DN KEZAKO : UN OUTIL D’ETP POUR LES DOULEURS NEUROPATHIQUES - Ma revue n° 046 du 01/07/2024 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 046 du 01/07/2024

 

FORMATION

CLÉ EN MAIN

Dominique Gillet*   Muriel Perriot-Morey**  


*infirmière ressource douleur au centre d’évaluation et de traitement de la douleur du CHU Grenoble Alpes, site de Voiron.
**infirmière ressource douleur, infirmière clinicienne au CH de Châteauroux-Le Blanc.

Les douleurs neuropathiques posent un défide taille aux professionnels de santé. Afin de mieux soigner les patients qui en souffrent, des infirmiers ressource douleur ont créé DN Kezako, un outil d’éducation thérapeutique mis à disposition des équipes spécialisées dans l’objectif d’améliorer la qualité de leur accompagnement.

Les douleurs neuropathiques (DN) sont souvent complexes et chroniques. Elles présentent une spécif icité physiopathologique puisqu’elles sont dues à une lésion du système nerveux (central ou périphérique). En France, leur prévalence est estimée à 7 % de la population générale. Leurs causes sont multiples : traumatismes, intervention chirurgicale, névralgie post-zostérienne, diabète, atteintes neurologiques, etc. Elles se caractérisent par des manifestations cliniques telles que des brûlures, des démangeaisons, des décharges électriques, des fourmillements, etc. Sur le plan médicamenteux, elles sont peu sensibles aux antalgiques et relèvent de traitements spécifiques (antidépresseurs, antiépileptiques). La neurostimulation électrique représente un traitement de choix (lire encadré).

L’intérêt de l’ETP dans le cadre des DN

L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est souvent sous-estimée et sous-utilisée dans la prise en charge des personnes ayant des douleurs chroniques, et notamment des DN. Pourtant, cette approche centrée sur les patients vise à leur fournir les connaissances et les compétences nécessaires pour comprendre leur état de santé, gérer leurs symptômes et améliorer leur qualité de vie. Une des clés de l’ETP est d’impliquer activement le patient dans sa propre prise en charge. En comprenant les mécanismes sous-jacents de la douleur neuropathique, il peut mieux en reconnaître les facteurs déclenchants et s’approprier des stratégies d’adaptation pour en minimiser l’impact sur sa qualité de vie.

C’est dans cette optique qu’un groupe de travail* composé d’infirmiers ressource douleur (IRD), issus de la Commission professionnelle infirmière (CPI) de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), a décidé de créer un outil d’éducation thérapeutique destiné aux patients souffrants de DN et aux soignants les prenant en charge. Cet outil, intitulé DN Kezako, est finalisé et bénéficie d’un logo créé par l’une des infirmières du groupe de travail.

Genèse du projet

Chaque année, la CPI organise des universités infirmières portant sur différentes thématiques en lien avec la douleur. Elles se déroulent au domaine de Sainte-Foy-lès-Lyon, un site agréable, propice au travail et à la réflexion. Elles ont pour objectifs de réunir des infirmiers exerçant dans le champ de la douleur et de leur apporter des connaissances sur des concepts de soins, ainsi que sur les différentes stratégies de prises en charge des patients douloureux chroniques.

En 2022, le thème était : « Éducation thérapeutique et Douleur neuropathique ». Au cours de ces universités, une dynamique de groupe s’est installée. Les participants ont émis le souhait d’avoir un outil commun d’éducation thérapeutique qui pourrait être mis à disposition et utilisé par les équipes des structures prenant en charge la douleur chronique qui le souhaiteraient.

Un groupe de travail s’est formé sur la base du volontariat. La réflexion a été menée en sous-groupes durant plusieurs mois et a été divisée par thématique (explications, neurostimulation, etc.).

Le DN Kezako

L’outil est composé de 4 thématiques, déclinées en 6 séances de 1 h 30 à 2 h. Il peut être utilisé en l’état ou être adapté par chaque équipe.

