, mais pas à l’événement organisé dans la capitale, a de son côté décidé d’effectuer des actions « tous les 15 jours jusqu’aux Jeux olympiques », annonce sa présidente Ghislaine Sicre. Le 2 avril, par exemple, les militants étaient invités à dénoncer le gaspillage des ressources, et le 16, à manifester contre « la disparition de l’exercice libéral ».

Il faut par ailleurs noter que le mouvement de protestation actuel n’est pas l’apanage du collectif Infirmiers libéraux en colère ou des syndicats tels que CI, pourvus d’une solide culture de la lutte sociale. La Fédération nationale des infirmiers (FNI), à la tradition plus réformiste, a également choisi de se mobiliser à sa manière. Le 19 mars dernier, ce syndicat, majoritaire dans la profession, a adressé une lettre ouverte au chef de l’État qui a été publiée dans plusieurs titres de la presse quotidienne régionale. « La colère gonfle dans les rangs des infirmières et infirmiers libéraux, qui se sentent méprisés, abandonnés, pouvait-on y lire. Nous sommes là pour tous les Français. Et vous, Monsieur le président de la République, serez-vous là pour nous ? »

La grande question est de savoir s’il est possible de fédérer la colère des Idel en un front uni. Pour Ghislaine Sicre, c’est en tout cas un objectif. « Je pense qu’on doit pouvoir aboutir à une plateforme de revendications commune sur des points précis, même si on n’en est pas encore là », avance-t-elle. L’enjeu semble en tout cas particulièrement important aux yeux d’Alexandra Veyret. « Si le gouvernement ne nous écoute pas, il faudra qu’il assume que les infirmières déplaquent, prévient-elle. Il devra alors expliquer aux Français pourquoi ils n’ont pas accès aux soins. »