LA COMPLEXITÉ D’UNE SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE JUSQU’AU DÉCÈS À DOMICILE
EXERCICE LIBÉRAL
ÉTHIQUE
Infirmière libérale en Auvergne-Rhône-Alpes, Lise a assuré la prise en charge d’une patiente en fin de vie, à domicile, et ce jusqu’à la sédation profonde et continue conduisant au décès. Un suivi qui a soulevé de nombreuses questions éthiques.
Infirmière libérale au sein d’une maison médicale, Lise a pris en charge, avec plusieurs consœurs, une femme de 48 ans, retournée vivre chez sa mère pour sa fin de vie. Atteinte d’un cancer pulmonaire avec des métastases cérébrales ayant entraîné une compression des méninges, la patiente a rapidement été atteinte de surdité et de cécité. « Lorsque nous l’avons prise en charge, elle était déjà sourde et aveugle depuis deux à trois semaines, témoigne Lise. La rapidité de sa dégradation l’a empêchée d’instaurer des codes de communication avec sa famille. » La patiente, soignante de métier, qui disposait de toutes ses capacités cognitives, savait que sa situation était irréversible. « Elle avait exprimé, dans ses directives anticipées, sa volonté de bénéficier de la sédation profonde, et en a de nouveau informé oralement le médecin du service d’hospitalisation à domicile (HAD) », rapporte l’infirmière. Et d’ajouter : « Ne pouvant plus communiquer avec ses proches, lire, regarder la télévision ou écouter de la musique, elle ne voulait plus vivre dans ce qu’elle considérait être une prison. » Après une semaine de prise en charge, les professionnels de l’HAD ont organisé une réunion de concertation pluriprofessionnelle (RCP) avec l’oncologue de la patiente et les Idel pour décider de la mise en place de la sédation profonde. « Ils nous ont contactés pour nous demander si nous étions d’accord pour l’effectuer dans la journée, se souvient Lise. La patiente n’attendait que cela, nous avions déjà commencé à lui mettre de la morphine tant elle souffrait. »
Dans le cadre de ce suivi, les Idel qui se sont relayées au chevet de la patiente ont été confrontées à plusieurs problématiques, principalement en raison des difficultés de communication. Ainsi, elles n’ont pas pu lui expliquer clairement que la décision concernant la mise en œuvre de sa sédation profonde avait été prise par l’équipe. « Nous avons dû attendre qu’elle nous pose la question, comme chaque jour, pour lui faire comprendre que nous allions procéder à cet acte », explique Lise. Une sonde urinaire ainsi qu’une sonde annale lui ont également été posées. « Là aussi nous n’avons pas pu lui expliquer clairement, se rappelle-t-elle. De fait, lorsque nous lui avons enlevé ses sous-vêtements, elle a immédiatement opposé son refus, avant d’accepter, consciente des enjeux », rapporte l’Idel. Et de reconnaître : « Ces différents moments ont été difficiles à vivre pour nous, car nous avons dû effectuer des soins, notamment invasifs, sans obtenir clairement son accord. »
Les Idel ont assuré le suivi de la patiente pendant environ une semaine avant qu’elle ne décède. « Pour la famille, la situation a été difficile, mais elle a été vécue comme un soulagement car le choix de mourir de la patiente a été respecté », indique Lise.
Aujourd’hui, l’Idel reste satisfaite de la prise en charge et des liens qui ont été noués avec l’HAD. « Nous nous sommes senties incluses et écoutées », fait-elle savoir. Ce suivi a toutefois soulevé, chez elle, des questionnements concernant l’euthanasie. « Certes, chaque situation est différente, et selon moi, tout doit être cadré. Cependant, avec la sédation profonde et continue jusqu’au décès, j’ai quand même eu l’impression de donner une première mort à la patiente. Je m’interroge sur l’euthanasie qui pourrait, je pense, rassurer certaines personnes confrontées à des maladies incurables ou dégénératives. »