1. Découvrir la douleur neuropathique :

« Mieux vivre avec ma douleur neuropathique » (2 séances)

Les patients découvrent la douleur neuropathique, les causes possibles, ses mécanismes, les facteurs de modulation et l’impact sur la qualité de vie.

2. Découvrir les traitements médicamenteux de la douleur neuropathique :

« D’où l’heure neuropathique, je me traite » (1 séance) Les patients obtiennent des informations pour une meilleure connaissance et une meilleure gestion de leurs traitements médicamenteux.

3. Découvrir la TENS (de l’anglais Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation) :

« TENS et moi » (2 séances)

Les patients découvrent la neurostimulation électrique transcutanée, et apprennent à l’utiliser.

4. Découvrir les traitements non médicamenteux :

« Qui veut gagner du confort ? » (1 séance)

Les patients obtiennent des informations sur les techniques non médicamenteuses, utilisables en autonomie ou en consultant un professionnel. L’objectif est aussi de sécuriser l’utilisation de ces techniques.

L’outil est conçu pour animer des séances de groupe uniquement (4 à 8 patients). L’aspect ludique a été privilégié pour que les apprentissages passent par le jeu et la convivialité.

Des compétences professionnelles indispensables

Habituellement, pour pouvoir assurer des séances d’éducation thérapeutique, les animateurs de ces séances sont des professionnels de santé ou des patients experts formés à cette démarche dans le cadre de la formation obligatoire de 40 h ou de l’obtention d’un diplôme universitaire. Ils sont également experts dans le domaine de la douleur, particulièrement la douleur neuropathique, et dans les ressources thérapeutiques permettant aux patients de retrouver une vie la plus confortable possible.

Une expérimentation et une évaluation nécessaires

L’ETP apparaît comme un élément essentiel dans la prise en charge des patients souffrant de douleurs neuropathiques. En fournissant aux professionnels de santé un outil clé en main pour animer des séances et apporter aux patients les connaissances et les compétences nécessaires pour mieux comprendre et gérer leur situation, elle ouvre la voie à une amélioration significative de la prise en charge des patients et de leur autonomie.

L’utilisation de cet outil par les équipes des centres antidouleur de l’ensemble du territoire permettra d’en évaluer l’intérêt et la pertinence. Et sans doute de l’améliorer au cours de sa mise en œuvre.

* Le groupe de travail, coordonné par Dominique Gillet et Muriel Perriot, les auteurs de cet article, est composé de Sandrine Avignon, Cécile Degoulet-Poullelaouen, Mélanie Dehay, Florence Gadiffet, Charlotte Greugny, Virginie Guillope, Jennifer Hautier, Peggy Koudad, Delphine Luminet, Béatrice Marguin, Véronique Popoff, Corinne Toulouse, Sophie Tranchand et Adeline Versavel.

Pour en savoir plus

DN Kezako est mis en ligne sur le site de la SFETD à partir de juin 2024 sous forme dématérialisée à imprimer et en libre accès pour les membres de la société savante. www.sfetd-douleur.org

Le TENS ou neurostimulation transcutanée

Le TENS est une technique antalgique non médicamenteuse qui utilise les propriétés d’un courant électrique transmis au travers d’électrodes placées sur la peau. Cette méthode implique la participation du patient.

2 types de courant électrique sont utilisés :

- Haute fréquence 80 à 100 Hz : mode Gate Control Ce mode agit par inhibition sensitive segmentaire au niveau de la moelle épinière. Le patient ressent des fourmillements. Il est utilisé pour les douleurs localisées.

- Basse fréquence 2 Hz : mode endorphinique

Ce mode agit par sécrétion d’endorphines. Le patient ressent des battements. Il est plutôt utilisé pour les douleurs diffuses.

Les principales indications du TENS pour les douleurs neuropathiques sont :

- Douleur post-zona ;

- Douleur post-chirurgicale ;

- Douleur de moignon / de membre fantôme ;

- Douleur radiculaire cervico-brachiale ;

- Sciatalgie / cruralgie ;

Il y a peu de contre-indications, mais on évitera d’utiliser l’appareil chez les porteurs d’un pacemaker et chez les femmes enceintes sur la région lombaire et abdominale.

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.