ENGAGÉE POUR RÉPONDRE AUX BESOINS DES PATIENTS ET DES SOIGNANTS
PORTRAIT DU MOIS
Marie-Claude Daydé
Infirmière libérale pendant 37 ans à Colomiers (Haute-Garonne), Marie-Claude Daydé a récemment mis un terme à son exercice libéral, tout en restant engagée dans de nombreuses activités professionnelles. Elle partage son analyse du système de santé.
Marie-Claude Daydé : Il est atypique, et j’ai l’impression d’avoir eu plusieurs vies professionnelles, riches d’expériences. Après avoir exercé six mois en centre pour enfants, je me suis installée en libéral au début des années 1980, pendant cinq ans en milieu rural, puis à Colomiers (31) avec une associée. En parallèle de mon activité, je me suis investie dans de nombreux autres projets. J’ai notamment été adhérente, puis présidente d’un syndicat. Un engagement primordial et ce, dès mes premières années d’exercice. Je ressentais le besoin d’être soutenue par des professionnels libéraux ayant de l’expérience afin qu’ils me guident. Je me suis aussi impliquée dans la prise en charge des soins palliatifs, motivée, à l’origine, par les patients atteints du Sida. Lorsque la maladie a été découverte, ces derniers mouraient à domicile, dans des conditions pas toujours acceptables humainement et éthiquement. En tant qu’infirmières libérales (Idel), nous étions assez démunies. De 1994 à 2003, je me suis engagée comme infirmière ressource dans un dispositif de prise en charge à domicile des patients atteints de cancer, mis en place par la Ligue contre le cancer de Haute-Garonne et l’Association des soins palliatifs de Toulouse. Je recevais les patients et les aidants pour des entretiens ou les rencontrais à domicile. C’était, selon moi, les prémices d’une consultation infirmière. En 2003, ce dispositif a été relayé par la création du réseau de soins palliatifs de Haute-Garonne, Relience, que j’ai intégré via l’équipe mobile. Je me suis également investie à l’échelle nationale au sein de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), dont j’ai été membre du conseil scientifique, et dans le cadre de plusieurs plans nationaux de développement des soins palliatifs en tant que membre du comité de suivi. Enfin, j’ai développé une activité d’enseignement dans le cadre d’un diplôme interuniversitaire (DIU) en soins palliatifs à l’université de Toulouse, et au sein d’organismes de formation continue pour des thématiques plus larges concernant le développement professionnel continu (DPC). Toutes ces activités m’ont aussi donné l’envie d’écrire des articles et des ouvrages pour témoigner de ces expériences.
M.-C. D. : Ce fut davantage un concours de circonstances qu’un choix. À l’origine, je voulais travailler en pédiatrie. Puis, par l’intermédiaire d’amis, j’ai rencontré une infirmière libérale qui cherchait une associée. J’ai d’abord décliné, tout en acceptant d’effectuer un remplacement pour lui rendre service. À la suite de cette expérience, j’ai poursuivi en libéral. Ce n’est pas tant le statut qui m’a séduite que les rencontres singulières que nous effectuons à domicile. J’ai ensuite décidé d’inscrire cette activité dans un cadre collectif via mes différents engagements au sein de réseaux ou, plus récemment, en devenant vice-présidente de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Toulouse Ouest. J’ai toujours exercé avec une associée, dans un centre médical comprenant des médecins, des kinésithérapeutes, des orthophonistes… Nous avons mené des actions communes et avions une facilité à travailler ensemble sans pour autant être organisés en maison de santé pluriprofessionnelle (MSP). Pour la CPTS, cette dynamique de projet m’intéressait et j’ai accepté d’y participer parce que j’ai toujours défendu cette façon de travailler en interprofessionnalité, de mener des projets de santé pour nos patients.
M.-C. D. : Une décision m’a marquée : la création, en 1993, du congé maternité pour les Idel. Il s’agit d’une date importante pour une profession majoritairement féminine. Je retiens aussi la mise en place de la prescription infirmière, à la suite de la publication d’un arrêté de 2012, qui a permis de conférer davantage d’autonomie à la profession. C’est le cas également avec la création, en 2018, de la fonction d'infirmière en pratique avancée (IPA). Sur le terrain, cette autonomie est souvent existante mais pendant longtemps, elle n’a pas été reconnue.
Enfin, la profession a longuement attendu la création d’un Ordre infirmier, officialisé en 2006. Cela a permis d’acter que nous n’étions pas un métier de « petites mains » mais une profession dotée d’une éthique, d’une déontologie et d’une autonomie à défendre. Pour ces raisons, je n’ai jamais vraiment compris la polémique autour de son existence. Cet Ordre donne, selon moi, de la crédibilité à la profession vis-à-vis des patients et des autres professionnels de santé. J’ai d’ailleurs été conseillère régionale ordinale pendant deux mandats.
M.-C. D. : Ces derniers temps, ce qui me frappe, ce sont les difficultés que rencontrent les Idel face aux problématiques sociales de leurs patients. Elles cherchent à les résoudre afin de combler le vide du système pour leurs patients. Mais cela les épuise. Les tutelles ne peuvent pas se contenter de prôner le virage domiciliaire et le maintien à domicile sans prendre de décisions politiques, donc économiques, pour que l’offre soit adaptée aux situations rencontrées. Concernant les compétences, je pense qu’il faudrait que la consultation infirmière soit enfin mise en place. Une primo-consultation ne peut qu’être bénéfique pour une évaluation globale des patients et ainsi définir les aides à mettre en place. Cela participerait également au développement de la clinique infirmière et à la valorisation des compétences des soignantes qui se forment, suivent des diplômes universitaires (DU). Pour le moment, j’ai l’impression que la question financière et les réticences de certains professionnels font blocage.
M.-C. D. : C’est principalement mon investissement dans la prise en charge des soins palliatifs qui m’a conduite à m’intéresser à la réflexion éthique. J’ai suivi un DIU en éthique de la santé, à la suite duquel je me suis rapprochée de l’ERE, afin de pouvoir échanger avec des professionnels sur ces thématiques. Dès 2015, j’ai accepté de coordonner un groupe de travail pluriprofessionnel sur les questions d’éthique pratique à domicile. Nous avons par exemple élaboré l’année dernière un guide à l’usage des professionnels soignants portant sur la collégialité dans les soins à domicile. Actuellement, nous travaillons sur la question de la vulnérabilité. Notre objectif est de nous questionner sur les thématiques de travail pouvant intéresser nos collègues et leur proposer un partage de réflexions.
Depuis trois ans, je suis aussi chargée de missions au sein de l’ERE, ce qui consiste à participer au développement de la réflexion éthique auprès du grand public et des professionnels, par le biais d’animations de conférences, de sensibilisations et d’ateliers. Cette réflexion est importante car elle donne, selon moi, un sens aux pratiques soignantes. Nous l’avons constaté à la suite de la crise sanitaire : de nombreux soignants ont changé d’orientation car ils ne trouvaient plus de sens à ce qu’ils faisaient. Lorsque dans une équipe soignante, les conflits de valeurs ne trouvent pas de lieu pour s’exprimer, ils fragilisent les équipes et favorisent l’épuisement professionnel.
1980 diplômée de l’institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Toulouse Rangueil
1981 installation en libéral à Saint-Paul-de-Fenouillet (66)
1986 installation à Colomiers (31)
1996 DU en soins palliatifs
1999 DIU en douleur
2002 DIU en éthique de la santé
2003-2023 infirmière d’équipe mobile de soins palliatifs
Depuis 2015 membre de l’ERE Occitanie