L'infirmière n° 045 du 01/06/2024

 

ACTUALITÉS

PROJET DE LOI

Adrien Renaud  

Après la présentation en mars du projet de loi sur la fin de vie par Emmanuel Macron, le texte est maintenant examiné par les députés. Un travail qui devrait, selon toute probabilité, durer plusieurs mois, voire plusieurs années.

Sur un texte qui emporte de tels enjeux, on ne demande pas l’urgence, il n’y aura pas de procédure accélérée. » Dans l’interview qu’il avait accordée aux quotidiens Libération et La Croix en mars dernier pour présenter son projet de loi sur la fin de vie, Emmanuel Macron avait prévenu, pour citer les mots célèbres d’un autre président, qu’il donnerait « du temps au temps ». Car, « pas de procédure accélérée », cela signifie concrètement que le texte aura droit à quatre lectures par les parlementaires : deux dans chaque chambre. Autant dire que les débats passionnés suscités par la question de l’euthanasie dans le pays depuis des années sont loin d’avoir atteint leur terme.

Reste que le projet gouvernemental franchit, un à un, les multiples étapes qui se trouvent sur son chemin. Après l’avis (non contraignant) de la commission composée de 184 citoyens tirés au sort qui se sont prononcés au printemps 2023 en faveur de l’ouverture d’une « aide active à mourir », après les concertations menées en continu par le gouvernement et les parlementaires depuis le début du quinquennat, après le passage par le Conseil d’État et la présentation en conseil des ministres début avril, c’est l’examen par les députés qui a commencé : les travaux en commission ont débuté le 22 avril, et la première séance plénière dans l’hémicycle du Palais Bourbon est prévue pour le 27 mai.

Citée par l’AFP, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a estimé qu’un vote solennel en première lecture pourrait avoir lieu le 11 juin, ce qui donnerait lieu à la première navette parlementaire vers le palais du Luxembourg. On peut alors s’attendre à ce que le Sénat, dominé par une droite plutôt rétive à l’aide à mourir, détricote le texte. « On est plutôt sur une, voire deux années de débats, avait tenu à préciser la titulaire du perchoir début mars sur Franceinfo . Le temps est une condition d’un débat serein. »

Argument et contre-argument

Et que le débat soit serein ou pas, partisans et opposants d’une évolution de la loi entendent bien mettre sa durée à profit pour faire valoir leur point de vue. C’est ainsi que 27 associations, syndicats, mutuelles et autres organisations de la société civile ont présenté fin avril un « Pacte progressiste sur la fin de vie ». « Nous choisissons de nous allier pour constituer une force progressiste et républicaine », écrivent les signataires, parmi lesquels on retrouve l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ou encore le groupe mutualiste VYV. Ils en appellent à la « légalisation d’une aide active à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable qui, en conscience et librement, la demanderaient ».

Face à cette coalition, on trouve notamment la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), qui a présenté en avril une enquête menée auprès de près de 2 300 « membres de la communauté palliative », et qui entend s’en servir comme un cri d’alarme : 83 % des répondants se disent « inquiets face à l’évolution de la loi », 80 % « refuseraient de prescrire, fournir, préparer et/ou administrer le produit létal », et 22 % des médecins se disent « prêts à quitter leur poste si la mort provoquée est mise en place dans leur service ». Seule certitude : la suite des évènements s’annonce mouvementée.