PRÉVENIR LA MALADIE ET SENSIBILISER AUX RISQUES PROFESSIONNELS
PORTRAIT DU MOIS
SANDRINE FAUVET
Infirmière en « réa » pendant des années et passionnée par la technicité, Sandrine Fauvet a effectué un virage professionnel en devenant infirmière de santé au travail en 2018. Un changement dont elle se félicite tant son quotidien varié, axé sur la prévention, lui permet de transmettre son expertise.
Sandrine Fauvet : En effet, j’ai commencé par des études de droit mais j’ai toujours eu la fibre sanitaire. Et ma maman était infirmière. Ce n’est donc pas un métier qui m’était inconnu. Je me suis investie très tôt dans le secteur associatif en tant qu’animatrice puis professeure des écoles. J’ai passé mon brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) et mon brevet d’aptitude aux fonctions de directeur (BAFD). En 1999, j’ai quitté la métropole pour la Guadeloupe, et quelques années plus tard, alors maman de trois enfants en bas âge, je suis entrée à l’institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Basse-Terre. J’ai trouvé cette formation fabuleuse, car elle alterne entre théorie et pratique. J’ai réalisé mon stage pré-professionnel en dialyse avec un poste à la clé, c’était vraiment rassurant. Sortie major de ma promotion, j’ai participé à l’installation du nouveau service de dialyse en cours de création à Basse-Terre. Un véritable challenge où le patient était au cœur du projet.
S. F. : Oui, tout à fait. J’ai entrepris mes études d’infirmière pour travailler en réanimation. Je suis vraiment une technicienne. Quand je suis revenue en métropole, à Marseille, j’ai eu la chance d’intégrer le service de réanimation de l’hôpital privé Résidence du Parc qui avait douze boxes. Je faisais partie d’une petite équipe familiale très soudée où les échanges entre médecins et infirmiers étaient nombreux. Nous avons mis en place une organisation prévoyant une infirmière aux côtés du médecin et des familles. Ensuite - comme je m’ennuie assez vite et que j’ai un besoin constant d’apprendre -, j’ai tenté l’expérience d’infirmière libérale remplaçante à Marseille (3e arrondissement). Cela a été très formateur. J’ai entretenu de très bonnes relations avec mes patients mais la technique n’était pas au rendez-vous, je ne m’y retrouvais pas. C’est aussi un environnement où l’on travaille de manière très isolée…
S. F. : J’avais un rythme effréné « en réa » depuis des années, rythme qui fatigue énormément et laisse des marques, notamment du fait de la confrontation à la mort. Je me questionnais sur le métier et j’avais besoin de me poser. J’ai rencontré une infirmière de santé au travail qui adorait son métier. Avec le recul, j’estime que c’est le plus beau virage professionnel que je pouvais prendre. J’ai intégré le service de santé au travail de l’Association interprofessionnelle de santé et médecine du travail des Bouches-du-Rhône (AISMT 13) à Marseille. Lors de ma première année, j’ai suivi une formation (à raison d’une semaine par mois pendant un an) prodiguée par des spécialistes très pointus de cette question. J’ai découvert toutes les spécificités de l’exercice de l’IDEST : la réglementation, le suivi de l’état de santé des travailleurs, les actions en milieu de travail, les maladies professionnelles et la prévention de la désinsertion professionnelle (maintien dans l’emploi), les risques professionnels…
S. F. : Pour la première fois depuis 2010, en tant qu’infirmière, je me suis retrouvée tous les jours dans un bureau. C’était un changement radical ! Dans le service de santé au travail de l’AISMT 13, j’ai la chance d’œuvrer au sein d’une équipe pluriprofessionnelle et dans la multidisciplinarité. C’est tout l’intérêt et la force de cette mission. Je collabore avec des médecins, des psychologues, des assistants médicaux, des ingénieurs de prévention, des assistants de service social (ASS), des assistants techniques de santé au travail (ATST). Et puis je suis en contact avec Cap emploi, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets)… Au départ, j’évoluais en binôme avec un médecin pour réaliser les visites sur sites des entreprises adhérentes de l’AISMT 13 et les visites de suivi des salariés (1). Le droit étant ma formation d’origine, tous les aspects liés à la réglementation et la législation m’ont passionnée. Mes journées sont très variées. Je réalise des visites d’information et de prévention, ainsi que des actions en milieu de travail (AMT). J’élabore des études de poste ou des fiches d’entreprise afin d’avoir une bonne visibilité de chaque site, des risques potentiels ou identifiés. En tant qu’infirmière, je peux aussi participer aux nombreux groupes de travail et aux fiches-actions qui existent au sein de la structure. J’ai notamment été très active lors de la mise en place, cet hiver, de la cellule vaccination autogérée par les infirmières.
