L'infirmière n° 050 du 01/11/2024

 

DOSSIER

PRATIQUE INNOVANTE

Au centre de détention d’Argentan, dans l’Orne, des soignants s’efforcent d’offrir des soins de relaxation partenariale aux détenus. Une méthode innovante qu’il n’est pas aisé de mettre en œuvre, mais qui obtient, selon eux, des résultats intéressants.

En langage juridique, “relaxer” est synonyme de “remettre en liberté”. » C’est ce que notaient, non sans humour, Yvan Hacherez et Marie Tricot dans leur article de la revue Santé mentale présentant, en novembre 2023, leur expérience de relaxation partenariale au centre de détention d’Argentan*. Le premier est référent en pratiques corporelles au centre de traitement de l’anxiété (CTA) du centre psychothérapique de l’Orne (CPO), la seconde est infirmière au centre de détention d’Argentan et travaille sur des missions de centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP). Tous deux ont lancé ce projet en 2022 pour proposer aux détenus des séances de cette méthode particulière, avec pour objectif de « diminuer les manifestations anxieuses et la consommation de psychotropes », écrivent-ils dans leur article. « La relaxation partenariale s’articule autour de deux grands axes, décrit Yvan Hacherez. Elle part de ce que veut travailler la personne et non d’une méthode prédéfinie, et repose sur un accompagnement actif de notre part afin de l’aider à réaliser ce changement. » Parmi les demandes des détenus, beaucoup reviennent en boucle, constate Marie Tricot : « Tenir le coup », « arriver à gérer le quotidien », « parvenir à ne pas s’énerver », « s’apaiser »… Concrètement, les séances ont lieu une demi-journée par semaine dans la salle d’activités du CATTP, située au sein du « quartier socio » du centre de détention. « On déplace les tables, on met des tapis de Pilates dessus, on calfeutre les fenêtres… C’est un peu du système D, mais les détenus sont habitués, cela ne les choque pas », sourit Marie Tricot.

Une expérience encourageante

Les détenus sont adressés par les professionnels de santé de l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP) quand ils repèrent, chez un patient, une problématique pouvant être l’une des indications pour la relaxation, et les séances se déroulent par cycles de plusieurs séances. Bien sûr, l’expérience est encore trop récente pour présenter des résultats chiffrés, mais les deux professionnels estiment qu’elle est d’ores et déjà encourageante. « Un patient nous expliquait qu’en détention, généralement, on porte un masque, et que la relaxation lui permettait de faire tomber ce masque », raconte Yvan Hacherez. Reste que si des améliorations sont obtenues, l’organisation est perfectible. « Nous avons des créneaux courts, car nous sommes à 40 kilomètres de l’hôpital et Yvan n’est disponible qu’une après-midi par semaine, explique Marie Tricot. Par ailleurs, l’équipe du centre de détention est très facilitante, mais les locaux restent peu adaptés, notamment en raison du bruit. » Ce qui n’empêche pas les deux soignants d’envisager la suite. « On voudrait conduire une étude, même si cela suppose beaucoup d’investissement », annonce Yvan Hacherez. Affaire à suivre, donc !

* Yvan Hacherez, Marie Tricot, Un atelier de relaxation en détention, in Santé Mentale n° 282, novembre 2023

La relaxation partenariale, mode d’emploi

La relaxation partenariale résulte d’un partenariat entre le patient qui est le « décideur » et le professionnel qui « l’accompagne ». Avant l’accompagnement :

- La demande doit être formulée par le patient, puis acceptée par le professionnel, qui déterminera l’axe du travail thérapeutique.

- Sur prescription médicale ou après une demande d’orientation par un psychologue, un premier entretien d’accueil est organisé.

- Les canaux sensoriels du patient, ses réceptivités, son histoire, ses aspirations, ses difficultés sont identifiés par le professionnel.

- Une synthèse des approches de la relaxation en adéquation avec les notions de sécurité et de liberté est communiquée au patient.

Pendant les séances :

- Le temps de pratique de la relaxation (debout, assis ou couché) est précédé et prolongé de verbalisation et/ou d’expression graphique.

- Des bilans ont lieu toutes les cinq séances avec autoévaluations.

- Un livret est utilisé par chaque personne accompagnée.

- Un travail sur les représentations aboutit à l’élaboration d’un « chemin de rétablissement ». Cette étape clôt l’accompagnement.

Yvan Hacherez