Les pansements sont une composante essentielle de la prise en charge des plaies, qu’elles soient aiguës ou chroniques. Face à une offre pléthorique, un marché en perpétuelle évolution et une réglementation toujours plus contraignante, comment faire le bon choix ?
Jérôme Kern, infirmier libéral à Mandelieu (06), titulaire d’un DU plaies et cicatrisations et formateur, nous guide à travers les arcanes du pansement : « Pendant longtemps, le choix du pansement était guidé par la liste des produits et prestations (LPP) qui consigne notamment l’ensemble des dispositifs médicaux, relate l’infirmier. Mais ces dernières années, on raisonne plutôt de façon clinique, en analysant à quel type de plaie on a affaire. » Aussi, convient-il de se poser les questions suivantes :
- Aiguë, c’est une plaie qui résulte d’un événement traumatique ou chirurgical : typiquement, les cas de brûlure, morsure, dermabrasion, gelure, greffe, plaie chirurgicale. Elle progresse généralement à travers le processus classique de cicatrisation, de l’inflammation jusqu’au remodelage.
- Chronique, c’est une plaie dont le temps de cicatrisation est allongé, au-delà de quatre à six semaines : elle concerne les ulcères de jambe, les escarres, les plaies du diabétique et les moignons d’amputation. Généralement, la présence d’une pathologie associée freine la cicatrisation et rend la plaie chronique : c’est le cas du diabète dans le pied diabétique ou de l’insuffisance veineuse dans le cas de l’ulcère. Des facteurs externes peuvent également impacter défavorablement le processus de cicatrisation, comme l’immobilité prolongée et l’altération de l’état général dans le cas des escarres.
- Phase détersive et inflammatoire : après la vasodilatation et le saignement initial, la constriction des vaisseaux stoppe le saignement et un caillot se forme à la suite de l’afflux de plaquettes. Les neutrophiles et macrophages envahissent la plaie pour la nettoyer et produire un exsudat qui va permettre l’élimination des tissus morts, des bactéries ou autres éléments pathogènes étrangers. Il en résulte une inflammation locale avec érythème, œdème, douleur et augmentation de température.
- Phase de bourgeonnement : stimulés par les macrophages, les fibroblastes entrent en jeu et produisent une grande quantité de collagène et d’élastine, lesquels vont contribuer à reconstituer de nouveaux tissus. De nouveaux vaisseaux sanguins se forment pour apporter les nutriments et l’oxygène nécessaires à la régénération.
- Phase d’épithélialisation : les fibres de collagène se remodèlent, la plaie se rétracte et les cellules épidermiques migrent vers la surface pour produire un nouvel épithélium.
- Phase de remodelage ou maturation : c’est la phase où se construit la cicatrice. Le collagène se réorganise et se renforce afin de redonner résistance et flexibilité à la peau.
La durée de chacune de ces phases peut varier en fonction de la taille et de la profondeur de la plaie, mais aussi de l’âge et de la santé de la personne ou si elle fume.
Rougeur, chaleur, douleur et écoulement purulent sont autant de signes d’infection à surveiller.
L’exsudation correspond généralement aux premiers stades de la cicatrisation, lorsque la plaie est en phase de détersion : c’est dans cet exsudat que sont éliminés les tissus morts et les bactéries, mais aussi de l’eau, des protéines, des enzymes et des facteurs de croissance. Cet exsudat se tarit progressivement en phase de bourgeonnement et d’épidermisation. À noter que cet exsudat participe à la cicatrisation active de la plaie, en la maintenant en milieu humide et en éliminant les tissus morts ; il peut être problématique lorsqu’il retarde la cicatrisation par sa composition ou sa quantité. Son équilibre est donc la clé d’une bonne cicatrisation.
- Écosystème de la plaie important à respecter : pas d’excès d’antiseptique qui retarde la cicatrisation, pas de Dakin qui inhibe la microcirculation et pas d’éosine qui conduit au dessèchement de la plaie. Le nettoyage à l’eau et au savon est à retenir, rinçage au sérum physiologique.
- Étiologie de la plaie à respecter : mise en décharge pour l’escarre ou le pied diabétique, compression pour l’ulcère veineux.
Une fois ces critères analysés, on peut passer au choix du pansement, selon les particularités de la plaie.
- Cas typiques : les plaies chroniques en phase de détersion, ulcères, escarres, plaies diabétiques et moignons d’amputation.
- Objectif : hydrater la plaie, pour faciliter la phase de détersion (qui se fera manuellement).