S. F. : Je fonctionne en binôme avec la coordinatrice des infirmières, Laure Atlan, également IDEST. Nous dirigeons une équipe de 47 infirmières qui s’est étoffée avec le temps : elles n’étaient que 14 à mon arrivée en 2018. Elles ont l’obligation de pratiquer six vacations par semaine, une vacation correspondant à une demi-journée durant laquelle chacune voit sept salariés. Je m’occupe également de l’intégration des nouveaux infirmiers qui viennent du soin et découvrent un métier nouveau, les risques professionnels, le contact avec les employeurs. À ce titre, nous avons développé un parcours d’intégration avec un livret d’accueil car manier un ordinateur toute la journée, ce n’est pas la même chose que manipuler des seringues ou des sondes. Dès leur arrivée et durant leur première année de formation, ils sont suivis par un tuteur. Je travaille à présent quatre jours par semaine. Je réalise deux jours de vacations, et deux autres en tant que référente infirmière. Je suis l’interlocutrice des infirmières, je prépare les réunions avec les médecins du travail qui organisent eux-mêmes le fonctionnement de leur équipe pluridisciplinaire en santé au travail (EPST), qui comprend un IDEST, un ATST et un assistant médical. Je mène aussi les réunions trimestrielles métiers. Par ailleurs, je suis élue (suppléante) au comité médico-technique qui détermine la ligne de conduite du pôle médical de l’AISMT 13.
S. F. : Il faut savoir prioriser les actions et bien s’organiser. Il faut aimer travailler en équipe, avoir une grande capacité d’adaptation et faire preuve de beaucoup de bienveillance. Il est indispensable d’avoir forgé son expérience professionnelle dans d’autres services afin d’avoir développé une bonne expertise. Le médecin du travail est notre boussole et il faut savoir passer la main. À mon sens, c’est le même fonctionnement qu’à l’hôpital mais à transposer dans un environnement complètement différent. Le soin peut parfois me manquer mais désormais, je fais de la prévention, c’est un changement total de prisme à intégrer. À 52 ans, j’ai trouvé un nouveau souffle professionnel avec un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Et je ne m’ennuie jamais !
(1) https://tinyurl.com/4cdvzjnc.
Depuis le décret du 26 avril 2022, le médecin du travail peut déléguer, dans le cadre d’un protocole, des visites à l’infirmier de santé au travail (IST).
1992 faculté de droit à Paris, niveau maîtrise (Master 1)
1992-1998 professeure des écoles puis responsable de formation pour la formation professionnelle au sein de l’union française des centres de vacances (UFCV)
1999-juin 2007 coordinatrice de formations professionnelles en Guadeloupe
Septembre 2007-octobre 2010 Ifsi à Basse-Terre en Guadeloupe
Novembre 2010-août 2011 IDE au centre Dialyb, centre de dialyse de Basse-Terre
Septembre 2011-2016 IDE au service de réanimation de l’hôpital privé Résidence du Parc à Marseille 9e (désormais hôpital privé Clairval)
2016-2018 Idel remplaçante et infirmière de bloc opératoire à la clinique Juge à Marseille 8e
2018-2024 infirmière de santé au travail (IDEST) au sein du service de santé au travail des Bouches-du-Rhône à l’Association interprofessionnelle de santé et médecine du travail des Bouches-du-Rhône (AISMT 13)
Depuis janvier 2024 référente infirmière (47 professionnels) au sein de l’AISMT 13