L'infirmière n° 051 du 01/12/2024

 

ACTUALITÉS

SANTÉ MENTALE ET PSYCHIATRIE

Élise Kuntzelmann  

Alors que le Premier ministre vient d’en faire une grande cause nationale pour 2025, la Haute Autorité de santé (HAS) a, de son côté, annoncé qu’elle allait poursuivre, pour cinq années de plus, son travail consacré à la santé mentale et à la psychiatrie.

Le Pr Lionel Collet, président de la Haute Autorité de santé (HAS) a souhaité partager, à l’occasion d’une conférence de presse de rentrée qui s’est déroulée le 9 octobre dernier, les grands enjeux de l’autorité publique qu’il préside et également les grandes problématiques de notre système de santé. « L’un des enjeux majeurs est totalement d’actualité et ne vous étonnera pas. Il s’agit de la santé mentale et de la psychiatrie. Cela fait plusieurs mois déjà que nous avons décidé d’investir encore davantage ce champ sur lequel nous étions déjà présents à travers deux programmes pluriannuels. »

C’est dans ce contexte qu’a été lancé un comité nommé « Santé mentale et psychiatrie ». Réunissant professionnels et associations, ce comité est présidé par Claire Compagnon, membre du collège de la HAS et ancienne déléguée interministérielle à l’autisme. « Il s’agit d’un projet de travail pour les cinq prochaines années qui va inclure des recommandations de bonnes pratiques, notamment autour de pathologies, tels que les troubles schizophréniques et les troubles bipolaires, poursuit Lionel Collet. La psychiatrie de l’enfant fait également partie des priorités. » En outre, un parcours de soins permettant de faire entrer la psychiatrie dans le champ commun des autres spécialités est à l’étude. Autrement dit, la manière dont les soins peuvent être organisés au mieux pour ces malades.

Figurent aussi, dans le projet, des thèmes comme la place de l’hospitalisation, le droit des patients, l’accompagnement et le soutien des familles, la psychiatrie de la personne âgée et les addictions en lien avec la santé mentale. De plus, le projet vise à examiner les médicaments et leur bonne utilisation, ainsi que la certification et l’évaluation des établissements dès lors qu’il y a une composante psychiatrique. « La force de la HAS est sa capacité à élaborer un programme très ambitieux sur ces questions-là, affirme Lionel Collet. Et puis nous avons les compétences pour ce qui relève de la réadaptation et de la réinsertion sociale. »

L’événement organisé par la HAS a été l’occasion de rappeler que le sujet de la santé mentale concerne 8,5 millions de personnes en France. Ces dernières étant soit touchées directement, soit prises en charge ou alors sous traitement chronique en lien avec une question relative à la santé mentale.

15 années d’espérance de vie en moins

Pour les personnes souffrantes, les problèmes de santé mentale peuvent se répercuter sur leur espérance de vie, estimée à près de 15 années en moins. Des années perdues potentiellement liées à la maladie elle-même, mais aussi aux conséquences des traitements ou causées par les retards de diagnostics de maladies somatiques, notamment de cancer.

Pour Lionel Collet : « Parce que la maladie mentale est encore stigmatisée et taboue, les patients ne bénéficient pas suffisamment, dans les délais, de l’ensemble des prises en charge nécessaires. Nous nous en rendons compte, en particulier lors de la certification d’un établissement de santé. » C’est, en effet, au cours de ces opérations que la HAS a constaté qu’un peu plus d’un établissement de santé sur sept intégrant une activité psychiatrie ne répondait pas aux critères de qualité exigés…

Et puis, faut-il le rappeler, la santé mentale et la psychiatrie constituent l’un des tout premiers postes de dépenses de l’Assurance maladie, de l’ordre de 25 milliards d’euros. Un argument de plus pour que cette question soit prise à bras-le-corps

Évaluation des établissements

La HAS a mis en avant l’intérêt qu’elle porte à l’évaluation des établissements sociaux et médicosociaux. 41 000 établissements sont évalués une fois tous les cinq ans. En 2022, après deux années de travail, un référentiel d’évaluation a été établi. Sur la base de ce référentiel, 3 000 établissements ont été évalués à partir de 2023. Au 30 septembre dernier, rien que pour 2024, 4 300 autres l’ont été également. « Ce n’est pas la HAS qui évalue directement. Le Cofrac, organisme certificateur, désigne des organismes accrédités qui les évaluent. Mais le rapport final nous revient, précise Lionel Collet. L’enjeu, actuellement, est double. Premièrement, il vise à faire avancer la méthodologie d’homogénéisation entre les évaluateurs, car il y a environ 150 organismes accrédités pour l’ensemble des 41 000 établissements en France. Deuxièmement, nous aurions besoin d’un pôle d’appui afin d’accompagner ces établissements et préparer leurs dossiers pour améliorer leur qualité. Nous ne pouvons le faire qu’avec des moyens ad hoc réellement nécessaires. »