Remplaçante dans un cabinet de ville, une jeune infirmière libérale s’interroge sur le bien-fondé du tutoiement employé par ses collègues notamment avec les personnes âgées. Dans ce lieu de l’intime qu’est le domicile, quel sens peut avoir le tutoiement ? Peut-il avoir une incidence sur la relation de soin ? Être considéré comme intrusif lorsque la personne soignée n’y a pas consenti et que la question ne lui a pas été posée ? Peut-il s’agir d’un excès de paternalisme auprès de personnes vulnérables, d’un pouvoir sur autrui ou du souhait de réduire la relation asymétrique entre soignant et personne soignée ? Est-ce une façon d’instaurer ou de renforcer la relation de confiance ? Parfois, le tutoiement peut être demandé par la personne soignée et le soignant y être réticent. Comment fixer les limites de l’intime et qui les définit ? Quelle attitude d’équipe adopter lorsqu’un soignant tutoie et pas l’autre ? Une proximité renforcée par l’emploi du « tu » pourrait-elle avoir une répercussion sur la qualité des soins ? « Cette personne, je la connais bien, je sais ce dont elle a besoin », sans réévaluer régulièrement ses besoins, ce qui ne serait pas professionnel.

Prendre en compte la dimension intrusive dans les soins, en paroles ou en actes, implique certaines habiletés de la part des professionnels, comme un sens de l’adaptation à chaque situation de soin, un regard bienveillant sur cet espace privé dévoilé et le respect d’une distance choisie entre soigné et soignant. Il convient également de prendre en compte les fondements et les habitudes culturelles des patients. Car l’on peut tutoyer de manière respectueuse et vouvoyer avec un excès de familiarité sans être pour autant bienveillant.

Poser régulièrement avec les personnes soignées les limites de l’intervention soignante n’est pas toujours facile car des liens aff ectifs sont parfois tissés, c’est pourquoi la formation et le travail en équipe restent des aides précieuses.