« Donner la mort » : la persistance d’une transgression pour certains soignants
ÉTHIQUE ET SOINS AU QUOTIDIEN
EXERCICE LIBÉRAL
FICHE TECHNIQUE
infirmière libérale
Le projet de loi sur « l’aide à mourir » va probablement aboutir à une loi autorisant l’euthanasie et le suicide assisté. Ce droit pour des personnes malades de demander la mort ne doit pas pour autant impliquer systématiquement les médecins et les infirmiers. Car, pour bon nombre d’entre eux, « donner la mort » demeure une transgression morale. L’interdit de tuer est fortement ancré chez les soignants, et cet acte qui supprimerait la vie d’autrui transformerait l’intentionnalité d’un « laisser mourir » à un « faire mourir » bousculant nos repères éthiques et sociétaux.
La loi, dans un cadre général, est le reflet d’une société. Elle précise ce qui est autorisé ou non, mais ne peut décréter les valeurs humanistes sur lesquelles reposent les réflexions et les actions des infirmières, et qui fondent leur éthique professionnelle.
Comment alors entendre la parole d’une personne malade qui verbalise cette demande ? En invoquant la clause de conscience ?
En essayant de refaire du lien social, source d’humanité et dont le fil est parfois ténu ? À l’aune de cette future loi, comment repenser la solidarité envers ceux qui s’en vont alors que, dans notre société, la fin de vie est davantage vécue comme un échec que comme intrinsèque à la vie ? Comment ne pas abandonner ceux qui meurent ? Comment ne pas abandonner ceux qui souff rent ? Pour certaines personnes, pouvoir demander à être tué, dans certaines circonstances de souff rances dites « intolérables », relèverait d’une liberté. Mais pour d’autres, est-ce un choix, une liberté, que de demander la mort lorsque le choix de vivre ne peut se faire que dans des conditions, notamment sociales et organisationnelles, extrêmes dans son domicile ? Un combat de tous les jours qui épuise l’élan vital, par exemple pour des personnes âgées ou celles qui vivent avec un handicap. Aidons-les !
Une loi qui fait clivage au sein de la société, est-ce une loi de fraternité ou le signe d’une humanité en train de se perdre ?