PROTOCOLE DE COOPÉRATION : LA POLLAKIURIE ET LA BRÛLURE MICTIONNELLE - Ma revue n° 045 du 01/06/2024 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 045 du 01/06/2024

 

EXERCICE LIBÉRAL

FICHE TECHNIQUE

Laure Martin  

Les infirmières libérales sont concernées par un nouveau protocole de coopération entre professionnels de santé pour la prise en charge de la pollakiurie et de la brûlure mictionnelle chez la femme de 16 à 65 ans. Il contribue à améliorer le parcours de soins des patients.

Un arrêté du 9 mars 2023 autorise la mise en œuvre d’un protocole national sur les soins non programmés dans le cadre d’une structure d’exercice coordonné (maison de santé pluriprofessionnelle et centre de santé) ou d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), à savoir la prise en charge par le pharmacien d’officine ou l’infirmier diplômé d’État de la pollakiurie et des brûlures mictionnelles non fébriles chez la femme de 16 à 65 ans.

LES OBJECTIFS DU PROTOCOLE DE COOPÉRATION

Ce protocole de coopération entre médecins et infirmières a pour objectifs :

– de réduire les délais de prise en charge d’une sympto matologie courante avec diminution du risque de complications grâce à une prise en charge précoce ;

– de favoriser un accès aux soins égal pour tous, lutter contre les inégalités territoriales de santé et améliorer le parcours de soins dans un contexte de démographie médicale déficitaire ;

– de diminuer le recours à la permanence des soins en s’appuyant sur les compétences d’autres professionnels de santé ;

– de permettre aux professionnels de santé habilités d’avoir une réponse adéquate à une demande fréquente et de prendre en charge cette symptomatologie ;

– d’optimiser la dépense de santé via les leviers décrits sur les points précédents.

LA FORMATION DES DÉLÉGUÉS

Pour mettre en œuvre ce protocole de coopération, le délégué (l’infirmière libérale) doit suivre une formation théorique et pratique de quatre heures, dont une partie peut être réalisée en e-learning. Elle est assurée par un organisme de formation agréé ou au sein de la structure d’exercice coordonné ou de la CPTS, par un ou plusieurs médecins délégants.

L’infirmière doit acquérir plusieurs niveaux de compétences : identifier les critères/symptômes pour lesquels la réponse doit être médicale et ne peut être déléguée ; mettre en œuvre un raisonnement clinique adapté à une situation décrite ; identifier la molécule à prescrire et sa posologie ; rechercher les allergies et contre-indications, et prescrire le traitement pertinent.

Le délégué peut contacter par téléphone le médecin délégant, joignable dans le cadre de la structure d’exercice coordonné ou de l’organisation mise en place par la CPTS, pour avis ou pour une prise en charge médicale.

L’INCLUSION DES PATIENTES

Les patientes sont incluses dans le protocole par le délégué à la suite d’une orientation par le secrétariat d’un médecin délégant. La patiente peut également s’adresser directement à l’Idel, dès lors qu’elle exerce en structure d’exercice coordonné ou est membre d’une CPTS. Avant d’accepter la prise en charge, l’Idel vérifie le respect des critères d’éligibilité de la patiente, en sachant que sont notamment exclus de la prise en charge les hommes, les femmes pour lesquelles leur grossesse est avérée ou non exclue, celles immunodéprimées ou présentant un risque de l’être, ou encore les femmes en insuffisance rénale chronique sévère.

Avant de débuter la prise en charge, l’Idel doit informer oralement la patiente du déroulement du protocole et recueillir son consentement de façon formalisée.

En cas de refus ou de critère d’exclusion, la patiente est orientée vers un médecin disponible pour une consultation médicale dans les 24 heures.

LA MISE EN ŒUVRE

Lorsque les équipes souhaitent s’inscrire dans la mise en œuvre d’un protocole de coopération, elles doivent le déclarer sur le site Web demarches-simplifiees.fr. Chaque protocole est signé à titre individuel par le délégant et le délégué. Ce dernier doit disposer d’un local confidentiel pour prendre en charge la patiente. Une réunion d’analyse des pratiques doit aussi être organisée une fois par trimestre. Enfin, le système d’information doit être effectif et partagé entre les professionnels concernés.

