« INTERROGER SES HABITUDES ET MODIFIER SES PRATIQUES » - Ma revue n° 045 du 01/06/2024 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 045 du 01/06/2024

 

Karine Pontroué

DOSSIER

INTERVIEW

Infirmière depuis 1999 et puéricultrice depuis 2016, Karine Pontroué supervise le groupe dédié à la santé environnementale au sein du collectif Je suis infirmière puéricultrice (JSIP), qui a vu le jour en 2020 avec un objectif ambitieux : faire entrer ce sujet dans le quotidien des IPDE.

Depuis quand êtes-vous sensible aux questions environnementales ?

Karine Pontroué : Dès le début de mon parcours professionnel en hématologie à l’Établissement français du sang, je me suis interrogée avec les patients, en chimiothérapie ou greffés, sur l’influence de l’environnement sur leurs pathologies. Je suis devenue maman à 30 ans, et je me suis alors questionnée sur la coloration des cheveux des femmes enceintes, le bisphénol A dans les biberons, etc. Je me suis beaucoup documentée, et progressivement j’ai changé mes habitudes pour ma famille. Depuis le sujet ne m’a plus quittée.

Étiez-vous formée à cela ?

K. P. : Non, pas dans ma formation initiale. Mais justement, j’ai souhaité aller plus loin. En 2019, j’ai suivi le diplôme Interuniversitaire (DIU) consacré à la santé environnementale à l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (Isped-université de Bordeaux). La formation était complète et abordait les perturbateurs endocriniens, l’alimentation, la pollution atmosphérique, le cadre législatif et les risques psycho-sociaux.

Avez-vous pu mettre en pratique des actions dans votre cadre professionnel ?

K. P. : Oui, tout à fait. En 2019, j’ai intégré l’équipe de l’espace départemental des solidarités (EDS) de Créteil. La direction de la protection maternelle et infantile (PMI) du Val-de-Marne mettait en place le projet Périnatalité, environnement, prévention, santé (PEPS). Le but était de sensibiliser à travers des formations les professionnels de PMI à la prévention de l’exposition aux polluants de l’air intérieur des femmes enceintes et des enfants de moins de 2 ans. Une partie des professionnels ont été formés par l’Appa(1) dans le cadre du projet FEES. Bénéficiant de cette dynamique, j’ai créé en 2022 avec une équipe (un médecin généraliste, cinq IPDE et une secrétaire) une formation en santé environnementale pour les assistantes maternelles de la ville. Nous avons formé près de 130 personnes par groupe de 20 maximum, venues sur la base du volontariat le samedi matin. La formation comprenait une partie théorique (les perturbateurs endocriniens) et une autre plus pratique sur l’élimination des polluants au domicile des assistantes maternelles dans les champs de l’alimentation, l’air intérieur, les cosmétiques. Depuis 2023, je coanime des webinaires sur la santé environnementale dans le cadre d’un partenariat entre la PMI et la caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne. Et cela va se poursuivre jusqu’en janvier 2025.

Quels sont les freins à la prise en compte de ces questions ?

K. P. : Les informations, nombreuses, sont noyées dans un environnement global qui peut devenir anxiogène. Intégrer la santé environnementale, c’est interroger ses habitudes et modifier ses pratiques. Cela relève de l’émotionnel. Mais sur le terrain, je constate une réelle évolution.

Un guide d’Ecopuériculture sort courant mai, de quoi s’agit-il ?

K. P. : L’idée a germé au sein du groupe santé environnement du collectif JSIP. C’est un guide(2) d’environ 200 pages à destination des professionnels et des parents, préfacé par Dre Alice Barras. Il a été écrit par six IPDE du collectif et j’ai réalisé la première partie sur les interactions entre l’enfant et son environnement. L’idée est de donner des clés aux parents, de leur fournir des fiches pratiques, en s’appuyant sur des informations formalisées par des professionnelles de terrain. Et bien sûr d’apporter des informations aux professionnels de la petite enfance.

Références

1. Le projet Femmes enceintes environnement et santé (FEES) est porté par l’Association pour la prévention de la pollution atmosphérique (Appa) et des unions régionales de la Mutualité française. 2. https://www.linstantpresent.eu/