L'infirmière n° 048 du 01/09/2024

 

ACTUALITÉS

ENJEUX DE DEMAIN

Isabel Soubelet  

Le cercle thématique Santé de l’association Les Shifters, créée en 2014 pour apporter un soutien bénévole au cercle de réflexion The Shift Project qui œuvre à la décarbonation de l’économie française, a organisé, le 29 juin à Paris, un congrès sur la santé en 2050. Plus de 120 personnes étaient au rendez-vous. Compte rendu.

Paysage épidémiologique modifié, réémergence et résistance de maladies infectieuses, difficultés d’approvisionnement pour les hôpitaux, stress hydrique amplifié… Le secteur de la santé et les professionnels qui y travaillent seront confrontés, en 2050, à de multiples contraintes. Certaines sont déjà visibles et les établissements hospitaliers commencent à mettre en place des solutions pour continuer à fonctionner afin de soigner au mieux les patients et de garantir des conditions de travail adéquates à leurs équipes. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le changement climatique devrait entraîner, entre 2030 et 2050, près de 250 000 décès supplémentaires par an dus uniquement à la dénutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress liés à la chaleur. « Vis-à-vis de la mortalité, ce monde n’aura rien à voir avec ce que nous connaissons de nos jours, souligne Valérie d’Acremont, médecin tropicaliste et épidémiologiste, professeur de santé globale au Centre de médecine générale et santé publique à l’université de Lausanne en Suisse. Les variations climatiques vont avoir de fortes conséquences sur la santé mentale qui prendront différentes formes. Des impacts directs immédiats avec une hausse des catastrophes naturelles qui engendrent notamment du stress post-traumatique ou de la dépression. Mais aussi des impacts directs graduels avec une dégradation lente des conditions de vie et des impacts indirects, comme la détresse psychologique, source d’éco-anxiété. » Un récent sondage a d’ailleurs montré que 26 % des étudiants de l’université de Lausanne se considéraient comme éco-anxieux. Un chiffre qui s’élève à 43,1 % pour ceux qui suivent un cursus de géosciences-environnement, 26,7 % pour ceux qui sont en médecine, et 9,3 % pour ceux qui réalisent de hautes études commerciales.

Au-delà des conséquences du climat, le secteur de la santé exerce lui-même une pression importante sur l’environnement(1) par ses émissions de gaz à effet de serre (autour de 8 % du total des émissions en France) et par la pollution chimique générée par la fabrication des médicaments. « Concevoir le soin au XXIe siècle exige un changement de paradigme en basculant d’un système curatif vers un système préventif pour saisir les opportunités des cobénéfices, précise le docteur Hafsah Hachad, néphrologue, doctorante à Alliance Sorbonne université (UTC-ITE). Il faut développer les stratégies de prévention et de promotion de la santé. Les actions favorables au climat le sont également en matière de santé publique, ce qui pourrait permettre de réduire la mortalité à l’échelle mondiale. » À ce stade, il semble nécessaire de se poser la question de la sobriété en santé et de définir ce que la société est prête à accepter collectivement. Citons l’exemple des recherches en cours sur des générateurs de dialyse low tech (bas coût de fabrication, réduction du volume d’eau par séance, fonctionnement simple tout en garantissant la sécurité des patients). La maladie rénale chronique est assez emblématique de ces enjeux puisqu’on estime que le nombre de personnes sous thérapie de suppléance rénale pourrait atteindre les 5,4 millions en 2030, un véritable défi pour les systèmes sanitaires en place. Reste à convaincre les dirigeants d’établissements et tous les professionnels dans le secteur de la santé et du médico-social, « à penser le soin comme du commun en passant d’une éthique biomédicale à une éthique bio-environnementale ». L’idée d’une santé planétaire pour le bien du vivant.

(1) https://theshiftproject.org/article/decarboner-sante-rapport-2023/