Dans les coulisses de la Chambre disciplinaire nationale
CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE INFIRMIER
INFIRMIERS ASSESSEURS
Dominique Daniel Fassina et Hubert Fleury sont tous deux infirmiers, et ils ont choisi d’être assesseurs à la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des infirmiers. Ils partagent les dessous d’une activité aux confins du droit et de la santé.
Dominique Daniel Fassina : J’ai commencé par m’engager à l’Ordre au moment de sa création, car j’avais envie de faire partie de l’aventure. Puis j’ai vu le nombre de litiges monter, et j’ai souhaité m’intéresser à cette problématique particulière. L’outil était à construire, nous étions tous au même niveau de connaissances, nous apprenions ensemble, c’était grisant de s’engager dans cette voie.
Hubert Fleury : J’ai, de mon côté, commencé par être un usager de l’Ordre : j’étais en conflit avec un confrère, et c’est à cette occasion que je suis entré pour la première fois dans un conseil de l’Ordre. Et en tant qu’usager, j’ai trouvé que ce qu’il s’y passait avait du sens. Je me suis présenté aux élections ordinales suivantes, j’ai été élu, j’ai participé aux conciliations. Constatant que, souvent, celles-ci n’aboutissaient pas, j’ai en quelque sorte suivi les dossiers [voir encadré, NDLR] en devenant assesseur d’abord au niveau régional, puis à la Chambre nationale.
H. F. : J’ai d’abord été libéral : j’avais les dates en amont, et nous prévoyions le planning avec mes collègues en fonction. Je venais sur mes jours de repos, ou, si ce n’était pas possible, j’avais une remplaçante. J’ai maintenant une activité salariée, et j’arrive à m’absenter avec l’autorisation de mon employeur. Si ces absences représentent plus d’une journée par mois, je dois poser une journée.
D. D. F. : Je suis pour ma part infirmière en santé au travail, et j’ai pendant de nombreuses années dû poser des congés pour participer aux activités ordinales. J’ai changé de médecin du travail depuis quelque temps; c’est une personne beaucoup plus au fait de ces questions, et je peux désormais poser une journée par mois au titre de la journée ordinale.
D. D. F. : Comme pour toute activité bénévole, vous prenez sur votre temps libre !
H. F. : Les rapports en Chambre disciplinaire nationale prennent souvent beaucoup de temps, car il faut prendre connaissance de ce qu’il s’est passé jusqu’à la première audience, ainsi que de la décision elle-même… Certains dossiers ne prennent que quelques heures, d’autres, au contraire, sont beaucoup plus chronophages.
DDF : Que le droit est une matière que l’on devrait apprendre à l’école primaire ! [Rires]
H. F. : Et que le code de déontologie devrait être enseigné à l’institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) ! Beaucoup d’infirmières se retrouvent devant la Chambre disciplinaire par méconnaissance du code. Plus prosaïquement, j’ai appris une matière que je ne connaissais pas, car nous sommes infirmiers, et non pas juges ou avocats.
D. D. F. : Grâce à ce rôle d’assesseur, nous acquérons aussi des compétences rédactionnelles et de synthèse. Nous n’écrivons pas dans le langage très particulier des magistrats, pour ma part, je m’y refuse en partie, mais au fil des années, notre vocabulaire se précise.
D. D. F. : Désormais, ceux qui deviennent assesseurs ont eu accès à une formation. En ce qui nous concerne, on nous a livré quelques informations, et nous avons appris sur le tas.
H. F. : En revanche, nous avons des ressources : le greffe peut nous aider, et le magistrat qui préside la Chambre est très accessible, il répond volontiers à nos questions.
H. F. : Beaucoup de dossiers concernent la confraternité. Même quand on ne s’entend plus, même quand on se sépare, il y a des règles de bonnes pratiques à respecter entre confrères et consœurs et ce, dans l’intérêt du patient. Or, il arrive trop souvent que le patient soit instrumentalisé dans les conflits entre infirmiers, ce qui est fort dommageable.
D. D. F. : Nous sommes également amenés à nous pencher sur les règles liées à l’application des contrats. Il s’agit souvent d’infirmières libérales (Idel) qui se lancent dans leur activité sans avoir beaucoup de notions sur ce qu’est un contrat, ses implications, sa rédaction, la nécessité de le soumettre à l’Ordre…
H. F. : Je suis tout à fait d’accord avec ce point, mais rappelons toutefois que nous ne sommes pas juges du contrat. Nous sommes juges de l’obligation déontologique de respecter le contrat, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
H. F. : Les audiences sont publiques, et je pense qu’on peut commencer par aller voir ce qu’est une audience, en région ou en appel. C’est parfois un peu technique, mais c’est important, et je serais heureux qu’un Ifsi, par exemple, vienne voir ce qu’est la justice ordinale. Je pense par ailleurs qu’il est important d’aller lire les décisions qu’on rend, d’autant qu’elles sont facilement accessibles sur la plateforme de l’Ordre.
D. D. F. : On peut, par exemple, commencer par consulter le texte introductif, qui nous renseigne assez bien sur le sujet dont il est question. Et à la fin de la décision, la sanction nous livre également une bonne idée de ce qu’il s’est passé.
H. F. : Je pense qu’il faut faire preuve de capacités de synthèse, mais ce sont là des compétences qui, de toute façon, s’acquièrent avec le temps. Il me semble également important de savoir pourquoi on est là, car un bon assesseur doit savoir ce qu’est le métier.
D. D. F. : Il faut avoir envie de servir la cause, de défendre le métier d’infirmier. Si nous voulons que notre profession reste indépendante, autonome et ce, de manière durable, il faut aussi savoir donner de son temps.
Dominique Daniel Fassina et Hubert Fleury, infirmiers et assesseurs à la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des infirmiers.
En cas de plainte d’un usager contre un infirmier ou de litige entre infirmiers, une conciliation est d’abord organisée au conseil départemental de l’Ordre des infirmiers (CDOI). Si celle-ci n’aboutit pas, le dossier est transmis à la chambre disciplinaire de première instance (CDPI), au niveau régional. Cette chambre est présidée par un magistrat du tribunal administratif, assisté par des assesseurs infirmiers élus. Si l’une ou l’autre des parties fait appel de la décision rendue par la CDPI, le dossier aboutit devant la Chambre disciplinaire nationale (CDN), présidée par un conseiller d’État, également assisté d’assesseurs infirmiers élus, comme Dominique Daniel Fassina et Hubert Fleury.