- Fonctionnement : le pansement maintient la plaie dans un environnement humide grâce à l’eau qu’il contient, hydrate la plaie et la zone nécrotique pour faciliter l’élimination des tissus fibrineux et/ou nécrotiques.
- Plusieurs types :
- le gel à appliquer sur la plaie et à recouvrir d’un pansement secondaire non absorbant afin d’éviter le passage de l’eau dans le pansement plutôt que dans la plaie (Duoderm Hydrogel Convatec, Hydrosorb gel Hartmann ou Hydrogel Urgo) ;
- le pansement hydrogel en plaque (HydroTac Transparent Hartmann, Suprasorb Lohmann et Rauscher) ;
- la compresse imprégnée (Intrasite Comfortable Smith & Nephew, Sorbact gel dressing Inresa) ;
- l’irrigo-absorbant : en plus de son action hydratante, le pansement possède une couche absorbante (HydroClean Hartmann). Il capte et piège les bactéries, levures et protéines inhibitrices de la cicatrisation. Effet rafraîchissant qui peut apaiser la douleur et l’inconfort de la plaie.
- Contre-indications : artériopathie oblitérante des membres inférieurs, plaies très exsudatives et allergie aux composants.
- Prescription par l’infirmière possible.
- Renouvellement : tous les deux à trois jours, selon la plaie.
- Cas typiques : plaie traumatique ou postopératoire, moignon d’amputation, escarre cavitaire, kyste sacro-coccygien. Plaies hémorragiques.
- Objectif : drainer, absorber l’exsudat formé.
- Fonctionnement : ils absorbent les exsudats grâce à des propriétés absorbantes et une grande capacité de rétention. Ils sont préconisés dès que la fréquence de renouvellement des pansements absorbants classiques est supérieure à deux fois par jour.
- Plusieurs types :
- les alginates (associés ou non à la carboxyméthyl cellulose) : utilisent les propriétés des algues, se gélifient au contact des exsudats (Tegaderm Alginate, Algostéril, Algisite M, Kaltostat, Biatain Alginate, Melgisorb Plus, UrgoSorb). Existe en format compresses ou mèches ;
- Les hydrofibres : carboxyméthyl cellulose, polyacrylate, fibres d’alcool polyvinylique (PVA). Haut pouvoir d’absorption et effet « gel blocking ». (Aquacel Extra, Aquacel mèche, Kerracel, Biatain Fiber, UrgoClean en compresse & mèche, UrgoClean, Exufiber) ;
- Pansements hydrocellulaires superabsorbants, composés d’une couche centrale hydrophile contenant des polymères superabsorbants (DryMax, Mextra Superabsorbant, ConvaMax, Vliwasorb, KerraMax Care).
- Contre-indications : allergie aux composants.
- Prescription par l’infirmière possible.
- Renouvellement : le plus souvent tous les deux à trois jours mais cela peut aller jusqu’à trois semaines (certaines plaies aiguës du pied hallux valgus) - à évaluer en fonction de la saturation du pansement en exsudat.
- Cas typiques : plaie mal nettoyée, morsure, mais aussi escarres ou ulcères, certaines plaies cancéreuses. Peut se caractériser par une douleur, accompagnée d’une sensation de chaleur, d’une tuméfaction, d’une rougeur ou d’un écoulement purulent.
- Objectif : drainer les bactéries de la plaie et les détruire, limiter la prolifération bactérienne.
- Fonctionnement : certains pansements captent les bactéries pour les évacuer.
- Plusieurs types :
- pansements argent : ils contiennent des ions Argent (Ag+) qui interagissent avec la paroi bactérienne pour la détruire. Agissent sur plusieurs types de bactéries (Allevyn Ag, UrgoCell Ag, Mepilex Ag, Biatain Ag, InterDry) ;
- alginates : captent les bactéries dans leur trame (Algostéril) ;
- DACC (imprégné de dialkyl carbamoyle) : la trame du pansement fixe les bactéries comme un aimant. Fonctionne avec certaines bactéries (dont le SARM). Repose sur le principe que les organismes hydrophobes (qui repoussent l’eau) vont s’agréger en milieu humide (Sorbact) ;
- pansements à base de charbon, effet asséchant (Actisorb, Carboflex) ;
- pansements au miel (éviter le miel alimentaire, à cause du botulisme). Le miel présente de nombreuses propriétés antiseptiques (Medihoney, Melectis).
- Prescription par l’infirmière possible, sauf pour les pansements argent. Ceux au miel ne sont pas remboursés.
- Renouvellement : pour les pansements argent ou charbon, l’effet bactéricide se prolonge jusqu’à sept jours. Pour les DACC, changement au moins deux fois par semaine. Pour les alginates et pansement au miel, variable selon l’exsudat.
