Cadre de santé et maître de conférences en sciences infirmières à l’université de Rouen, Loïc Martin vient de faire paraître un ouvrage collectif sur le leadership en santé*. Il nous explique en quoi cette notion est, pour lui, l’une des clés de l’attractivité pour les soignants.
Loïc Martin : Il y a une différence entre le manager et le leader. Ce dernier influence le système, il est plutôt dans une logique du « nous » que du « je ». Il participe à la tâche, sans lien hiérarchique. Une aide-soignante peut très bien être leader, et c’est pour cela que, pour ce livre, j’ai fait appel à 27 profils vraiment différents. J’ai voulu donner la parole à des personnes que j’estime être des leaders en santé, et leur demander d’expliquer ce qu’était pour eux le leadership.
L. M. : J’ai identifié quatre grands attributs du leadership. C’est une catégorisation un peu scientifique : il y a la dimension interactionniste, personnaliste, situationnelle et temporo-développementale. Mais ce qu’il faut retenir, à mon sens, c’est que le leader est reconnu par le regard des autres : on ne se décrète pas leader, ce sont les autres qui estiment que vous l’êtes.
L. M. : Oui, c’est une relation d’influence. Cela rejoint presque l’idée de mentorat, dans laquelle on va choisir la personne que l’on estime pouvoir nous accompagner au mieux professionnellement.
L. M. : C’est toute la question de ce qu’on appelle « les environnements capacitants », c’est-à-dire les environnements qui facilitent l’émergence de leaders. Si la structure ne permet pas une sorte de « pouvoir d’agir », une personne qui a le potentiel d’être un leader ne pourra pas le devenir, et dans certains cas, elle pourra même quitter l’organisation pour trouver ailleurs des marges de manœuvre. C’est quelque chose qui devrait questionner le management hospitalier actuel, qui est encore assez vertical.
L. M. : Il me semble que oui. Tout dépend de la façon dont le leader va être considéré par l’établissement : est-ce qu’on le voit comme un poil à gratter, ou plutôt comme quelqu’un qui va faire grandir l’organisation, améliorer la qualité des soins… Un leader, ce n’est pas un free-lance qui part dans tous les sens pour mettre le bazar, c’est au contraire quelqu’un qui peut appréhender la dimension institutionnelle des choses. Donc oui, à l’heure où l’on réfléchit sur les talents, il faudrait aller au-delà de l’affichage : la question est de savoir comment on attire les talents, mais aussi comment on les conserve en leur « donnant à manger », en quelque sorte.
L. M. : Il me semble qu’avec l’émergence des sciences infirmières et la création de la section du CNU [Conseil national des universités, NDLR], il y a un engagement plus grand, et c’est un sujet qui sera davantage présent avec la réingénierie de la profession. On voit par ailleurs émerger progressivement des leaders infirmiers. Certains d’entre eux ont contribué au livre, et je pense que c’est le signe que de plus en plus de personnes s’autorisent à prendre la parole.
L. M. : Je pense qu’en formation, on peut réfléchir aux éléments qui peuvent constituer le leadership : ce sont des compétences qui se vivent in situ, mais que l’on peut questionner, et j’essaie souvent de le faire avec mes étudiants. En revanche, je ne pense pas qu’on puisse en délivrer un enseignement théorique.
* Loïc Martin (dir.), Engagement et leadership en santé - Points de vue d’acteurs inspirants. Elsevier Masson, 2024
Utiliser les notions de leadership et d’engagement - lieux communs des discours managériaux sur la santé - pour véritablement changer les choses dans les établissements : telle est l’ambition de Loïc Martin avec Engagement et leadership en santé - Points de vue d’acteurs inspirants, le livre qu’il a fait paraître chez Elsevier Masson au printemps et pour lequel il a fait appel à 27 contributeurs (cadres, directeurs, chercheurs…). Pari tenu ? Au lecteur d’en juger.