L'infirmière n° 045 du 01/06/2024

 

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INNOVATION

Geneviève Perennou  

L’intelligence artificielle (IA) a été testée pour améliorer la collaboration entre les infirmières et le personnel médical, permettant une détection plus efficace des signes d’aggravation des patients.

Les infirmières doivent généralement gérer plusieurs patients en même temps, ce qui peut les empêcher de détecter les signes avant-coureurs d’une détérioration clinique. Celle-ci peut avoir des conséquences graves en termes de morbidité et de mortalité. Les scores d’avertissement précoce automatisés ont été développés aux États-Unis pour aider les soignants à repérer une aggravation et à prendre des mesures adéquates. Les données en temps réel du dossier de santé électronique du patient (constantes, diagnostics, résultats de laboratoire, transmissions) peuvent être utilisées pour créer des modèles prédictifs. Par exemple, l’Epic Deterioration Index, modèle de prédiction de détérioration clinique basé sur l’apprentissage automatique largement utilisé dans les hôpitaux américains.

Dans une étude*, l’intelligence artificielle a été utilisée dans quatre services de médecine interne à l’hôpital de Stanford, en Californie, pour améliorer la collaboration entre infirmières et personnel médical et ainsi détecter plus efficacement les signes d’aggravation chez les patients. Selon le Dr Ron Li, professeur associé de médecine, le système d’alerte surveillant les constantes et les résultats biologiques a prévenu de l’aggravation de l’état de santé des personnes hospitalisées. Il a également permis une connexion plus efficace entre les professionnels de santé, déclenchant une discussion sur les soins à apporter pour prévenir le risque de transfert vers une unité de soins intensifs (USI).

Pas parfaite, mais utile

Après avoir évalué l’outil sur près de 10 000 patients, une amélioration significative des résultats cliniques a été observée, avec une diminution de 10,4 % des événements d’aggravation (IC à 95 %, - 20,1 à - 0,8 points de pourcentage ; P = 0,03) chez un sous-groupe de 963 patients ayant des scores de risque moyen et une trajectoire clinique peu évidente pour l’équipe médicale. Les interventions grâce à l’IA ont entraîné une réduction des interventions de l’équipe d’urgence, des transferts en USI ou des arrêts cardiorespiratoires. Pour ces 963 patients, ce modèle s’est avéré particulièrement utile pour aider les professionnels à déterminer ensemble les personnes nécessitant des soins supplémentaires. Bien que le modèle ne soit pas encore parfait, les retours des infirmières et des médecins sont globalement positifs. Cependant, certains désagréments ont été soulevés concernant les alertes, car seulement 20 % des patients signalés par l’IA ont finalement connu une aggravation dans les 6 à 18 heures suivantes. Même si l’Epic Deterioration Index manque encore de précision, le Dr Li souligne qu’il est suffisamment pertinent pour encourager une présence accrue des professionnels autour du patient, démontrant ainsi que l’algorithme n’a pas besoin d’être parfait pour être utile. Ces résultats fournissent des preuves de l’efficacité de cet outil et soutiennent son expansion ainsi que son déploiement dans d’autres secteurs de soins.

* Gallo R.J., Shieh L., Smith M., et al. Effectiveness of an Artificial Intelligence – Enabled Intervention for Detecting Clinical Deterioration. JAMA Intern Med. 2024;184 (5):557-562. https://urlz.fr/qEtB https://vu.fr/yDGvM