L'infirmière n° 049 du 01/10/2024

 

ACTUALITÉS

MALADIE D’ALZHEIMER

Myriem Lahidely  

Psychiatre et gériatre, le docteur de Ladoucette et le professeur Bruno Dubois, ancien chef de service de neurologie à la Pitié-Salpêtrière, ont créé, en 2004, la fondation Recherche Alzheimer. Leur constat ? La prévention active permet d’éviter cette maladie ou d’en différer l’apparition. Ils nous livrent ici leurs recommandations.

Plus d’un million de personnes sont touchées par la maladie d’Alzheimer en France, 1,25 million si l’on tient compte des formes apparentées, et ce nombre va croissant. Or, selon le titre votre livre, Alzheimer ne serait pas une fatalité ?

Bruno Dubois : Nous avons choisi un titre accrocheur pour marquer les esprits et tenter de contrer l’idée selon laquelle nous n’avons aucune prise sur la maladie d’Alzheimer, qu’elle est inévitable et son origine méconnue. Dans l’avancée de cette pathologie du cerveau, qui ne touche directement aucun autre organe, on sait qu’il y a une phase préclinique, asymptomatique, qui dure de nombreuses années. Lorsque le cerveau ne peut plus se réparer car il a subi trop de lésions, on passe à une phase dite prodromale, où apparaissent les premiers symptômes. Puis vient le stade démentiel où l’on est clairement dans une pathologie neuroévolutive. On sait qu’Alzheimer est une maladie plurifactorielle, mais tous les facteurs n’ont pas été identifiés et l’on ne sait pas comment ils s’agencent entre eux. On relève aussi des causes génétiques, pas directement impliquées, mais qui y prédisposent lorsque d’autres éléments y sont associés. Pour rappel, l’incidence de cette maladie augmente en même temps que l’âge, puisque nous sommes plus nombreux à atteindre le cap des 85 ou 90 ans.

Peut-on réellement empêcher la maladie ?

B. D. : On ne sait pas exactement si l’on peut l’empêcher, mais nous sommes sûrs, à présent, que l’apparition de ses symptômes peut être retardée.

Le repérage précoce des personnes à risque est crucial. Au stade préclinique en effet, des facteurs protecteurs peuvent aider le cerveau à compenser la destruction des neurones. A contrario, tout ce qui entrave ce processus augmente la probabilité de son apparition. On peut agir ici de manière très significative. En parvenant à adopter et mettre bout à bout un maximum des comportements protecteurs abordés dans cet ouvrage, il est possible de réduire de 30 à 40 % le risque d’Alzheimer.

Quels sont ces facteurs protecteurs ?

B. D. : Quand on parle d’Alzheimer, la réserve cognitive et la réserve cérébrale - notre disque dur - sont deux notions importantes. La réserve cognitive nécessite d’entretenir le réseau neuronal, sa plasticité. Cela s’opère par un maintien en éveil du cerveau, sa stimulation par l’apprentissage d’une langue étrangère ou d’autres activités permettant de préserver le capital intellectuel. Sortir de la routine, de l’ennui, éviter l’isolement social jouent un rôle significatif. L’anxiété et la dépression ont, elles, une incidence néfaste. Il faut essayer de s’en prémunir, grâce, en premier lieu, à un sommeil réparateur, et en éliminant des privations sensorielles comme la surdité par exemple. En bref, ne pas attendre d’être sourd pour s’appareiller. Entretenir le disque dur se fait par une prévention des risques cardiovasculaires - hypertension, hypercholestérolémie -, liés au diabète, au tabagisme, à la sédentarité. Dans le cas d’Alzheimer, l’exercice physique, antistress et neuroprotecteur, est indispensable pour protéger le cerveau en général. L’alimentation constitue un autre levier d’action important. Il y a des aliments à éviter comme les plats trop riches en graisses saturées qui entraînent le surpoids, également facteur de risque. Nous sommes moins au fait des aliments protecteurs, mais il est beaucoup question de tout ce qui est riche en antioxydants : les fruits, les légumes, ou les oméga 3 indispensables au bon fonctionnement du cerveau. On les trouve dans les poissons, l’huile de colza, les fruits à coque. En bref, dans les régimes dits méditerranéens.

Une prévention « active »

L’ouvrage collectif explique comment 40 % des cas de démence, dont Alzheimer est la première cause, pourraient être évités par une prévention adaptée. Et comment agir sur les facteurs de risque « modifiables » comme le sommeil, le stress, l’obésité, les risques cardiovasculaires… Il livre des recommandations pour préserver le capital « cerveau » - le sport, la stimulation intellectuelle, l’alimentation…

Les auteurs annoncent aussi le développement en cours de médicaments nettoyeurs de lésions. En cures précoces, associés à d’autres attitudes préventives, ils pourraient bientôt aider à enrayer Alzheimer.

Alzheimer n’est pas une fatalité, Éditions Harper Collins, 224 p., 19,90 €.