L'infirmière n° 049 du 01/10/2024

 

ACTUALITÉS

IATROGÉNIE MÉDICAMENTEUSE

Myriem Lahidely  

Des hospitaliers et des libéraux se sont rencontrés, avant l’été, au CHU de Nîmes, lors d’une soirée « Pharmacie » destinée à renforcer le lien ville-hôpital pour lutter contre la iatrogénie médicamenteuse. Ce CHU a créé, à ce titre, un centre d’évaluation et de prévention du risque iatrogène médicamenteux unique, qui a lancé un programme pour mobiliser le réseau de soins primaires.

Mauvaise utilisation, erreur médicamenteuse, effets indésirables, polymédication, automédication, interactions… « Les soins primaires jouent un rôle capital dans la détection du risque iatrogène médicamenteux », indique Hélène Richard, docteure en pharmacie clinique au CHU de Nîmes. « Les médecins traitants, les officinaux et les infirmières libérales (Idel) doivent s’emparer de cette problématique. » Pour repérer et faire de la prévention. D’où l’organisation d’un colloque centré sur la coordination contre la iatrogénie médicamenteuse. L’ensemble des acteurs - dont les pharmaciens de ville conviés par leur union régionale des professionnels de santé (URPS) - se sont rencontrés pour une session d’information et de sensibilisation. L’objectif : faire évoluer les mentalités et renforcer le lien entre ville et hôpital. « L’enjeu principal consiste à identifier les patients à risque le plus tôt possible afin d’optimiser leur prise en charge. » Avec son centre d’évaluation et de prévention du risque iatrogène médicamenteux (Ceprim), ouvert fin 2020, le CHU de Nîmes propose déjà des consultations de prévention primaire auprès de personnes à risque potentiel de iatrogénie médicamenteuse. 400 à 500 patients viennent chaque année, en hôpital de jour, s’entretenir avec une pharmacienne clinicienne et un médecin. Une psychologue peut aussi intervenir sur les représentations de la maladie ou des traitements, et une assistante sociale sur des problèmes d’accès au soin ou d’isolement social.

Indispensable coopération ville-hôpital

Pour optimiser sa démarche, le Ceprim s’efforce de multiplier les liens et d’établir des ponts avec le réseau de soins primaires. En sollicitant la vigilance du pharmacien de ville, référent du patient dès le comptoir, sur le risque iatrogénique. « Des petits outils leur permettent de repérer rapidement des risques basiques sur des profils ou des molécules types », indique le docteur Richard. Les pharmaciens peuvent eux-mêmes réaliser, à l’officine, un bilan partagé de médication, ou adresser leurs patients au Ceprim. « Mobiliser les confrères pour lutter contre la iatrogénie reste compliqué », reconnaît Valérie Garnier, présidente de l’URPS pharmaciens d’Occitanie. « C’est chronophage. » Un avenant a été signé avec l’Assurance maladie en juin. « Le code Acte obtenu pour les bilans partagés de médication devrait faciliter la coopération ville-hôpital pour des patients au parcours complexe », ajoute la présidente. Reste à mener un important travail d’acculturation sur un sujet majeur.

La même recherche de coopération s’adresse aux Idel. Et des contacts ont été pris dans le cadre de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Les relations privilégiées, au quotidien, entretenues avec les patients, à leur domicile, font des Idel des acteurs de premier plan de ce dispositif. « L’Idel est une source précieuse, elle constate si l’état de santé général du patient se dégrade, s’il prend ou pas ses médicaments », indique Hélène Richard. Détection nécessite, ici aussi, coordination et acculturation. « Les Idel peuvent repérer des dysfonctionnements, mais ne font pas automatiquement le lien avec le médicament ou, si elles le font, ne savent pas toujours quoi en faire. »

Sécurisant

Le projet, très innovant, du Ceprim est venu compléter le dispositif de pharmacie clinique et médicosoignant en place depuis dix ans au CHU de Nîmes. Lors d’une hospitalisation complète, l’évaluation globale du patient - à la fois clinique et pharmaceutique - va permettre de repérer, corriger ou limiter les risques potentiels ou avérés. Le dispositif de pharmacie clinique très étoffé bénéficie d’interlocuteurs privilégiés avec les infirmières diplômées d’État (IDE). Marie-Laure Palat, infirmière en pratique avancée (IPA) en neurologie, est autorisée, de ce fait, à modifier des posologies ou renouveler des ordonnances. « C’est une responsabilité », précise l’IPA qui sollicite régulièrement le Ceprim pour se renseigner, par exemple, sur des intolérances aux traitements de patients qu’elle reçoit en éducation thérapeutique du patient (ETP) post-AVC, lever un doute sur un effet secondaire…

« Les dispositifs de conciliations médicamenteuses permettent d’intercepter 75 % des événements indésirables avec un impact », affirme le docteur Richard. Les risques liés à la prise de médicaments provoquent, eux, 10 000 décès par an (source Eneis).