Depuis la mise en place de la déclaration obligatoire des événements indésirables graves associés aux soins (EIGS), leur nombre ne cesse d’augmenter. Étonnamment, c’est un signe positif pour la culture de sécurité des soins. Explications.
En 2023, selon le dernier rapport de la Haute Autorité de santé (HAS), 4 083 événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) ont été déclarés par les professionnels de santé. Ce chiffre, qui a augmenté de 71 % depuis l’an dernier « ne signifie pas que le nombre d’EIGS augmente en France, tempère la HAS. Il s’agit très vraisemblablement d’une meilleure connaissance du dispositif de déclarations des EIGS et d’une culture de sécurité des professionnels en progression ». Depuis sa mise en place en 2017, le système de déclaration concerne tous les professionnels de santé, quel que soit le lieu d’exercice - ville, hôpital ou établissement médico-social. Ce sont les agences régionales de santé (ARS) qui reçoivent les déclarations et qui sont chargées de les transmettre à la HAS, si elles estiment qu’elles correspondent à la définition d’un EIGS qui est la suivante : « Un EIGS est un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent, y compris une anomalie ou une malformation congénitale. » Toutes périodes confondues, les EIGS les plus nombreux sont ceux liés aux soins ou à leur organisation (31 % des cas en 2023) puis viennent les actions contre le patient lui-même (23,4 %), les erreurs liées à une procédure interventionnelle (opération, anesthésie, 12,5 % des déclarations) ou les erreurs de iatrogénie (10,5 % des cas).
Pour les EIGS survenus dans les services d’urgences, 68 % ont conduit au décès du patient et selon les déclarants, 63 % d’entre eux auraient pu être évités : « L’analyse réalisée permet de constater que, malgré les risques connus et les recommandations existantes, les mêmes dysfonctionnements perdurent », déplore la HAS. Elle formule huit préconisations, afin de mettre en lumière les risques sur lesquels une vigilance est requise. Il s’agit par exemple de mieux former les professionnels aux spécificités des urgences avec des compétences techniques et non techniques, mais aussi sur le travail en équipe. La HAS insiste par ailleurs sur la nécessité de renforcer le partage des informations indispensables à la bonne prise en charge du patient et d’accentuer la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse ainsi qu’à l’occasion de l’utilisation de dispositifs médicaux (DM) : plus de 50 % des EIGS déclarés sont en effet liés à une utilisation inadaptée d’un DM. Enfin, elle préconise davantage de sensibilisation aux risques d’erreurs diagnostiques. Cette année, la HAS a souhaité faire un focus sur l’hospitalisation à domicile (HAD), peut-être moins familiarisée avec la culture de l’erreur : entre mars 2017 et le 9 novembre 2022, 79 déclarations d’EIGS ont été faites en lien avec la HAD, le plus souvent pour des erreurs médicamenteuses en rapport avec une erreur de programmation des dispositifs d’administration des médicaments ou des méprises liées à l’organisation des soins (retard de prise en charge, erreur de patient, prise en charge inadaptée). La HAS explique que bien souvent, les défauts de coordination ville-hôpital-HAD sont impliqués dans les EIGS : elle rappelle donc la coordination essentielle des différents professionnels du parcours de soins du patient afin d’éviter ces dérèglements. Sur l’ensemble des EIGS déclarés en 2023, un peu moins d’un EIGS sur deux a été jugé évitable par les déclarants, conclut la HAS. Une marge de progrès est donc largement possible.