Parler de santé sans s’arrêter aux frontières entre professions, tel est l’objectif de La Fabrique des soignants, un collectif de jeunes professionnels fondé en 2023. Infirmière et philosophe, Julie Agnaou partage son enthousiasme d’en faire partie.
Julie Agnaou : C’est un média en santé émergent créé au printemps 2023 par un groupe d’amis. En tant que jeunes soignants, ils ont constaté dans leurs milieux respectifs une sorte d’amertume, de perte d’élan. Ils voyaient beaucoup de gens qui, bien que conscients d’avoir un métier qu’ils aiment, ont l’impression d’en toucher les limites, de ne pas trouver leur place. Dans ces cas-là, soit on s’arrête et on se réoriente, soit on décide de trouver un espace nouveau. C’est ce qu’ils ont fait, et le groupe d’origine de quatre ou cinq copains est aujourd’hui devenu un collectif d’une quinzaine de personnes.
J. A. : C’est un média multicanal, essentiellement vidéo. Nous faisons des émissions en direct, avec par exemple quatre grosses émissions de deux heures lors de la première saison en 2023, et une autre, intitulée « La nuit des jeunes en santé », en février dernier. Nous faisons également des formats plus courts, avec notamment des interviews de soignants. Et nous avons par ailleurs des formats écrits, par exemple des portraits de soignants qui tentent de soigner autrement… Nous sommes présents sur presque toutes les plateformes : les émissions sont diffusées en direct sur Twitch et YouTube, où elles sont également disponibles en replay, et nous sommes particulièrement actifs sur Instagram et LinkedIn.
J. A. : C’est l’un des éléments qui m’ont le plus parlé quand je suis arrivée. En tant que soignants, on se sent un peu cloisonnés. Les étudiants en médecine, en sciences infirmières ou encore en kiné sont chacun dans leur coin. Mais à La Fabrique des soignants, en plus de travailler dans plusieurs professions, nous avons la particularité d’associer différentes disciplines. Nous sommes plusieurs à avoir un parcours académique : je suis par exemple infirmière et doctorante en philosophie, un collègue kiné est plutôt dans le management… Cela nous permet d’avoir un regard véritablement diversifié.
J. A. : Le groupe de départ était plutôt composé de médecins et de pharmaciens, et il émanait d’un collectif préexistant qui s’appelle Derrière la blouse. Ce collectif s’est ouvert au fil des rencontres et des évènements, car l’idée de rêver un projet en commun parlait à énormément de monde.
J. A. : L’une des premières raisons qui me vient à l’esprit est la visibilité : il me semble important que la profession infirmière soit portée. Par ailleurs, alors que la notion de pluridisciplinarité nous parle beaucoup, elle n’est à mon sens pas suffisamment incarnée dans tous les services, dans toutes les cultures d’établissement. C’est quelque chose qu’on ne nous apprend pas suffisamment en stage infirmier, où le rapport entre professions peut parfois nous apparaître plutôt via des expériences désagréables. Il me semble donc important de pouvoir penser sa place en tant qu’infirmière dans un groupe dans un rapport apaisé, en prenant du plaisir, en laissant parler sa créativité.
J. A. : Il se trouve que comme je le disais, j’ai fait un pas de côté : je suis doctorante en philosophie du soin, en deuxième année de thèse. J’ai donc quitté les soins pour retourner temporairement à l’université, et cette transition a été un peu difficile. À La Fabrique, j’ai trouvé un bel espace pour écrire et penser collectivement sur des sujets de santé, et incarner un message infirmier. Je m’implique dans le pôle éditorial, où j’ai la tâche de penser la dimension scientifique, le travail bibliographique… Et je contribue bien sûr à la réflexion sur les sujets à traiter : qui a envie qu’on parle de quoi, et comment ?
J. A. : Je ne suis arrivée qu’en septembre dernier, et la première grosse émission à laquelle j’ai participé est La Nuit des jeunes en santé, en février. J’ai trouvé particulièrement intéressant d’avoir pu élargir notre collectif via ce format. Nous avons fait un grand casting à l’échelle nationale pour sélectionner les étudiants qui ont participé à l’émission, et c’était très enrichissant d’avoir des expériences totalement différentes, des visions variées du métier de soignant. Je me souviens par exemple des échanges sur la notion de vocation, qui ont pour moi été un temps fort de l’émission : c’est une notion que j’essaie toujours de nuancer, de déconstruire…
J. A. : Il va y avoir de nouvelles grandes émissions, dont les thématiques et les dates ne sont pas encore définies. Nous allons également développer un nouveau format plus court : ce sera L’Apérotopo, où, en une heure, un membre de La Fabrique présentera un concept, une idée, avec un intervenant. L’idée est de pouvoir échanger avec le public sur ces sujets via le chat. En format écrit, nous allons développer, entre autres une recommandation culturelle qui nous permettra de mettre en avant un livre, une pièce de théâtre ou un film en lien avec nos thématiques.
J. A. : La question majeure pour nous est de pouvoir être identifiés, de sorte que les gens puissent comprendre ce que nous faisons. Concernant les moyens, nous sommes une association, nous sommes tous bénévoles à l’exception du directeur général. Nous avons différents partenariats passés ou en cours, par exemple avec l’AP-HP [Assistance publique - Hôpitaux de Paris, NDLR] ou la Fondation Aésio. Nous participons à différents appels à projet, et nous avons mené une cagnotte de financement participatif. L’important, pour nous, c’est cette notion de co-construction, il faut que les personnes se sentent actrices du projet.
J. A. : Nous sommes ouverts à toute forme d’aide, d’échange, pour présenter ce que nous faisons, écouter les idées… Nous pouvons être joints sur nos réseaux sociaux, par exemple sur LinkedIn ou Instagram, ou par mail à contact@lafabriquedessoignants.com.