L'infirmière n° 044 du 01/05/2024

 

EXERCICE LIBÉRAL

ÉTHIQUE

Laure Martin  

Infirmière rédactrice de la chronique « Éthique et soins au quotidien », Marie-Claude Daydé apporte son regard sur certaines questions éthiques soulevées par cette prise en charge.

Comment se prémunir d’un sentiment de maltraitance vis-à-vis d’un patient lors d’actes invasifs_?

Lorsque les soignants sont amenés à eff ectuer des gestes invasifs pouvant être vécus de manière violente par les patients comme par eux-mêmes, il est nécessaire d’interroger le sens de l’action à mettre en place. Dans quelle intention cet acte est-il réalisé ? Quels en sont les bénéfices et les risques pour la personne malade ? Est-il proportionné par rapport à la situation de la personne ? Au bénéfice de qui est-il fait ? Le patient ? La famille ? Les soignants ? Lorsque le consentement ou même l’assentiment sont compliqués à obtenir de la part de la personne soignée et qu’elle a rédigé des directives anticipées, il est utile de regarder si elle considère les soins envisagés comme une obstination déraisonnable, ce qui peut parfois être livré dans des directives particulièrement précises. Car il est toujours difficile de décider pour autrui. Dès lors que le soignant a un doute, il peut en discuter avec les membres de l’équipe chargée de la prise en charge. Bien entendu, en fonction des professionnels soignants, l’espace de discussion n’est pas toujours accessible. Cette première approche reste toutefois utile, de même qu’il est intéressant de soulever les questionnements et d’en discuter, surtout lorsque le consentement est difficile à obtenir de la part de la personne soignée.

De quel accompagnement les soignants libéraux peuvent-ils bénéficier pour la prise en charge d’une fin de vie à domicile_ ?

La fin de vie d’un patient à son domicile peut se faire via une HAD. Généralement, dans ce cadre, les professionnels libéraux doivent pouvoir être soutenus et accompagnés. Mais les équipes libérales interviennent fréquemment seules. Elles peuvent également solliciter l’appui d’une équipe territoriale de soins palliatifs à domicile, qui n’existe cependant pas encore partout. Auparavant, ce sont les réseaux qui intervenaient dans cette prise en charge mais ils ont été absorbés par les dispositifs d’appui à la coordination (DAC). Au sein des équipes territoriales, les psychologues sont normalement disponibles pour les soignants libéraux afin d’échanger sur une situation complexe. En maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), les professionnels de santé peuvent discuter des prises en charge complexes lors des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP). Il s’agit d’un soutien réel pour eux. En dehors de ces diff érentes possibilités, ils doivent financer euxmêmes le recours à un psychologue.

Certains espaces de réflexion éthique régionaux (ERER) disposent de cellules de soutien éthique, permettant aux professionnels libéraux, notamment, d’y faire appel pour partager une situation qui leur pose ou leur a posé question. Il peut s’agir d’une réflexion puis d’une aide à la décision, a priori, dans le cas de situations non urgentes, sinon, a posteriori d’une situation vécue.

Ce soutien aux soignants commence à être porté par les tutelles. D’ailleurs, une instruction interministérielle de juin 2023 relative à la poursuite de la structuration des filières territoriales de soins palliatifs dans la perspective de la stratégie décennale 2024-2034 prévoit « la nécessité de soutenir les professionnels et les intervenants en étant attentif au respect de temps de réflexion pluridisciplinaire et collégiale, comme au respect des organisations de soins, et en leur proposant des solutions comme la mise en place au sein de leur établissement/structure d’exercice, ou via un format adapté à leur exercice libéral, de temps d’échanges et d’écoute ou de reprise des situations complexes ou déstabilisantes, ainsi que des accompagnements psychologiques le cas échéant ».

Quid de la formation ?

La formation initiale des infirmiers aborde la fin de vie et les soins palliatifs. Pour autant, il est toujours utile d’acquérir de nouvelles compétences pour ces prises en charge dans le cadre de la formation continue, que ce soit lors de formations courtes ou plus longues avec des diplômes universitaires ou interuniversitaires (DU/ DIU). L’objectif va être d’acquérir ou d’approfondir des connaissances sur la gestion des symptômes ou encore l’approche bio-psycho-sociale des patients, le soutien des aidants, la relation d’aide, les questions éthiques, etc. L’intérêt de ces formations est aussi leur interdisciplinarité, qui invite à mieux connaître les autres professions et à mieux travailler dans une dimension collégiale. La formation représente une forme de soutien pour les professionnels, qui vont se sentir davantage en confiance pour aborder ces soins et ce suivi souvent complexes.