L'infirmière n° 048 du 01/09/2024

 

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DÉMOGRAPHIE

Adrien Renaud  

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la Santé a publié, en juin dernier, sa nouvelle méthode de comptage des infirmières et aides-soignantes*. De quoi donner une idée plus nette de la démographie de la profession.

Il est des sujets que l’administration semble condamnée à remettre éternellement sur la table, comme Sisyphe poussant inlassablement son rocher en haut de la montagne. La démographie infirmière fait partie de ceux-là. Car entre les listes établies par l’Ordre infirmier, celles que gèrent les agences régionales de santé (ARS), les données de l’Assurance maladie et les résultats d’enquêtes, on peine de longue date à obtenir une image précise du nombre d’infirmières exerçant en France. Mais la Drees semble avoir décidé de mettre un terme à cette incertitude en publiant, au mois de juin dernier, une méthodologie rénovée de dénombrement de la profession.

La Drees a en effet établi les forces et faiblesses des sources habituellement utilisées pour estimer la taille de la population infirmière. C’est ainsi que le répertoire Adeli [pour Automatisation DEs LIstes, NDLR], par exemple, a l’avantage d’être exhaustif ; mais il manque toutefois de fiabilité, notamment parce que les infirmières ne sont pas incitées à s’en désinscrire, ce qui entraîne une surestimation des effectifs. Le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), de son côté, est plus précis mais n’est exploitable qu’à partir de 2021. De plus, alimenté en partie par les données de l’Ordre national des infirmiers (ONI), il souffre de la tendance qu’ont encore de nombreuses infirmières du secteur public à se soustraire à l’obligation de s’inscrire au tableau. C’est pourquoi la Drees a choisi de s’appuyer sur la base tous salariés (BTS) de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour les infirmières salariées, et sur le système national des données de santé (SNDS) de l’Assurance maladie pour les libérales. Cela lui a permis d’obtenir des séries pour les années 2012-2022 en ce qui concerne les Idel, et 2013-2021 pour les salariées. Séries que la Drees entend désormais mettre à jour annuellement sur son site.

On dénombre près de 600 000 infirmières

Le résultat de ce travail aboutit, pour 2021, à des totaux atteignant 500 300 infirmières pour les salariées, et 98 600 pour les libérales, sachant que les infirmières exerçant une activité mixte sont, selon cette méthodologie, comptées deux fois. Des chiffres à comparer avec les précédentes estimations de la Drees : celle-ci avait, en juillet 2022, estimé à 637 000 le nombre d’infirmières en France. En réalité, il faut interpréter cette discordance entre les estimations comme une amélioration de leur précision plutôt que comme une baisse des effectifs eux-mêmes : la démographie infirmière est, en effet, selon la Drees, en constante augmentation. Plus précisément, d’après ses calculs, le nombre d’Idel a crû de 3,2 % par an entre 2013 et 2021, ce qui, malgré un ralentissement en fin de période, est largement supérieur au rythme de l’accroissement de la population. De même, le nombre de salariées a augmenté de 1 % par an en moyenne, ce qui, là aussi, est une croissance plus rapide que celle de la population.

Mais la Drees ne manque pas de souligner que cette croissance, bien que dynamique, reste encore insuffisante : le vieillissement démographique entraîne également une augmentation des besoins en soins plus rapide que le simple taux d’augmentation du nombre d’habitants. De quoi apporter de l’eau au moulin de ceux qui appellent à former toujours plus d’infirmières…

* Démographie des infirmières et des aides-soignantes, DREES Méthodes n° 15, juin 2024.