L'infirmière n° 046 du 01/07/2024

 

Claire Royer de la Bastie

PORTRAIT DU MOIS

Isabel Soubelet  

Infirmière puéricultrice depuis 2017, Claire Royer de la Bastie défend haut et fort la profession et ses compétences. Si elle a désormais quitté les soins techniques, elle œuvre avec bienveillance à la reconnaissance des besoins spécifiques des plus jeunes et avec l’envie réelle d’améliorer le système de santé pour les familles et les enfants.

Vous avez débuté votre carrière professionnelle auprès des enfants. Pourquoi ce choix ?

Claire Royer de la Bastie : Dans les services de pédiatrie, on établit une véritable relation de confiance et on a une réelle reconnaissance des familles. Cela donne du sens au métier. Dès le départ, ce domaine m’attirait, tout comme celui du handicap, qui ne m’était pas étranger. En effet, très jeune, j’ai été incluse dans l’univers du handicap puisque mes parents y travaillaient, notamment en maison d’accueil spécialisée (Mas). L’année où j’ai réussi le concours infirmier dans trois villes (Mâcon, Bourgen-Bresse, Lyon), j’ai pu choisir mon stage et je me suis tout de suite orientée vers la pédiatrie. J’ai eu l’opportunité de le faire en Martinique avec une équipe pédagogique très efficace auprès de laquelle j’ai beaucoup appris. Puis j’ai réalisé mon stage préprofessionnel en chirurgie pédiatrique au centre hospitalier de Grenoble où je suis restée deux ans. Ensuite, j’ai intégré le service oncologie pédiatrique de l’établissement. J’ai beaucoup apprécié de travailler avec des équipes très soudées. Je me suis pleinement investie. J’ai vécu des choses difficiles avec les familles et les enfants, mais j’ai pu créer un lien très fort avec eux.

C’est la raison pour laquelle vous avez souhaité devenir infirmière puéricultrice ?

C. R. de la B. : En effet, je sentais qu’il me manquait des éléments dans ma formation pour être auprès des enfants. Or, en 2015, après la naissance de mon deuxième enfant, j’ai eu la possibilité de préparer les études de puéricultrice au centre hospitalier de Clermont-Ferrand, où je travaillais. Une fois diplômée, j’ai exercé en tant qu’IPDE aux urgences pédiatriques, puis en chirurgie pédiatrique au sein de l’établissement. Mais petit à petit, l’aspect accompagnement et promotion de la santé des enfants a été délaissé. Nous faisions de plus en plus d’ambulatoire et il fallait toujours faire plus avec moins…

En 2021, vous quittez l’hôpital, un tournant décisif dans votre parcours.

C. R. de la B. : J’ai intégré le pôle pédiatrique libéral (PPL) Les P’tits soins à Clermont-Ferrand. Cela m’a permis de travailler en accueil, promotion et prévention de la santé. Je faisais vraiment ce pour quoi j’étais formée, à savoir le suivi de l’enfant sain. C’était très valorisant de travailler avec la pédiatre à l’origine du PPL [Cécile Yossa Monkam, NDLR], elle me laissait beaucoup d’autonomie. C’était ma première expérience en libéral, très enrichissante et avec une cadence très soutenue !

Vous avez cofondé avec Élodie Emo, en septembre 2020, le Collectif Je suis infirmière puéricultrice (JSIP). Quels sont les objectifs de cette association ?

C. R. de la B. : Le collectif JSIP est né de la volonté d’obtenir une reconnaissance de notre expertise et une revalorisation salariale. L’association est nationale, compte 200 adhérents et plus de 4 000 followers. Elle œuvre pour la place des IPDE dans la promotion de la santé de l’enfant et le soutien à la parentalité. Au quotidien, nous accompagnons l’enfant dans son environnement avec ses parents. Or, tout cela n’est pas pris en compte, n’est pas bordé sur le plan juridique et donc n’a aucune traduction financière. Nous ne revendiquons pas des actes, mais des missions, avec une mission socle qui est le suivi de l’enfant sain, handicapé ou ayant une maladie chronique mais stabilisée. Nous avons d’ailleurs, avec d’autres associations et syndicats de puéricultrices, rédigé un manifeste pour une réforme de la spécialité de puéricultrice, transmis à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) en décembre 2023. À ce jour, les IPDE n’ont bénéficié ni d’une réforme de leur métier, ni de celle de leur formation depuis 1983. Nous souhaitons une réingénierie de la formation en Master 2 universitaire qui positionne pleinement l’IPDE dans l’expertise de la santé de l’enfant, tant dans le secteur hospitalier que médico-social. Le but est de mettre en lumière notre spécialité dans un contexte de refonte du métier infirmier et d’un processus d’universitarisation de toutes les formations infirmières. Actuellement, les IPDE ne sont pas identifiées comme des personnes ressources dans le parcours de soin de l’enfant, or elles répondent aux besoins d’une population spécifique avec un regard sanitaire et social. Nous revendiquons ce leadership des IPDE et nous attendons la suite qui sera donnée aux Assises de la pédiatrie.

