L'infirmière n° 048 du 01/09/2024

 

ACTUALITÉS

COUP DE PROJECTEUR

Laure Martin  

Fondé en 2019, le collectif Femmes de santé rassemble plus de 2 700 membres. Tous les ans, un petit groupe de femmes est mis en avant. Elles sont à présent 68, dont quatre infirmières de formation.

Infirmières, aidantes, médecins, startupeuses, consultantes, avocates, patientes expertes, exerçant dans les secteurs public, privé, associatif, administratif : les Femmes de santé rassemblées au sein du collectif éponyme affichent des profils variés, et c’était tout l’objectif de sa fondatrice, Alice de Maximy. Créatrice de Hkind, société d’études et de conseils en égalité des genres et organisme de formation, « elle s’est rendu compte, en développant sa plateforme, que les initiatives féminines n’étaient pas suffisamment promues et que les femmes ne se valorisaient pas non plus », souligne Margaux Darras, responsable de la coordination des missions du collectif. Sa création vise ainsi à remettre de l’humain au cœur de la santé, à valoriser les initiatives des femmes dans le secteur de la santé, pour leur permettre de s’entraider, de renforcer leurs liens et leurs expertises. Chaque année, le collectif met également en lumière des femmes portant des projets utiles et humains dans le secteur de la santé. Nommées par les membres du collectif, elles sont sélectionnées par un jury. « Notre réseau professionnel est bienveillant, insiste Margaux Darras. Les femmes créent des projets ensemble, s’entraident, partagent sur la plateforme dédiée et participent à nos événements pour nouer des liens. » Une action qui repose sur la sororité qu’expérimentent quatre Femmes de santé, infirmières…

TÉMOIGNAGE

Cette nomination me donne de la crédibilité

Marie-Esther Degbelo, infirmière anesthésiste, fondatrice de Koalou, Femme de santé 2020

« Lorsque j’ai appris ma nomination, j’ai ressenti de la fierté et de la reconnaissance pour la profession infirmière. Nous n’avons pas l’habitude d’être mises en valeur en tant que paramédicales. À titre individuel, c’était émouvant, touchant et presque surprenant. On m’a nommée par rapport à mon projet Koalou, une plateforme d’accompagnement des enfants et de leurs parents dans le cadre d’un parcours de soins afin de diminuer l’anxiété. Je suivais déjà le collectif, de loin, car j’avais eu l’occasion d’échanger avec certains de ses membres. Pour autant, à aucun moment, je n’ai pensé pouvoir entrer dans cette catégorie. Cette nomination représente une reconnaissance plus large, un message envoyé à la société, qui doit élargir sa vision un peu désuète des infirmières. Être appelée “Femme de santé” définit davantage qui je suis, plutôt que le mot “infirmière” ou “paramédical”. Nous sommes nombreuses à être “slasheuses” [cumul de plusieurs métiers, NDLR], à mener différents projets de front. Je ne suis pas que “à côté” du médecin. Ce message est important à faire passer pour les jeunes générations et notre encadrement. Il faut élargir les perspectives et donner envie d’agir aux soignants. Je n’ai pas attendu ce titre pour développer mon leadership mais pour autant, il me donne de la crédibilité, notamment auprès des investisseurs. C’est une reconnaissance du monde extérieur de mes compétences autres que paramédicales. »

TÉMOIGNAGE

Être Femme de santé montre que je suis engagée

Christelle Galvez, directrice des soins et des parcours au Centre Léon Bérard (CLB) à Lyon, à l’origine d’une expérimentation Article 51 Suivi à domicile des patients atteints de cancer et traités par immunothérapie, Femme de santé 2021

« Pendant longtemps, je ne me suis pas sentie concernée par la nécessité de mettre en avant le fait d’être une femme. Mais en tant que cheffe de projet, je me suis exposée à l’extérieur de ma structure. J’ai alors ressenti l’importance de montrer qu’être une femme, ce n’est pas si simple, notamment avec les autorités représentatives de notre profession, souvent dirigées par des hommes. J’ai déjà reçu, comme d’autres, des attaques sur ma façon de m’habiller par exemple. Nous devons resserrer nos rangs et partager nos faiblesses. Être reconnue Femme de santé m’apporte du leadership et montre que je suis engagée, reconnue par mes pairs. Les rencontres du collectif permettent de créer du réseau, de mettre en valeur la sororité. Au sein du CLB, ma nomination a créé une dynamique de femmes. Pour le moment, ce sont surtout des médecins qui m’en parlent. J’aimerais que des infirmières me contactent davantage et qu’elles se rendent compte qu’elles font des choses exceptionnelles. »

TÉMOIGNAGE

Cette nomination représente une légitimité pour nos actions

Laëtitia Clabé-Levère, cadre de santé, Ibode, fondatrice de l’association Des Étoiles dans la mer, vaincre le glioblastome, Femme de santé 2024

« Ma nomination en tant que Femme de santé a d’abord été un immense hommage à une amie décédée d’un cancer du cerveau. J’ai été touchée par le message adressé à l’association et aux paramédicaux, qui se battent pour prendre leur place dans le système de santé. C’est le cas des infirmières de bloc opératoire (Ibode), qui doivent par exemple développer leurs compétences dans le domaine de la recherche. Cette nomination met aussi en avant le rôle des patients-partenaires. Lors de la remise du prix, j’ai voulu parler au nom de ceux qui ne le peuvent plus. J’ai donc lu une lettre, écrite par la mère d’une personne atteinte d’un cancer du cerveau, afin de pointer la problématique d’attribution de la carte mobilité inclusion ; carte beaucoup trop longue à obtenir au regard de l’espérance de vie de certains patients. Ma nomination a eu lieu 15 jours après que j’ai porté la Flamme olympique. Tous ces événements se sont déroulés lors de “mai en gris”, mois de sensibilisation contre les cancers du cerveau. De nombreux symboles étaient imbriqués. Cette nomination représente une mise en avant, une crédibilité et une légitimité pour nos actions au sein d’un collectif de femmes très engagées. »

TÉMOIGNAGE

Cette nomination souligne la capacité des infirmières à faire évoluer leur carrière

Florence Herry, infirmière de formation, fondatrice de la plateforme Libheros, Femme de santé 2021

« Je suis le collectif depuis sa création. Avant d’être nommée, j’en étais déjà membre. La diversité des profils est très intéressante, c’est d’ailleurs ce qui fait sa force. Je trouve très enrichissant de rencontrer ces différentes personnes, comprendre les métiers de chacune, avec cette notion de sororité très prégnante. Être quatre infirmières aux profils différents démontre aussi la possibilité d’exercer des métiers variés et la capacité de la profession d’être mise en avant de manière publique. Il est important de valoriser ces projets portés par chacune. Je parle du collectif à des infirmières en reconversion ou à celles qui souhaitent développer leurs compétences. C’est nécessaire car souvent, les femmes ressentent ce fameux syndrome de l’imposteur. Dans ce collectif, il n’y a pas de jugement, l’entraide règne. En faire partie nous apporte de la visibilité. Libheros a profité de cette nomination et j’ai pu montrer que les infirmières détenaient la capacité de faire évoluer leur carrière. Les acteurs de l’écosystème de santé prennent conscience de l’importance de valoriser la place des femmes dans la santé. Et puis le collectif représente mon réseau : si j’ai besoin de poser une question, si je cherche des experts, je sais que je peux les solliciter. »