RETOUR TERRAIN

Les médecins généralistes libéraux et les Idel du pôle de santé de Haute-Combraille (PSHC), à Pontaumur (Puy-de-Dôme), mettent en œuvre ce protocole de coopération, non sans rencontrer quelques petites difficultés.

Le Dr Étienne Deslandes, médecin généraliste au sein du PSHC, a participé à la rédaction du protocole national de coopération sur la prise en charge de la pollakiurie et de la brûlure mictionnelle chez la femme de 16 à 65 ans. « Sur notre territoire, la première demande est venue d’un pharmacien du PSHC, qui souhaitait savoir si nous pouvions mettre en place ce protocole, se souvient le médecin. Nous l’avons donc proposé à l’ensemble des membres de la structure afin de connaître le nombre de professionnels de santé intéressés pour y participer. » Les infirmières libérales (Idel) ont immédiatement accepté, y voyant « la possibilité d’une amélioration de la pratique et une augmentation de la collaboration avec les médecins », explique Sonia Rivalier, Idel, infirmière Asalée et coordinatrice de la maison de santé pluridisciplinaire (MSP), précisant que le pôle dispose d’un système informatique permettant le partage des informations.

Une démarche administrative longue

Après la validation du protocole national, les équipes du PSHC ont dû s’engager à titre individuel en se déclarant sur le site Démarches simplifiées. « La procédure est un peu lourde, reconnaît Sonia Rivalier. Participer à un protocole prend du temps de coordination car la convention est à signer entre chaque médecin et chaque délégué de manière nominative. » Avec huit Idel et quatre médecins concernés, le protocole a été déployé en six mois environ au sein du PSHC. « Nous avons dû produire des documents certifiant que les délégués avaient suivi la formation, ajoute l’Idel. Pour autant, nous n’avions pas à attendre le retour des tutelles pour mettre en œuvre le dispositif car il relève de la responsabilité du délégant de s’assurer de la bonne formation des délégués. » Cette formation a été effectuée en interne, avec une première session théorique consacrée à la pathologie, au protocole et aux formulaires de prise en charge. Le deuxième temps de la formation a été dédié à l’axe organisationnel : l’orientation des patientes, la prise de décisions conjointe, la répartition des financements, la communication aux patients.

L’orientation des patientes

L’inclusion des patientes est assurée par les secrétaires des médecins délégants, qui peuvent les orienter vers les Idel ou les pharmaciens. Cependant, les patientes peuvent également s’adresser directement aux délégués. En cas de doute, les professionnels de santé s’appellent ou se contactent via le système d’information partagé.

« Nous avons l’habitude de travailler ensemble, nous sommes donc assez performants par téléphone », assure le Dr Deslandes.

Lors de la prise en charge, les délégués respectent un arbre décisionnel sécurisant l’acte. « Chaque étape est tracée avec un protocole à respecter, indique Sonia Rivalier. Si le voyant est au vert, l’Idel peut poursuivre jusqu’à prescrire l’antibiothérapie. » En cas de voyant rouge, le médecin délégant doit être sollicité pour lever le doute oralement. Sinon, il demande une consultation médicale.

Plusieurs bémols

Ce protocole dispose de critères d’exclusion très nombreux, ne serait-ce que l’âge. « Seules les femmes de 16 à 65 ans sont concernées, or notre patientèle est généralement composée de femmes plus âgées », fait remarquer l’infirmière. Cela explique pourquoi elle n’a pas pu prendre en charge un grand nombre de patientes. Toutefois, pour le peu d’entre elles, « le suivi s’est avéré bénéfique », assure Sonia Rivalier.

Autre frein : le manque de valorisation de la coordination, qui n’est pas financée dans le protocole. Les prises en charge proposées sont remboursées par la Caisse primaire de l’Assurance maladie (Cpam) à hauteur de 25 euros versés à la société interprofessionnelle des soins ambulatoires (SISA), qui rémunère ensuite les professionnels de santé. Au PSHC, il a été décidé de verser 20 euros à l’Idel et 5 euros au médecin.

Laure Martin