L'infirmière n° 050 du 01/11/2024

 

EHPAD

JURIDIQUE

QUESTIONS-RÉPONSES

Jean-Charles Scotti  

avocat au barreau de Marseille

En accord avec la famille, le personnel soignant a décidé de mettre en place une contention ponctuelle à un patient souffrant de troubles cognitifs aigus. Sa situation mentale et l’accord familial suffisent-ils pour adopter cette mesure ?

Ici, le patient n’est protégé ni par une mesure de tutelle ni par une habilitation familiale. Cette question est fréquente dans un environnement où la famille est la principale interlocutrice et où la présence médicale fait cruellement défaut. Pour mémoire, la liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale consacrée par les conventions internationales et par le bloc de constitutionnalité. Dès lors, celle-ci ne pourrait être entravée qu’en cas de stricte nécessité et de manière adaptée et proportionnée. En France, les mesures de contention ne sont autorisées que dans le domaine de la psychiatrie et dans le cadre du régime institué par l’article L3222-5-1 du CSP.

Par décision du 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel déclarait le dispositif de l’isolement et de la contention en psychiatrie contraire à la Constitution dès lors que ces mesures constituent une privation de liberté et l’intervention du juge judiciaire.

Dans ses recommandations de bonnes pratiques publiées en 2017, la Haute Autorité de santé estimait que la contention ne pouvait être indiquée que de manière exceptionnelle, en dernier recours, afin de prévenir une violence imminente du patient. Cette « violence » doit être non maîtrisable, sous-tendue par des troubles mentaux, et provoquer un risque grave pour l’intégrité du patient ou celle d’autrui. Aussi peut-il être déduit que toute mesure de contention qui interviendrait en dehors du secteur psychiatrique et d’un régime juridique garantissant la nécessité, l’adaptation et la proportionnalité de la mesure et hors de toute intervention du juge judiciaire, serait contraire à la Constitution. Or, en l’espèce, aucun texte ne permet de recourir à la contention dans le secteur médico-social. Si on voulait extrapoler le droit applicable en psychiatrie à l’Ehpad et si une contention s’avérait indispensable, celle-ci ne pourrait être mise en place que sur prescription médicale justifiée par un motif psychiatrique sachant que la famille n’a pas qualité pour valider ou pas une telle mesure.

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