- Cas typiques : plaies chroniques sans distinction de phase, escarre, protection de la peau.
- Objectif : favoriser la cicatrisation en milieu humide et protéger la plaie.
- Fonctionnement : lors du contact avec la peau, les composants du pansement forment un gel qui maintient la plaie en milieu humide.
- Un polymère de carboxyméthyl cellulose posé sur un film polyuréthane.
- Adhèrent à la peau saine, mais pas à la plaie. Peuvent servir de pansements secondaires, notamment avec les hydrogels ou dans le cas des traitements à pression négative ou en larvothérapie.
- Formes anatomiques (Algoplaque, Comfeel Plus, Hydrocoll, DuoDerm).
- Inconvénients : malodorants et capacité d’absorption pas optimale. Peuvent avoir tendance à être occlusifs (problème avec les plaies distales des patients artéritiques).
- Prescription par l’infirmière possible.
- Renouvellement : à saturation, généralement tous les trois à quatre jours.
- Une couche externe perméable aux gaz et imperméable à l’eau et aux bactéries, une compresse de polyacrylate superabsorbante, une couche de diffusion non tissée, une couche hydrophile de polymères absorbants et une interface qui n’adhère pas à la plaie.
De capacité absorbante variable :
- les superabsorbants (vus ci-dessus dans les plaies exsudatives) ;
- les très absorbants (dits à absorption importante) pour les plaies aiguës sans distinction de phase, ou les plaies chroniques bourgeonnantes dans des endroits difficiles à panser (sacrum et articulations) ;
- les moyennement absorbants : plaies aiguës ou chroniques dès la phase de bourgeonnement ; prévention des escarres.
- Interface silicone qui ne colle pas à la plaie (Allevyn Life, Allevyn Gentle, Aquacel, Biatain Silicone, Mepilex, Tegaderm Silicone Foam Border), interface hydrogel (HydroTac), interface hydrofibres (Aquacel Foam) ou interface TLC (UrgoTul).
- Formes anatomiques (sacrum, talon, etc.), formes minces (sous dénomination « Lite »).
- Prescription par l’infirmière possible.
- Renouvellement : tous les trois à cinq jours.
- Pansements qui visent à relancer la cicatrisation.
- Des nano-oligosaccharides sont piégés dans une matrice sur un support absorbant : au contact des protéases (délétères pour la cicatrisation), ils forment un gel qui les neutralise et rétablit la voie de la cicatrisation (UrgoStart, UrgoStart Plus et UrgoStart Plus Absorb).
- Indiqué dans les cas d’ulcères veineux, d’ulcère de pied diabétique ou d’escarre.
- Prescription par l’infirmière possible.
- Renouvellement : tous les deux à quatre jours.
- Pansements de type tulles enduits de vaseline/interfaces vaseline, triglycérides ou à enduction lipido-colloïde.
- Indiqués dans les maladies bulleuses, les brûlures, les tumeurs basocellulaires, mélanome - pour les peaux fragilisées.
- Pansements vaselinés (Cuticell, Grassolind, Jelonet) et interfaces (Adaptic, Atrauman, Mepitel, Dressilk).
- Prescription par l’infirmière possible.
- Renouvellement : tous les deux à trois jours.
- Ils favorisent le bourgeonnement et la maturation cellulaire à la surface de la peau. Boostent la cicatrisation.
- Indiqués dans le cas des ulcères (Ialuset, crème Effidia) mais également traitement des brûlures du second degré superficiel et profond (Ialuset Plus, compresses et crème).
- Prescription par l’infirmière possible sauf pour le Ialuset Plus qui n’est plus remboursé.
- Renouvellement : une fois par jour, jusqu’à cicatrisation.
- Le TPN est utilisé en première intention dans la prise en charge des plaies chirurgicales à haut risque de complication ou en deuxième intention dans le cas des plaies chroniques difficiles à guérir. Il permet de stimuler et accélérer la cicatrisation en plaçant la surface des plaies sous une pression inférieure à la pression atmosphérique ambiante.
- En pratique, la plaie est scellée de façon étanche sous un pansement hydrocellulaire ou un film transparent et est reliée à une source de dépression qui va créer, localement, une pression négative. Les exsudats de la plaie sont drainés puis évacués dans la tubulure ou absorbés dans le pansement. C’est cette pression négative qui va induire la cicatrisation.
- Auparavant réservé à l’hôpital, le TPN est accessible en ville depuis le 14 février 2023, avec le système Pico 7, sur prescription hospitalière de départ, 30 jours, renouvelable une fois.