Vous animez des Cercles de parents dans le Puy-de-Dôme. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

C. R. de la B. : J’anime en effet des ateliers gratuits Cercles de parents en tant qu’IPDE libérale à Clermont-Ferrand et au sein de la communauté de communes entre Dore et Allier. Au départ, j’étais seule, désormais nous sommes trois IPDE car l’objectif est vraiment de travailler avec des professionnels du territoire. Ces ateliers sont un accompagnement à la parentalité et cherchent à développer les compétences psychosociales des parents. Mon but est d’apporter du soutien aux jeunes parents, de rompre leur isolement, de répondre à des besoins de coordination (sans consultation), de les aider à répondre aux besoins de leur enfant et de créer un maillage autour d’eux. Au départ, les ateliers Cercles de parents ont été imaginés en 2021 par Élodie Emo à la suite d’un appel à projets inscrit dans le cadre du rapport des « 1 000 premiers jours ». Ils ont vu le jour avec le soutien de l’Union départementale des associations familiales (Udaf) du Puy-de-Dôme. À présent, nous menons une action plus locale, notamment en matière d’inclusion, avec l’association Puéricultrices des Dômes. Nous avons dix IPDE sur le projet et nous espérons étendre à d’autres professionnels. Nous souhaitons allier nos compétences afin de répondre collectivement à des appels à projets.

Depuis septembre 2023, vous êtes présidente du Conseil national professionnel (CNP). Quel est votre rôle ?

C. R. de la B. : Notre CNP, structure fédérative qui réunit différents organismes, a été créé en 2021. Il s’appelle le Collège des infirmières puéricultrices (CIP) et réunit cinq structures*. C’est un organe consultatif qui joue un rôle essentiel dans la coordination, la formation et l’évaluation des pratiques professionnelles. Depuis ma prise de fonction, mes missions se concentrent sur l’évolution des études, du diplôme et du métier. J’assure un rôle de représentation et je participe à des groupes de travail et de réflexion interdisciplinaires avec les autres CNP des professions paramédicales. J’ai une envie réelle d’améliorer le système de santé pour les familles et les enfants. Les infirmières puéricultrices en France sont un maillon essentiel du système de santé. Nous sommes une clé de la reconnaissance de l’enfant. C’est pour cela que je me bats !

* L’Association nationale des puéricultrices (teurs) diplômé (e) s et des étudiant (e) s (ANDPE), le collectif Je suis infirmière puéricultrice (JSIP), le Syndicat national des puéricultrices (eurs) diplômé (es) d’État (SNPDE), la Société de recherche des infirmières puéricultrices (Sorip) et le Comité d’entente des écoles préparant aux métiers de l’enfance (Ceepame).

BIO EXPRESS

2003 DUT de génie biologique dans l’Ain après l’obtention d’un_Bac scientifique (S).

2007 Diplôme d’État d’infirmière à Mâcon.

2007-2011 IDE en chirurgie pédiatrique puis en oncologie pédiatrique au CHU de Grenoble.

2011-2013 IDE au service de chirurgie gynécologique au CH de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

2017 Diplôme d’État de puéricultrice

2017-2021 IPDE aux urgences pédiatriques puis en chirurgie pédiatrique au CHU de Clermont-Ferrand.

2020 Cofondatrice et viceprésidente du collectif Je suis infirmière puéricultrice.

2021 Intègre le pôle pédiatrique libéral Les P’tits Soins à Clermont-Ferrand.

Septembre 2023 Présidente du Collège des infirmières puéricultrices (CIP).