UNIONS RÉGIONALES DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ : QUEL RÔLE DANS LES TERRITOIRES ?
EXERCICE LIBÉRAL
POLITIQUES TERRITORIALES
Depuis maintenant 15 ans, les professionnels de santé libéraux disposent, au sein de chaque région, d’une union régionale des professionnels de santé (URPS) spécifique à leur profession. Créées par la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) du 21 juillet 2009, elles ont des missions précises mentionnées dans un décret du 2 juin 2010. Concrètement, à quoi servent-elles ?
Les URPS ont vocation à rassembler, pour chacune des professions libérales de santé, leurs représentants exerçant à titre libéral sous le régime des conventions nationales avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam). Leur financement est assuré par une contribution acquittée obligatoirement par chaque infirmière libérale installée. Le prélèvement est directement effectué par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), limité à 0,1 % du revenu et plafonné à 35 euros annuels. Les URPS perçoivent ensuite une somme répartie entre les différentes régions françaises, au prorata du nombre d’infirmiers. Elles établissent annuellement un budget prévisionnel de leurs opérations de recettes et de dépenses.
Les membres des URPS sont élus pour une durée renouvelable de cinq ans par les professionnels de santé en activité, au scrutin de liste proportionnel à la plus forte moyenne. Tous les électeurs sont éligibles. Il n’est cependant pas possible de siéger aux URPS sans exercer une activité libérale dans le cadre du régime conventionnel. Les listes de candidats sont présentées par des organisations syndicales bénéficiant d’une ancienneté minimale de deux ans à compter du dépôt légal des statuts et présentes dans au moins la moitié des départements et régions. Aux dernières élections de 2021, des candidats de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), de Convergence infirmière et d’Infin’Idels étaient représentés. Des résultats aux élections URPS dépendent la représentativité des syndicats à l’échelle nationale et leur possibilité de participer aux négociations conventionnelles avec l’Assurance maladie.
Au sein des URPS, la conciliation entre les représentants des différents syndicats est « personne dépendante, confie Christophe Barcelo, président de l’URPS infirmiers Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans notre structure, nous avons une alliance qui peut être considérée par certains comme “contre-nature” car le vice-président est de Convergence Infirmière, le trésorier d’Infin’Idels et j’appartiens à la FNI. Nous avons décidé de mettre de côté nos étiquettes syndicales et de ne faire que de la politique régionale, car nous sommes élus pour cette raison. » « Les missions des URPS ne sont pas syndicales, complète Stéphanie Vilain, secrétaire de l’URPS infirmiers Pays de la Loire. Aucune conciliation ne devrait être à trouver même si dans certaines URPS, ceux qui “remportent” les élections laissent peu de place dans les bureaux. » L’assemblée générale de chaque URPS reste souveraine et vote les rapports moraux et financiers. « En Pays de la Loire, les projets portés sont asyndicaux et leurs pilotes sont choisis en fonction de leur appétence et parfois de leur département, et non en fonction de leur syndicat d’origine », ajoute-t-elle.
Les URPS remplissent des missions variées, à commencer par la participation à l’analyse des besoins de santé et de l’offre de soins sur le territoire, en vue de l’élaboration du projet régional de santé (PRS) composé d’un cadre d’orientation stratégique (COS), d’un schéma régional de santé (SRS) et d’un programme régional relatif à l’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (PRAPS). Cette participation des URPS au PRS se formalise de différentes manières. « Les élus URPS siègent à la conférence régionale de santé et de l’autonomie (CRSA), ainsi qu’au conseil territorial de santé (CTS), ils participent donc, dans ce cadre, à l’élaboration du projet de santé », indique Stéphanie Vilain. L’agence régionale de santé (ARS) peut également convier les différents acteurs du territoire à des réunions de concertation sur des thématiques identifiées. « De même que les URPS peuvent proposer des contributions sur des points précis ou plus généraux afin de partager leurs avis », rapporte Claire Guitton, coordinatrice de l’URPS infirmiers Pays de la Loire. L’avis de l’URPS reste cependant consultatif, l’ARS arbitrant le contenu du PRS, valable cinq ans.
Les URPS participent par ailleurs à l’organisation de l’exercice professionnel sur le territoire, concernant notamment la permanence et la continuité des soins, ainsi que les nouveaux modes d’exercice. Elles mènent des actions dans le domaine de la prévention, de la veille sanitaire, de la gestion des crises sanitaires, de la promotion de la santé et de l’éducation thérapeutique. Pendant la crise sanitaire par exemple, « les URPS, en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ont organisé les prises en charge des patients, les vaccinations ou encore les visites domiciliaires sanitaires d’infirmiers (VDSI) », rappelle Christophe Barcelo. De même qu’actuellement, l’URPS infirmiers Provence-Alpes-Côte d’Azur porte une expérimentation, menée avec le Centre d’innovation et d’usages en santé (CIUS), le conseil régional et l’ARS, sur l’utilisation d’appareils connectés, notamment des stéthoscopes, dans le cadre de téléconsultations assistées par des infirmières libérales à domicile. « L’objectif est de montrer la plus-value des outils connectés et du rôle infirmier face aux ruptures de parcours afin de rompre l’isolement médical des patients », explique-t-il.
Les URPS assurent également la mise en œuvre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) avec les réseaux de santé, les centres, les maisons et les pôles de santé, ou des contrats ayant pour objet d’améliorer la qualité et d’assurer une meilleure coordination des soins. « Nous sommes administrateurs de nombreux réseaux, notamment du Dispositif d’appui à la coordination (DAC), pour la gestion des patients complexes », fait savoir Christophe Barcelo. En Pays de la Loire, l’URPS infirmiers est à l’origine, avec l’URPS médecins, de la création des équipes de soins primaires coordonnées localement autour du patient (ESP-Clap), qui permettent aux professionnels de santé ne souhaitant pas s’engager dans la constitution d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), de découvrir l’exercice coordonné de manière moins contraignante.
Les URPS contribuent, par ailleurs, au déploiement et à l’utilisation des systèmes de communication et d’information partagés, ainsi qu’au développement professionnel continu. À titre d’exemple, l’URPS Pays de la Loire élabore un projet, avec ses partenaires, dont l’ARS, visant à faire reconnaître la fonction de tuteur de stage aux infirmières libérales. « Nous travaillons sur leur formation au tutorat et sur leur indemnisation, afin d’encourager l’accueil des étudiants en soins infirmiers pour qu’ils acquièrent une meilleure connaissance de l’exercice libéral et envisagent de s’y orienter », souligne Claire Guitton. L’URPS a déjà élaboré des supports (guide, livret d’accueil, charte d’encadrement), accessibles sur son site Internet.
« Avec tous les projets élaborés par les URPS, impliquant les infirmières libérales et les infirmières en pratique avancée libérales, nous voulons montrer aux décideurs les opportunités existantes et penser aux rôles qu’elles pourront remplir demain, notamment avec l’usage des nouvelles technologies et du numérique », soutient Christophe Barcelo. Les URPS, véritables incubateurs, créent des pistes de travail pour l’avenir.